Tahiti, le 24 octobre 2024 – Alors que la dernière soirée de la Tahiti Fashion Week a lieu ce vendredi, Tahiti Infos vous propose de découvrir l’invité star de cette 10e édition : Hubert Barrère. Créateur de mode, corsetier et brodeur français, directeur artistique de la maison Lesage, Hubert Barrère présente ce vendredi soir le premier défilé 100% haute couture sur le Fenua. Celui-ci a bien voulu nous partager son univers artistique où le luxe côtoie le savoir-faire d’artisans de grand talent. À travers un discours direct et sans détour, coloré et généreux, Hubert Barrère nous offre quelques instants d’une vie passionnante et riche.
Qu’est-ce qui vous a attiré à la Tahiti Fashion Week cette année ?
“Marie-Christiane Marek, journaliste spécialisée dans la mode, a été l’une des premières à découvrir mon travail, à me suivre et à me soutenir. Elle était également en contact avec Alberto V. C’est donc grâce à cette personne que j’ai pu rencontrer Alberto, il y a plusieurs années de cela. Puis l’idée est venue que je sois invité à la Tahiti Fashion Week. Mais cela n’a pas pu se faire tout de suite pour des problèmes de dates et d’emploi du temps, de ma faute d’ailleurs. Je crois bien qu’ils ont donc décidé cette année de changer les dates de la Tahiti Fashion Week pour que je puisse venir (rires).”
Est-ce votre premier voyage au Fenua ?
“Non, je suis déjà venu en vacances, pendant presqu’un mois, en Polynésie, du côté des Tuamotu en 2020. J’ai également découvert Taha’a, l’île Vanille. Ce fut un émerveillement, ce fut sublime !”
Ce premier voyage vous a-t-il influencé par la suite dans vos créations ?
“Non, vous savez, l’inspiration est quelque chose de très mystérieuse. C’est un amalgame de tout ce qu’on peut voir, étudier, ressentir. Des paysages comme les Tuamotu font partie en fait d’un trésor de guerre, si je puis dire. Je serais néanmoins extrêmement intéressé par réaliser une collection inspirée des poissons du Fenua, leur forme, leurs couleurs, leurs “imprimés”. Regardez les poissons avec ces reflets de lumière dans l’eau qui jouent avec l’irisation des écailles, c’est comme un tissu changeant et ondoyant, c’est d’une beauté sans nom !”
Un petit mot sur votre parcours professionnel ?
“Je suis un créateur de mode, et ce depuis tout jeune, mais rapidement je me suis spécialisé dans deux domaines. J’ai commencé à travailler chez un brodeur : un travail d’ornementation d’embellissement de tissus avec des perles, des paillettes, des fils d’or, des cristaux, des bouts de gomme si vous voulez. En même temps, je me suis intéressé au corset. Car, pour moi, le corset est un abrégé de cette féminité entre la poitrine, la taille et les hanches. Autrefois, au XIXe siècle, le corset était obligatoire, mais aujourd’hui, porter un corset est une affirmation de soi et il faut rendre cet objet à la fois sensuel, protecteur et en faire un outil de séduction et même de pouvoir. Quand vous portez un corset, l’attitude est obligatoirement différente : vous vous tenez droit, vous vous affirmez en quelque sorte. C’est se mettre aussi en danger car il faut pouvoir assumer cette posture. En parallèle, je suis également le directeur artistique de la maison Lesage, la plus grande et la plus belle maison de broderie au monde qui appartient au groupe Chanel. Je travaille donc aussi avec ce groupe et notamment feu Karl Lagerfeld que j’ai eu le plaisir de côtoyer dès 1997 ainsi que d’autres maisons comme Vuitton, Armani, Yves Saint Laurent, Alexander McQueen, Balenciaga, Dior, Dolce & Gabbana, Jean-Paul Gaultier, Gucci, Prada, Versace, entre autres. La broderie Lesage est au carrefour de nombreuses influences de mode, c’est une sorte de “hub” à travers lequel les créateurs nous sollicitent. C’est très intéressant car cela nous permet aussi d’évoluer et d’apprendre auprès des plus grands. Un échange très prolifique en somme.”
Que présentez-vous ce vendredi soir à la Tahiti Fashion Week ?
“Ce seront mes créations haute couture : tout est réalisé sur mesure à la main, sans zip, avec lacets et boutons, dans des matières exceptionnelles. Mais avant cela, il faut savoir qu’en parallèle, je fais des costumes et scénographies d’opéra. Je monte une fondation culturelle qui rassemblera tous les jeunes de disciplines aussi diverses que la musique classique, la photographie, le cinéma, la mode et les métiers d’art. Je travaille aussi pour quelques privés. Donc je ne fais plus vraiment de défilés. Pour ce vendredi soir, j’ai choisi quelques looks forts et cohérents car il faut raconter une histoire. Parmi ces créations, certaines ont plus de dix ans et d’autres ont été réalisées la semaine dernière. Vous savez, la création est ma raison d’être et cette passion m’amène dans tous les univers de la mode.”
Quel est votre avis sur l’évolution de la haute couture aujourd’hui ?
“Je me rappelle de Pierre Bergé de la maison Yves Saint Laurent qui disait : ‘La haute couture est morte, elle est mourante’. Eh bien, je peux vous dire que je n’ai jamais vu une mourante avec autant de vitalité. La haute couture fait rêver et est-ce que l’on a envie d’arrêter de rêver ? Et en plus, c’est un art de vivre, un artisanat français qui draine un nombre considérable d’artisans qui font des merveilles avec leurs mains, leur cœur et leur esprit. Ce travail ne peut s’arrêter car c’est quand même un ciel bleu qui nous est offert, c’est d’une telle beauté !”
Y a-t-il une réalisation dont vous êtes le plus fier ?
“Non, il n’y a pas de fierté avec moi. En fait, ce pourrait être la prochaine que je n’ai pas encore réalisée !”
Pouvez-vous partager une expérience mémorable d’une collaboration avec un autre créateur ou une maison de couture ?
“Je citerais Alexander McQueen et Karl Lagerfeld, tous deux décédés malheureusement. Alexander créait pour se sauver, il évoluait constamment entre la vie et la mort. Je peux vous dire que lorsque vous rencontrez un jeune homme avec une telle personnalité qui pour autant connaissait parfaitement la couture, c’est troublant. Il évoluait dans un univers fantasmagorique entre la vie, la mort, l’histoire, la culture, le punk, le rock. Tout cela était mélangé et c’était dingue, dingue, dingue ! À côté de cela, vous avez Karl Lagerfeld, un cerveau sur des jambes. Il pensait tout le temps, en plusieurs langues. Il avait des références sur tout, c’était comme un dictionnaire. Mais Karl, comme Alexander d’ailleurs, était d’une gentillesse extrême, charmant et drôle. Alexander représentait, pour moi, le cœur et l’intuition, et Karl, l’intelligence et la référence culturelle, donc je peux vous dire que rencontrer ces deux grandes personnalités, cela fait grandir dans la vie.”
Que pensez-vous de la vāhine ?
“Elle représente la beauté, la sensualité. Ces jeunes femmes inscrites à ce concours de mannequin sont ravissantes. Et il y a un charme particulier sur votre île : ce roulement des ‘r’ si particulier, c’est tout doux. Les gens sont par ailleurs foncièrement gentils. C’est une qualité qui devrait être une normalité mais qui n’est plus en cours en Europe. La vie est difficile là-bas mais il faut s’adapter. Ici, je respire un peu grâce à cette douceur.”
Quelle est votre prochaine actualité ?
“Je vais me rendre le 1er novembre au comité Colbert à Shanghai, qui permet de réunir les plus grandes maisons du savoir-faire et de l’art de vivre à la française, toutes les références du luxe en somme. La maison Lesage que je représente célèbre ses 100 ans cette année, donc il va sans dire que notre présence est indispensable. En décembre, je participe au défilé des métiers d’art en Chine également. Plus tard, à titre personnel, je réalise une trentaine de costumes pour deux opéras dirigés par William Christie, le maître du baroque, tout cela en assurant pas moins de dix défilés de mode par an. Dans un autre domaine, j’adorerais écrire un ouvrage sur la main, mais c’est une autre histoire !”
Qu’est-ce qui vous a attiré à la Tahiti Fashion Week cette année ?
“Marie-Christiane Marek, journaliste spécialisée dans la mode, a été l’une des premières à découvrir mon travail, à me suivre et à me soutenir. Elle était également en contact avec Alberto V. C’est donc grâce à cette personne que j’ai pu rencontrer Alberto, il y a plusieurs années de cela. Puis l’idée est venue que je sois invité à la Tahiti Fashion Week. Mais cela n’a pas pu se faire tout de suite pour des problèmes de dates et d’emploi du temps, de ma faute d’ailleurs. Je crois bien qu’ils ont donc décidé cette année de changer les dates de la Tahiti Fashion Week pour que je puisse venir (rires).”
Est-ce votre premier voyage au Fenua ?
“Non, je suis déjà venu en vacances, pendant presqu’un mois, en Polynésie, du côté des Tuamotu en 2020. J’ai également découvert Taha’a, l’île Vanille. Ce fut un émerveillement, ce fut sublime !”
Ce premier voyage vous a-t-il influencé par la suite dans vos créations ?
“Non, vous savez, l’inspiration est quelque chose de très mystérieuse. C’est un amalgame de tout ce qu’on peut voir, étudier, ressentir. Des paysages comme les Tuamotu font partie en fait d’un trésor de guerre, si je puis dire. Je serais néanmoins extrêmement intéressé par réaliser une collection inspirée des poissons du Fenua, leur forme, leurs couleurs, leurs “imprimés”. Regardez les poissons avec ces reflets de lumière dans l’eau qui jouent avec l’irisation des écailles, c’est comme un tissu changeant et ondoyant, c’est d’une beauté sans nom !”
Un petit mot sur votre parcours professionnel ?
“Je suis un créateur de mode, et ce depuis tout jeune, mais rapidement je me suis spécialisé dans deux domaines. J’ai commencé à travailler chez un brodeur : un travail d’ornementation d’embellissement de tissus avec des perles, des paillettes, des fils d’or, des cristaux, des bouts de gomme si vous voulez. En même temps, je me suis intéressé au corset. Car, pour moi, le corset est un abrégé de cette féminité entre la poitrine, la taille et les hanches. Autrefois, au XIXe siècle, le corset était obligatoire, mais aujourd’hui, porter un corset est une affirmation de soi et il faut rendre cet objet à la fois sensuel, protecteur et en faire un outil de séduction et même de pouvoir. Quand vous portez un corset, l’attitude est obligatoirement différente : vous vous tenez droit, vous vous affirmez en quelque sorte. C’est se mettre aussi en danger car il faut pouvoir assumer cette posture. En parallèle, je suis également le directeur artistique de la maison Lesage, la plus grande et la plus belle maison de broderie au monde qui appartient au groupe Chanel. Je travaille donc aussi avec ce groupe et notamment feu Karl Lagerfeld que j’ai eu le plaisir de côtoyer dès 1997 ainsi que d’autres maisons comme Vuitton, Armani, Yves Saint Laurent, Alexander McQueen, Balenciaga, Dior, Dolce & Gabbana, Jean-Paul Gaultier, Gucci, Prada, Versace, entre autres. La broderie Lesage est au carrefour de nombreuses influences de mode, c’est une sorte de “hub” à travers lequel les créateurs nous sollicitent. C’est très intéressant car cela nous permet aussi d’évoluer et d’apprendre auprès des plus grands. Un échange très prolifique en somme.”
Que présentez-vous ce vendredi soir à la Tahiti Fashion Week ?
“Ce seront mes créations haute couture : tout est réalisé sur mesure à la main, sans zip, avec lacets et boutons, dans des matières exceptionnelles. Mais avant cela, il faut savoir qu’en parallèle, je fais des costumes et scénographies d’opéra. Je monte une fondation culturelle qui rassemblera tous les jeunes de disciplines aussi diverses que la musique classique, la photographie, le cinéma, la mode et les métiers d’art. Je travaille aussi pour quelques privés. Donc je ne fais plus vraiment de défilés. Pour ce vendredi soir, j’ai choisi quelques looks forts et cohérents car il faut raconter une histoire. Parmi ces créations, certaines ont plus de dix ans et d’autres ont été réalisées la semaine dernière. Vous savez, la création est ma raison d’être et cette passion m’amène dans tous les univers de la mode.”
Quel est votre avis sur l’évolution de la haute couture aujourd’hui ?
“Je me rappelle de Pierre Bergé de la maison Yves Saint Laurent qui disait : ‘La haute couture est morte, elle est mourante’. Eh bien, je peux vous dire que je n’ai jamais vu une mourante avec autant de vitalité. La haute couture fait rêver et est-ce que l’on a envie d’arrêter de rêver ? Et en plus, c’est un art de vivre, un artisanat français qui draine un nombre considérable d’artisans qui font des merveilles avec leurs mains, leur cœur et leur esprit. Ce travail ne peut s’arrêter car c’est quand même un ciel bleu qui nous est offert, c’est d’une telle beauté !”
Y a-t-il une réalisation dont vous êtes le plus fier ?
“Non, il n’y a pas de fierté avec moi. En fait, ce pourrait être la prochaine que je n’ai pas encore réalisée !”
Pouvez-vous partager une expérience mémorable d’une collaboration avec un autre créateur ou une maison de couture ?
“Je citerais Alexander McQueen et Karl Lagerfeld, tous deux décédés malheureusement. Alexander créait pour se sauver, il évoluait constamment entre la vie et la mort. Je peux vous dire que lorsque vous rencontrez un jeune homme avec une telle personnalité qui pour autant connaissait parfaitement la couture, c’est troublant. Il évoluait dans un univers fantasmagorique entre la vie, la mort, l’histoire, la culture, le punk, le rock. Tout cela était mélangé et c’était dingue, dingue, dingue ! À côté de cela, vous avez Karl Lagerfeld, un cerveau sur des jambes. Il pensait tout le temps, en plusieurs langues. Il avait des références sur tout, c’était comme un dictionnaire. Mais Karl, comme Alexander d’ailleurs, était d’une gentillesse extrême, charmant et drôle. Alexander représentait, pour moi, le cœur et l’intuition, et Karl, l’intelligence et la référence culturelle, donc je peux vous dire que rencontrer ces deux grandes personnalités, cela fait grandir dans la vie.”
Que pensez-vous de la vāhine ?
“Elle représente la beauté, la sensualité. Ces jeunes femmes inscrites à ce concours de mannequin sont ravissantes. Et il y a un charme particulier sur votre île : ce roulement des ‘r’ si particulier, c’est tout doux. Les gens sont par ailleurs foncièrement gentils. C’est une qualité qui devrait être une normalité mais qui n’est plus en cours en Europe. La vie est difficile là-bas mais il faut s’adapter. Ici, je respire un peu grâce à cette douceur.”
Quelle est votre prochaine actualité ?
“Je vais me rendre le 1er novembre au comité Colbert à Shanghai, qui permet de réunir les plus grandes maisons du savoir-faire et de l’art de vivre à la française, toutes les références du luxe en somme. La maison Lesage que je représente célèbre ses 100 ans cette année, donc il va sans dire que notre présence est indispensable. En décembre, je participe au défilé des métiers d’art en Chine également. Plus tard, à titre personnel, je réalise une trentaine de costumes pour deux opéras dirigés par William Christie, le maître du baroque, tout cela en assurant pas moins de dix défilés de mode par an. Dans un autre domaine, j’adorerais écrire un ouvrage sur la main, mais c’est une autre histoire !”