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Etats généraux de l'information: des propositions tous azimuts et des incertitudes


Crédit HOCINE ZAOURAR / AFP
Crédit HOCINE ZAOURAR / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 11/09/2024 - Les Etats généraux de l'information voulus par Emmanuel Macron ont rendu quinze propositions, après près d'un an de travaux, insistant sur la sensibilisation à grande échelle à la désinformation, la protection renforcée des sources des journalistes ou encore l'indépendance des rédactions.

Ces préconisations à destination des responsables politiques et des acteurs du secteur, dont l'AFP a eu copie mercredi, seront détaillées jeudi matin au siège du Conseil économique, social et environnemental, dans un contexte lourd d'incertitudes.

Comme il s'y était engagé durant la campagne présidentielle de 2022, Emmanuel Macron avait lancé ces Etats généraux en demandant à un comité de pilotage indépendant de trouver de "nouveaux équilibres" dans un paysage médiatique en pleine mutation et dans un contexte de "défiance globale". 

Pour y répondre, le comité dirigé par Bruno Patino, par ailleurs président d'Arte, s'est inspiré des conclusions de cinq groupes de travail, de quelque 175 auditions et de consultations du public, laissant de côté certaines pistes coercitives ou coûteuses, au risque de faire des insatisfaits.

- Dispositif "non punitif" -

Le comité suggère tout d'abord au plan national de renforcer "l'éducation à l'esprit critique et aux médias". 

Autre nouveauté: il propose de revoir les règles sur la concentration des médias pour tenir compte du "pouvoir d'influence réel" de chacun, à l'heure de l'hégémonie des grandes plateformes et des réseaux sociaux. Nombre de médias en France appartiennent à quelques milliardaires (Vincent Bolloré, Daniel Kretinsky, Xavier Niel, Rodolphe Saadé...).

Les EGI étaient aussi très attendus sur le sujet de l'indépendance des rédactions. A l'été 2023, la grève au JDD contre l'arrivée comme directeur de Geoffroy Lejeune, marqué à l'extrême droite, a fait ressurgir l'option d'une procédure d'agrément obligatoire par chaque rédaction, voire de veto.

Mais le comité de pilotage n'a pas retenu un tel dispositif contraignant pour l'actionnaire, car il ne pourrait "s'appliquer à toutes les situations" et présenterait "des inconvénients".

Un dispositif souple est avancé: tout actionnaire devrait informer la rédaction de son intention de désigner un nouveau directeur, pour permettre à ses représentants de donner leur point de vue. 

"Cela est de nature incitative et non punitive", a souligné à l'AFP Pierre Louette, PDG du groupe Le Parisien-Les Echos et vice-président de l'Apig (Alliance de la presse d'information générale). 

Il juge globalement que les propositions des EGI "tiennent compte des envies des uns et des craintes des autres" et attend "de voir comment le gouvernement va s'en saisir".

"Le document fait des impasses, manque parfois de concret et témoigne de frilosités ici ou là", a admis de son côté le directeur général de Reporters sans frontières (RSF), Thibaut Bruttin. Mais, selon lui, "il appartient maintenant à la profession et aux parlementaires, dans une dynamique transpartisane, de s’emparer de ces propositions".

- Députés divisés -

La situation politique est moins favorable qu'il y a un an pour des évolutions législatives, avec une Assemblée nationale très divisée.

Des députés macronistes entendent cependant être moteurs: initié par Violette Spillebout, un groupe "médias et informations" a préparé un livre blanc avec 100 propositions, qui sera présenté mardi. 

A gauche, la députée écologiste Sophie Taillé-Polian, qui avait mis sur la table au printemps une proposition de loi pour un droit d'agrément des directeurs de rédaction, la juge plus que jamais d'actualité. La campagne des dernières élections législatives a vu, selon elle, "la multiplication des fake news et des ingérences politiques".

La balle est désormais dans le camp politique. Il s'agit de "garantir le droit à l'information à l'heure numérique", dans "une visée de long terme", selon les mots de Christophe Deloire, ancien délégué général du comité de pilotage des EGI. Il était également à la tête de RSF et est décédé brutalement en juin.

Un autre changement de la gouvernance des EGI était intervenu en janvier: son président d'alors Bruno Lasserre, prochainement jugé pour complicité de harcèlement moral, avait démissionné pour raisons "familiales". 

En outre, en réaction aux EGI perçus comme biaisés, des "Etats généraux de la presse indépendante" avaient eu lieu en novembre, réunissant des médias marqués à gauche comme Mediapart, Les Jours, Médiacités et encore Blast.

Quelques citoyens ayant participé à deux week-ends de délibérations dans le cadre des EGI ont dit pour leur part espérer ne pas avoir servi de "vernis démocratique".

le Jeudi 12 Septembre 2024 à 07:09 | Lu 369 fois