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Espoo, l’encombrante réintégration ?


© AFP
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Tahiti, le 12 septembre 2024 - La Polynésie française a été intégrée dans la convention de 1991 signée à Espoo (Finlande) en janvier dernier. Le Fenua, d’abord exclu de cette convention en 2001 par le gouvernement central, est désormais lié dans ce pacte européen, signé avec l’appui des Nations unies, dans “l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière”. Son application, même partielle, pourrait avoir des incidences dans les projets industriels conduits localement.
 
C’est une information qui a son importance qui s’est perdue le 5 juillet dernier au Journal officiel de la Polynésie française. Par décret, l’État a publié une lettre française datant du 18 décembre 2023 “notifiant la levée de la réserve relative à la Polynésie française formulée par le gouvernement de la République française lors de l’approbation de la convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière”. Une convention qui ne sera ratifiée que le 21 mai 2023 à Kiev, 32 ans plus tard par des États européens mais aussi par le Canada. Les États-Unis, qui ont participé à la rédaction de la convention en 1991, ne l’ont en revanche jamais ratifiée.
 
Derrière la signature de la France, la Polynésie est restée le seul territoire national exclu de cette convention encadrée par les Nations unies qui lie les États signataires entre eux sur les études préalables aux conséquences potentiellement nocives de certaines activités industrielles sur l’environnement.
 
Une décision de l’État prise en 2001 par Jacques Chirac, alors président de la République, qui avait, en Polynésie française, relancé une campagne d’essais nucléaires cinq ans plus tôt.
 
Avec cette réintégration dans cette convention, la Polynésie pourrait devoir faire face à de nouvelles contraintes juridiques dans ses projets, même si la législation européenne ne s’applique que partiellement au Fenua.

La faute à la Polynésie ?

Le 15 février 2023, l’Assemblée nationale s’était penchée sur la ratification tardive de cette convention par l’État et si la Polynésie française en était exclue, c’était aussi de sa faute.
 
En effet, comme l’expliquait à l’époque le rapporteur du dossier en commission, le député Aurélien Taché, le gouvernement français n’avait fait que suivre “l’avis défavorable émis par l’assemblée de Polynésie française le 29 octobre 1998”.
 
L’assemblée avait “[mis] en avant le manque de concertation en amont dans un domaine touchant à sa compétence, en l'espèce, l'environnement”. 
 
Gaston Flosse au pouvoir, Jacques Chirac aux manettes, les derniers essais nucléaires à peine terminés, il ne fallait pas chercher bien loin les raisons du refus de la Polynésie française d’intégrer cette convention.
 
Une autre consultation de l’assemblée de la Polynésie française aurait alors dû être menée, mais l’État a finalement décidé de passer outre, ce que constatait le député de la Nupes, Hubert Julien-Laferrière. “Si je comprends bien, la Polynésie aurait été intégrée dans le champ de ces textes sans avoir été consultée. J’attends des précisions du rapporteur sur ce point.”
 
Et Aurélien Taché de préciser : “Il me semble indispensable de les consulter de nouveau : en vingt ans, les choses ont pu bouger là-bas, dans le domaine politique comme sur le plan des mentalités. Peut-être la conscience des enjeux liés au réchauffement climatique est-elle plus développée, de même que le souhait d’avancer dans la direction de la démocratie environnementale ? (…)  Néanmoins, le droit européen ne s’applique pas entièrement dans les territoires comme la Polynésie. Si celle-ci décidait de s’engager dans le processus, cela impliquerait pour elle des changements juridiques majeurs.”
 
“Dans la mesure où je représente ici le groupe où siègent les trois députés de la Polynésie, j’ose espérer que ce territoire se prononcera sur le texte en question avant que nous ne le validions”, commentait de son côté le député Jean-Paul Lecoq.
 
Mais les trois députés Steve Chailloux, Mereana Reid-Arbelot et Tematai Le Gayic n’ont jamais été consultés avant la réintégration, nous assure pour sa part le député sortant Le Gayic. Et pour cause, “une période électorale s’ouvre en Polynésie ; je présume donc que la question de la participation du territoire au mécanisme de la convention ne sera pas réglée tant que les institutions n’auront pas été renouvelées”, commentait alors le rapporteur.

Une convention pour quoi faire ?

La convention adoptée à Espoo le 25 février 1991 sur “l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière” a été signée par les États membres de la commission économique pour l’Europe ainsi que des États dotés du statut consultatif auprès de la commission économique pour l’Europe.
 
Elle prévoit “d’assurer un degré élevé de protection de l’environnement, y compris de la santé en veillant à ce que les considérations d’environnement, y compris de santé, soient entièrement prises en compte dans l’élaboration des plans et des programmes, dans l’élaboration des politiques et des textes de loi” ou encore en “établissant des procédures claires, transparentes et efficaces d’évaluation stratégique environnementale”, ce qui devait gêner l’État aux entournures alors que les derniers tests sur l’arme atomique venaient à peine de se terminer à Moruroa et Fangataufa.
 
Dans le préambule de cette convention, les État signataires reconnaissaient “qu’il est important de tenir compte de l’environnement, y compris de la santé, lors de l’élaboration et de l’adoption des plans, des programmes et, selon qu’il convient, des politiques et des textes de loi”.
 
Les pays se disaient alors “conscients des avantages qui en découleront pour la santé et le bien-être des générations actuelles et futures si la nécessité de protéger et d’améliorer la santé des personnes est prise en compte en tant que partie intégrante de l’évaluation stratégique environnementale et prenant en considération les travaux dirigés par l’Organisation mondiale de la santé à cet égard.” 
 
Les pays s’engageaient donc les uns envers les autres afin de mesurer au mieux les impacts qu’une activité industrielle pourrait avoir sur l’environnement, et celui de leurs voisins, dans le cadre de leur développement économique et industriel. La convention vise à garantir que ses parties évaluent l’impact sur l’environnement de certaines activités dès le début de la planification, et qu’elles se notifient et se consultent mutuellement au sujet des activités énumérées dans la convention susceptibles d’avoir un impact transfrontalier préjudiciable important.
 
“Une évaluation stratégique environnementale est effectuée pour les plans et programmes qui sont élaborés pour l’agriculture, la sylviculture, la pêche, l’énergie, l’industrie, y compris l’extraction minière, les transports, le développement régional, la gestion des déchets, la gestion de l’eau, les télécommunications, le tourisme, l’urbanisme et l’aménagement du territoire ou l’affectation des sols”, est-il stipulé dans la convention.
 
De nombreux domaines d’activité sont listés, allant de la raffinerie de pétrole à l’installation destinée uniquement à la production ou à l’enrichissement de combustibles nucléaires, en passant par “le retraitement de combustibles nucléaires irradiés ou au stockage, à l’élimination et au traitement de déchets radioactifs”.
 
La construction d’autoroutes, d’aéroports, de ports, de barrages hydroélectriques ou encore le déboisement de grandes superficies sont aussi dans la liste, comme les exploitations minières sous-marines, les cimenteries et bien d’autres domaines qui vont jusqu’à la construction de parcs d’attraction.

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Rédigé par Bertrand Prévost le Jeudi 12 Septembre 2024 à 18:14 | Lu 2929 fois