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Covid: à l'hôpital Ambroise-Paré, "le moral baisse un peu plus chaque jour"


Boulogne-Billancourt, France | AFP | mardi 09/03/2021 - "On n'en peut plus du Covid mais, en vrai, on n'a pas le choix": dans le service de réanimation de l'hôpital Ambroise-Paré, qui fait face à un nouvel afflux de patients, les soignants continuent à se mobiliser, même si l'angoisse remplace la motivation.

"On n'est pas des machines. On garde tous des cicatrices de ce qu'on a vécu cette année", explique à l'AFP Deborrah Léga, infirmière en "réa" dans l'hôpital de l'AP-HP à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine).

Elle cite l'énorme charge de travail, "le nombre important de décès sur une petite période", l'impossibilité pour les familles d'accompagner les leurs "comme on le fait classiquement", la peur de la contamination... "Ça nous pèse. On vit avec ça dans la tête".

Dans la salle du service de réanimation, infirmiers, aide-soignants, internes et médecins s'affairent auprès des malades. 

Douze patients Covid sont, selon leur état, sous ECMO (oxygénation par membrane extracorporelle), un traitement "de dernier recours", intubés/ventilés ou sous Optiflow, un respirateur à haut débit utilisé depuis la première vague.

Le nombre de malades risque d'augmenter ici comme partout en Île-de-France. Pour y faire face, l'Agence régionale de santé (ARS) a demandé lundi aux hôpitaux franciliens de déprogrammer 40% de leurs interventions chirurgicales et ainsi d'augmenter le nombre de lits de réanimation. Pour Saria Sayadi, une infirmière de 40 ans, "c'est de l'angoisse, beaucoup d'inquiétude".

"On pourrait sans doute prendre six à sept patients Covid supplémentaires", note le Pr Antoine Vieillard-Baron, chef du service. "Nous ne sommes pas pour autant complètement à l'abri d'une difficulté majeure concernant la prise en charge des malades".

Car les extensions des services de réanimation ont une limite: les moyens humains. "Pour 10 lits d'unité de surveillance continue (USC), il faut 20 infirmiers et 14 aide-soignants" pour chaque période de 24 heures, détaille Geneviève Boyer, cadre de soins.

"Le moral baisse un peu plus chaque jour. Nous sommes déconcertés par le nombre de patients qui arrivent encore, déconcertés par l'obligation d'augmenter une nouvelle fois le nombre de lits de réanimation", ajoute-t-elle.

"Entrée du long tunnel" 

Depuis maintenant un an, les soignants enchaînent les heures supplémentaires "sans jamais sortir la tête de l'eau", les "journées trop longues mais trop courtes par rapport à tout ce qu'il y a à faire", les décès...

"On a tellement perdu de patients... On n'a pas fait ce métier pour mettre quelqu'un dans une housse et qu'il ne voit plus leur famille", avoue Geneviève. Partie du service en 2019, l'infirmière est revenue en mars "pour aider ses collègues, son équipe de coeur".

"On n'en peut plus du Covid mais, en vrai, on n'a pas le choix", ajoute Deborrah Léga. "On n'a pas envie mais on vient quand même", ajoute une de ces collègues. "La prime (du Ségur de 180 euros) nous a fait un peu de bien. Mais les heures qu'on fait tous, ce qu'on subit moralement, comparé au salaire qu'on a...", avoue-t-elle.  

Des dessins d'enfants reçus lors du premier confinement décorent les murs des couloirs. Dans le service, quelques bips de scopes s'échappent des chambres envahies par les machines. 

"On comprend très bien les raisons pour lesquelles on dit que le confinement n'est plus une option. Mais je pense qu'il y a un élément majeur à comprendre: ce n'est finalement pas nous qui décidons, c'est le virus", note Antoine Vieillard-Baron.

Avec la vaccination, Deborrah Léga aperçoit "l'entrée du long tunnel". "La plupart des collègues, surtout celles d'expérience, savent qu'il y eu un avant et qu'il y aura un après. Mais là, on est toujours dans le mal". 

le Mardi 9 Mars 2021 à 03:25 | Lu 824 fois