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Ben Benacek transféré dans une prison métropolitaine (Màj)


Le 15 juin dernier, Ben Benacek avait convaincu trois détenus d’escalader avec lui un mur de 8 m de haut à Nuutania, provoquant le gel du site par les gendarmes. L’incident de trop pour l’administration pénitentiaire.
Le 15 juin dernier, Ben Benacek avait convaincu trois détenus d’escalader avec lui un mur de 8 m de haut à Nuutania, provoquant le gel du site par les gendarmes. L’incident de trop pour l’administration pénitentiaire.
PAPEETE, le 5 août 2015 - Le président du tribunal administratif Jean-Yves Tallec a rejeté, ce mercredi après-midi dans le cadre d’une procédure d’urgence dite de référé-liberté, la demande du détenu Ben Benacek et de ses proches tendant à faire annuler son transfert par vol régulier sous escorte policière vers un centre de détention de la région parisienne. Ben Benacek a décollé hier soir pour Paris par un vol à minuit, "dans le calme après avoir pu dire au revoir à ses proches" a-t-on appris de sources judiciaires.

Ben Benacek, écroué depuis le 28 février à la maison d'arrêt de Nuutania, terminera de purger sa peine dans un centre de détention de la région parisienne. Le tribunal administratif, statuant en urgence à la demande du détenu, a rejeté sa requête en annulation de la décision de le transférer en France. Une décision prise le 24 juillet dernier à son encontre par le ministère de la Justice, à la demande de l’administration pénitentiaire de Nuutania.
Ben Benacek avait été informé des intentions de l’administration pénitentiaire dès le 26 juin, motivées par « la sauvegarde de l’ordre public » au sein de la prison, quatre jours après une énième série d’incidents graves le mettant en cause.

Encore un infirmier agressé à Jean-Prince

Le 16 juin dernier, Ben Benacek, qui restera dans les annales judiciaires comme le premier braqueur à main armée en Polynésie française (en 2000 à la banque de Polynésie de Papara), s’était illustré en escaladant un muret dans l’enceinte de la prison de Faa’a en compagnie de trois co-détenus. Perché à 8 m de haut, il avait provoqué un important déploiement de gendarmerie. Il n’était descendu de son perchoir que 6 heures plus tard, au terme de longues négociations avec un médecin psychiatre, le chef de la surveillance et la directrice adjointe de Nuutania.

Placé en soins psychiatriques à l’hôpital Jean-Prince, Ben Benacek ne s’était pas calmé pour autant, agressant physiquement un infirmier. De retour à la maison d’arrêt le 22 juin, il s’était à nouveau illustré en grimpant une fois encore sur son muret. L’incident de trop qui a décidé l’administration pénitentiaire à demander son transfèrement en métropole pour une meilleure prise en charge estime-t-elle : « Le centre de détention de Nuutania ne dispose pas de quartier disciplinaire ou d’isolement correspondant à ce type de profil psychologique » a expliqué son représentant au président du tribunal administratif, précisant que Ben Benacek avait signé les documents et ne s’était pas opposé à son transfèrement : « Le centre de détention qui l’accueillera en métropole est un centre de dernière génération doté d’un service médico-psychiatrique permettant la prise en charge de ces pathologies ».

Depuis ses premiers démêlés avec la justice, Ben Benacek multiplie les allers-retours entre la prison et le service psychiatrique de Jean-Prince. Imprévisible en raison de son appétence pour les produits toxiques associée à des traitements médicamenteux lourds, il avait dernièrement été condamné pour de graves violences commises sur sa grand-mère à Raiatea. Ben Benacek est écroué depuis le 25 février dernier. Il est libérable dans un peu plus de 3 ans.

« La vie de mon fils tient à un fil, ce fil c’est sa famille » plaide sa maman

Son avocat, Me Vincent Dubois, a estimé pour sa part que l’administration pénitentiaire, sous couvert de se préoccuper de la prise en charge de ce détenu à « la personnalité atypique » concède-t-il, cherchait en réalité « à s’en débarrasser » : « Le sentiment que l’on a, ce n’est pas qu’on ne peut plus gérer M. Benacek, c’est qu’on ne veut plus ».
Et l’avocat d’insister sur le fait que les faiblesses avérées de la maison d’arrêt de Nuutania dans la prise en charge de ces détenus borderline n’avaient pas à être supportées par son client.

L’avocat qui a surtout plaidé pour le respect des libertés fondamentales, et la question centrale du maintien des liens familiaux entre un détenu et sa famille : « C’est la première fois depuis 1995 que l’administration est à l’origine de la demande de transfert d’un détenu en métropole. Les faits qu’on lui reproche ne sont pas d’une gravité telle qu’ils justifient les conséquences d’un tel éloignement familial. Il a absolument besoin des visites de sa famille, sans quoi il y a un risque de suicide réel. S’il part en France la famille de Ben Benacek ne le reverra plus. Ces gens ne sont jamais allés en métropole, à 18 000 km. Il a deux enfants. Sa femme ne travaille pas et les billets d’avions coûtent 200 000 Fcfp. Cette demande est disproportionnée ». Le détenu a bénéficié de 178 parloirs depuis son incarcération en février dernier.

La famille de Ben Benacek s’est d’ailleurs déplacée en nombre à l’audience. Sa maman, en guise de conclusion, a livré un émouvant message : « On ne soutient pas tout ce qu’il a fait mais on le soutient lui (…) La vie de mon fils ne tient qu’à un fil, et ce fil c’est sa famille. Il ne peut pas se passer de ses deux enfants. Je ne veux pas qu’il revienne dans une boîte. J’ai peur qu’il se suicide. On l’a mis sous pression après les incidents. Il est au cachot. On veut le forcer à aller là-bas ». Après deux heures de délibération, le tribunal administratif a douché ses derniers espoirs. Ben Benacek poursuivra sa détention en métropole.
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Rédigé par Raphaël Pierre le Jeudi 6 Août 2015 à 10:15 | Lu 10413 fois