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Après son double licenciement, retour compromis pour l'ancienne rapporteuse générale de l'APC


Crédit photo : Archives TI.
Crédit photo : Archives TI.
Tahiti, le 3 septembre 2024 – Véronique Selinsky, l'ancienne rapporteuse générale de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC), ne lâche pas l'affaire. Après avoir été licenciée à deux reprises pour faute grave, notamment pour harcèlement moral, elle poursuit le Pays devant le tribunal administratif pour contester son éviction.
 
L'ancienne rapporteuse générale de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC) fait toujours de la résistance. Plus d'un an après son second licenciement, Véronique Selinsky était de retour, ce mardi, devant le tribunal administratif pour contester son éviction de l'APC en octobre dernier. Déterminée à obtenir justice, elle réclame désormais la somme rondelette de 33 millions de francs au Pays, en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.
 
Son premier licenciement, survenu un an auparavant, avait été annulé en raison d'un vice de procédure, lui permettant de réintégrer brièvement l'Autorité avant d'être de nouveau renvoyée. Cette fois, cependant, les chances semblent moins favorables pour Véronique Selinsky. Le rapporteur public a en effet recommandé au tribunal de rejeter sa demande.
 
Un renvoi fondé
 
Et pour cause, le débarquement de Véronique Selinsky repose sur des accusations de “faute grave”, un motif que le rapporteur public juge suffisamment fondé pour justifier son départ. Pour rappel, l’ancienne rapporteuse générale de l’APC avait fait l’objet d’une enquête interne pour harcèlement moral à l’encontre des membres de son équipe, les rapporteurs du collège de l’APC. Quatre d'entre eux avaient témoigné des abus psychologiques et verbaux qu'ils auraient subis sous sa direction. Des témoignages accablants ont décrit des employés en “état dépressif et en prise en charge psychologique sous psychotropes”, un “management autoritaire”, un “comportement agressif” ainsi que des “menaces”, un “épuisement physique et moral” et des “conditions de travail toxiques”. Autant d’éléments qui, selon le rapporteur public, justifient pleinement un licenciement pour faute grave.
 
Le magistrat a également rappelé les principes de droit applicables : “Aucun fonctionnaire ne doit subir des actes répétés de harcèlement moral, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, à sa santé mentale ou physique, ni de compromettre son avenir professionnel.”
 
La défense de Véronique Selinsky a tenté de contester la légitimité de l’intervention du président du Pays dans cette affaire, arguant que l’APC, en tant qu'autorité administrative indépendante (AAI), échappait à son pouvoir disciplinaire. Là encore, le rapporteur public a été catégorique : “Le président du Pays dispose du pouvoir disciplinaire sur tous les emplois publics, à l'exception de ceux relevant du président de l'assemblée territoriale.”
 
Complot et manigances
 
Pour défendre sa cliente, Me Millet, avocat de Véronique Selinsky – qu'il estime être “une sommité” – n'a pas mâché ses mots en basant sa défense sur un axe surprenant. Selon lui, elle serait victime, d'un terrible complot ourdi par l'actuelle présidente de l'APC, Johanne Peyre, qu'il a accusée, dans une longue diatribe, d'être à l'origine de tous les maux de l’ancienne rapporteuse générale. “Elle n'avait pas la même vision que ma cliente”, a-t-il affirmé, insinuant que cette divergence d'opinion aurait conduit Johanne Peyre à orchestrer son éviction. Me Millet est allé jusqu'à mettre en doute l'intégrité de Johanne Peyre, évoquant un “manque de séparation nécessaire avec le collège” et un “manque de partialité” qu'aurait dénoncés Véronique Selinsky. Ces critiques auraient donc provoqué le courroux de la présidente de l'APC, menant à ces prétendues manigances pour débarquer Véronique Selinsky de l'Autorité. 
 
L'avocat de la défense a également qualifié les accusations de harcèlement portées par les quatre rapporteurs de “lunaires” et “sans fondement”, en insistant sur l'absence de preuves tangibles. “On ne peut pas accuser sans preuve. Il ne suffit pas d’avoir un certain nombre d'accusateurs pour condamner quelqu’un. Vous devez être un rempart contre cela”, a-t-il lancé au tribunal. Le juriste du Pays, quant à lui, a souligné la crédibilité des bilans de santé établis par les médecins, attestant des souffrances des rapporteurs. Le jugement final sera rendu le 17 septembre prochain.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 3 Septembre 2024 à 19:23 | Lu 3666 fois