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Apprenons en forêt


Tahiti, le 21 mars 2024 - La vallée de Mo'aroa dans la commune de Mataiea saluait ce jeudi 21 septembre l'inauguration de la première forêt éducative de Polynésie. Un projet innovant, d'autant plus car il est porté par une entreprise privée, Aoa, qui s’est lancée le défi de préserver la biodiversité polynésienne en valorisant au passage l’activité économique et l’écotourisme dans cette zone de l’île.
 
Le long de ces “sentiers pédagogiques” à l'ombre de la canopée de la vallée de Mo'atoa, ça grouille de plantes en tout genre : indigènes et endémiques, arbustes ou bien fougères, plantes médicinales et même des champignons… “Ils sont encore au stade de jeunes plants”, glisse Élodie Cinquin d’un ton passionné en réajustant minutieusement l’une des pancartes présentant le nom de l'espèce. Il faut dire que cette employée de Aoa s'est investie dans la réalisation de cette “forêt éducative”. Arrivée en juillet dans ce projet un peu fou, elle pointe du doigt la zone d'accueil aménagée et ensoleillée : “Ici, à mon arrivée, c’était la nuit noire”, les espèces végétales envahissantes avaient pris le dessus sur la canopée.
 
Ce 21 mars, à l'occasion de la Journée internationale des forêts, l'entreprise Aoa a inauguré officiellement cette “forêt pédagogique”, 250 hectares dont 25 dédiés à un enseignement pédagogique et à la sensibilisation à la biodiversité polynésienne. “Cette mission s'articule autour de trois piliers : la restauration de l'équilibre de la flore polynésienne au profit des espèces indigènes et endémiques ; la sensibilisation du public à l'écosystème forestier et à ses enjeux pour demain ; l'innovation avec la création d'un laboratoire de recherche”, expliquait Christophe Balsan, PDG de Aoa.
 
Préserver la flore endémique
 
Depuis deux ans, la vingtaine d'acteurs de Aoa s'efforce de réhabiliter cette forêt en combattant les plantes envahissantes qui y prolifèrent. “Le groupe d'experts international sur la biodiversité (IPBES) le dit : les espèces envahissantes sont responsables de 55% des extinctions mondiales”, s'affolait Élodie Cinquin. Et le dernier rapport de l'IPBES de septembre 2023 montait ce chiffre à 60%. Tahiti ne déroge pas à la règle. Dans cette forêt, une quinzaine d'espèces végétales prolifèrent alors qu'elles n'ont rien à y faire, en étouffant au passage le reste de la biodiversité forestière. “Comme les lianes, ou encore le tulipier du Gabon, il est increvable, cet arbre fait partie des 100 espèces les plus envahissantes au monde”, ajoutait Élodie Cinquin.
 

Pour sensibiliser le public à ce fléau chlorophyllé, une zone éducative a été pensée : la première de son genre en Polynésie. Vingt-cinq hectares parcourus par ces sentiers pédagogiques qui présentent les nombreuses espèces endémiques qui composent cette forêt, et les problématiques auxquelles elle est exposée. Le tout ponctué par des panneaux explicatifs réalisés par les scientifiques de Aoa. C’est aussi l’occasion d’observer l’une des trois espèces d’oiseaux qui ont élu domicile dans cette vallée : le pigeon vert, le martin-chasseur vénéré et la fauvette à long bec. À terme, la forêt devrait également abriter un laboratoire de multiplication in vitro, qui devrait jouer “un rôle crucial dans la préservation de la flore polynésienne”, rajoutait Christophe Balsan.
 
Le privé au service de l'écologie
 
Selon la tāvana hau Anna Nguyen, une forêt éducative, ça ne s'inaugure pas tous les jours. “Je connaissais la forêt comestible, la forêt pédagogique, c’est tout nouveau”, rigolait la tāvana. Le projet est innovant sur le papier, et il l’est encore plus car piloté par une entreprise privée : Aoa Polynesian Forest. “Cela permet de combiner les compétences et l’exigence entrepreneuriale avec les impératifs de conservation écologique en termes d’espace et de durée”, expliquait le PDG. Pour garantir la pérennité du projet et la bonne conservation des espèces endémiques polynésiennes, l’entreprise doit donc penser à un modèle de financement. Pour cela, Aoa a reçu l’aide du Fonds vert de l’ex-Première ministre Élisabeth Borne à hauteur de 300 000 euros. À côté, l’entreprise compte sur le financement participatif sur son site internet, les partenariats avec des entreprises polynésiennes et les futurs visiteurs de cette forêt éducative. Anna Nguyen salue l’ambition du projet, surtout pour une start-up âgée de seulement deux années. Pour elle, c’est la preuve que les territoires ultramarins peuvent être à la pointe de la mise en œuvre de solutions écologiques nouvelles.
 
Bien sûr, en plus de protéger la richesse de la biodiversité polynésienne, le projet vise aussi à stimuler l’activité économique de la zone. Une zone chargée d'histoire selon le tānana de Teva i Uta : “C’est ici qu’a eu lieu le premier développement économique, agricole, avec la première communauté chinoise qui est arrivée en Polynésie”. Dans cette vallée peut-être moins populaire que ses sœurs du nord de l’île, le maire salue un projet qui stimulera sans doute l’économie locale en accordant une attention toute particulière à la préservation de la biodiversité. Christophe Balsan le dit lui-même, cette forêt ambitionne de devenir “un exemple de réussite en matière d’écotourisme durable et de protection de l’environnement”.
 

Rédigé par Tom Larcher le Vendredi 22 Mars 2024 à 12:39 | Lu 2949 fois