Papara le 3 février 2023 - Dans l’optique de valoriser les cultures agricoles locales, la Direction de l’agriculture teste plus d’une trentaine de variétés de patates douces. Le service institutionnel permet à n’importe quel producteur de venir récupérer gratuitement les boutures sélectionnées par la DAG. Taille, poids, goût, rendement, chaque critère est étudié par une équipe de chercheurs. L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit de trouver la patate qui convient aussi bien à ceux qui les cultivent, qui les transforment et qui les dégustent.
La Direction de l’agriculture (DAG) teste différentes variétés de patates douces pour retenir les plus compétitives. De 2019 à 2021, l’organisme avait trié un peu plus de 500 variétés hybrides, pour n’en retenir que cinq. Cette année, une équipe de chercheurs, de techniciens et d’agriculteurs continuent d’affiner les recherches afin de valoriser les variétés locales de tubercules. “La raison pour laquelle on continue nos études est très simple. La population a tendance à changer régulièrement de téléphone. Parfois, on change de mobile pour répondre à un vrai besoin, parfois, on en change parce qu’il y a une innovation supplémentaire. Sur les patates douces, c’est pareil, on essaie d’innover à chaque fois”, soutient Maurice Wong, chef de la cellule de recherche, innovation et valorisation à la DAG.
En ce moment, une trentaine d’hybrides de patates douces sont étudiés dans les champs de la Direction de l’agriculture à Papara. Elle devrait proposer dans le courant de l’année ses patates lauréates. “La patate douce est originaire d’Amérique du Sud et consommée depuis des centaines d’années par les Polynésiens. Elle est très riche en nutriments et s’adapte parfaitement aux climats tropicaux. Dans cette optique-là, il s’agit d’inciter la population du fenua à consommer local”, explique le scientifique. La DAG oriente et conseille les producteurs polynésiens en leur proposant ses meilleures boutures du moment.
Patate douce face au jury
Afin de proposer le meilleur type de patate douce, l’équipe de recherche de la DAG analyse différents critères. La vigueur de la plante, la forme, le poids, la tolérance aux bactéries, la couleur de la pulpe, la texture, et la longueur du cycle de plantation sont pris en compte. “Le rendement est important. Cette année, on vise à ce qu’il ne se passe que trois à quatre mois entre la plantation et la récolte. Cela permet aux agriculteurs de faire trois plantations et trois récoltes dans l’année sur la même parcelle”, précise Maurice Wong. Lors des sélections 2019/2021, le cycle de plantation attendu était fixé entre quatre à cinq mois.
“Le goût est important, il s’agit que notre patate soit bonne à manger. On va avoir deux grandes classes de patates douces. Un type de tubercule qui apporte des anti-oxydants, généralement elles sont de couleur violette, et un autre type jaune orangé, plus riche en pro-vitamine A et caroténoïde. Ces dernières molécules renforcent le système immunitaire et préviennent de certaines carences chez l’enfant. En matière d’usage, on travaille sur des patates douces qui sont plus aptes pour faire des frites, ou plus adaptées à la cuisson vapeur. On se calque sur les besoins du consommateur”, développe Maurice Wong.
“Nos prochaines variétés auront des couleurs différentes, certaines seront plus adaptées aux périodes sèches, d'autres aux périodes pluvieuses, on améliore au fur et à mesure, ce n’est pas un processus qui se fait du jour au lendemain. Les points intermédiaires, c’est que les agriculteurs disposent de nouvelles variétés de façon récurrente”, continue-t-il.
Les agriculteurs encore timides
Maurice Wong déplore que “personne n’attend quoi que ce soit des chercheurs de la DAG”. D’après lui, les agriculteurs ne sont pas assez informés des activités menées par l’organisme public. Les entreprises “recherchent encore la facilité dans les méthodes de production, la plupart n’ont pas conscience qu’il peut y avoir de l’innovation dans ce secteur”. Peu nombreux sont les producteurs qui contactent directement la DAG pour bénéficier des études menées. “Les résultats des sélections menées jusqu’en 2021 ont déjà bénéficié à plusieurs agriculteurs, qui ont planté et récolté les variétés lauréates. Ce n’est pas de l’utopie, c’est concret et les lianes (les boutures, NDLR) qu’on leur a données ont déjà porté leurs fruits. Il faut qu’on arrive à faire en sorte que le producteur produise plus, et que le consommateur consomme plus local”, insiste-t-il. D’après Maurice Wong, pas la peine d’importer des semences de patates douces, il suffit de “prendre les lianes et de les multiplier”.
Vivre de façon agro-responsable
“Le matin au petit-déjeuner, on mange des produits importés, le midi pareil et le soir, on recommence. On peut remplacer le riz, la farine, les pâtes, par des éléments qu’on retrouve localement. Le taro, l’arbre à pain, le manioc, contiennent les mêmes carbohydrates (glucides) que tous les aliments importés”, ajoute encore Maurice Wong. La DAG se donne pour mission de soutenir une production locale qui puisse servir de “base alimentaire” pour la population du fenua.
Dérivée sous plusieurs formes, la patate douce peut notamment être transformée en fécule. “On peut faire beaucoup de choses avec une patate douce. Dans le cadre des transitions agroécologiques et des changements climatiques, il s’agit de revenir à des modes de consommation et de conservation, qui soient moins énergivores. Pourquoi est-ce qu’on conserve le blé en France ? C’est parce qu’on ne peut le produire qu’une seule fois dans l’année. La patate douce, on peut la produire sur plusieurs cycles. Il faut reprogrammer la production en fonction des besoins de la population”, développe Maurice Wong. Selon lui, il est inutile de conserver des stocks de farine de patates douces, étant donné que la fécule peut être produite tout au long de l’année. “Il faut éviter les surcoûts en énergie dus à la préservation et à la conservation des aliments.”
Agro-transformation : Quand la frite s’effrite
Selon Corinne Laugrost, ingénieure au laboratoire d’agro-transformation de la DAG, il y souvent un décalage entre les attentes de son service et les sélections de variétés faites par les chercheurs de la DAG. Le laboratoire est chargé de valoriser les productions locales par la transformation. “Les grosses usines d’agro-transformation de Tahiti n’utilisent presque pas de produits locaux. Notre rôle est de venir conseiller les producteurs du fenua et de leur fournir des outils techniques et de compréhension pour qu’il se lance dans la production de pâte de fruits par exemple”, explique Corinne Laugrost.
“La patate douce, c’est la mode en ce moment, tout le monde veut en faire des frites. Personne ne comprend que, comme pour les pommes de terre, il y a des variétés à frite et d’autres qui ne le sont pas. Les variétés mises en avant par mes collègues de la recherche ne répondent parfois pas à certains critères. On reçoit des patates qui sont trop grosses, trop tordues, ce n'est pas possible pour nous de les transformer. Si elle n'est pas correcte, on ne peut pas la découper en frites mécaniquement, elle s’écrase, elle s’effrite et ça ne fonctionne pas. On arrive parfois sur des essais de transformation en frites où je n’ai eu que 15% de rendement, le reste finit en purée. Il est important de faire la différence entre cuisine et agro-transformation et atelier d’agro-transformation”, déplore l’ingénieure.
La DAG est donc à la recherche de la patate douce parfaite. Celle qui conviendrait aux agriculteurs, pour son rendement, aux consommateurs, pour son goût, et aux usines de transformation, pour sa forme. La sainte-trinité de la patate, en somme.
La Direction de l’agriculture (DAG) teste différentes variétés de patates douces pour retenir les plus compétitives. De 2019 à 2021, l’organisme avait trié un peu plus de 500 variétés hybrides, pour n’en retenir que cinq. Cette année, une équipe de chercheurs, de techniciens et d’agriculteurs continuent d’affiner les recherches afin de valoriser les variétés locales de tubercules. “La raison pour laquelle on continue nos études est très simple. La population a tendance à changer régulièrement de téléphone. Parfois, on change de mobile pour répondre à un vrai besoin, parfois, on en change parce qu’il y a une innovation supplémentaire. Sur les patates douces, c’est pareil, on essaie d’innover à chaque fois”, soutient Maurice Wong, chef de la cellule de recherche, innovation et valorisation à la DAG.
En ce moment, une trentaine d’hybrides de patates douces sont étudiés dans les champs de la Direction de l’agriculture à Papara. Elle devrait proposer dans le courant de l’année ses patates lauréates. “La patate douce est originaire d’Amérique du Sud et consommée depuis des centaines d’années par les Polynésiens. Elle est très riche en nutriments et s’adapte parfaitement aux climats tropicaux. Dans cette optique-là, il s’agit d’inciter la population du fenua à consommer local”, explique le scientifique. La DAG oriente et conseille les producteurs polynésiens en leur proposant ses meilleures boutures du moment.
Patate douce face au jury
Afin de proposer le meilleur type de patate douce, l’équipe de recherche de la DAG analyse différents critères. La vigueur de la plante, la forme, le poids, la tolérance aux bactéries, la couleur de la pulpe, la texture, et la longueur du cycle de plantation sont pris en compte. “Le rendement est important. Cette année, on vise à ce qu’il ne se passe que trois à quatre mois entre la plantation et la récolte. Cela permet aux agriculteurs de faire trois plantations et trois récoltes dans l’année sur la même parcelle”, précise Maurice Wong. Lors des sélections 2019/2021, le cycle de plantation attendu était fixé entre quatre à cinq mois.
“Le goût est important, il s’agit que notre patate soit bonne à manger. On va avoir deux grandes classes de patates douces. Un type de tubercule qui apporte des anti-oxydants, généralement elles sont de couleur violette, et un autre type jaune orangé, plus riche en pro-vitamine A et caroténoïde. Ces dernières molécules renforcent le système immunitaire et préviennent de certaines carences chez l’enfant. En matière d’usage, on travaille sur des patates douces qui sont plus aptes pour faire des frites, ou plus adaptées à la cuisson vapeur. On se calque sur les besoins du consommateur”, développe Maurice Wong.
“Nos prochaines variétés auront des couleurs différentes, certaines seront plus adaptées aux périodes sèches, d'autres aux périodes pluvieuses, on améliore au fur et à mesure, ce n’est pas un processus qui se fait du jour au lendemain. Les points intermédiaires, c’est que les agriculteurs disposent de nouvelles variétés de façon récurrente”, continue-t-il.
Les agriculteurs encore timides
Maurice Wong déplore que “personne n’attend quoi que ce soit des chercheurs de la DAG”. D’après lui, les agriculteurs ne sont pas assez informés des activités menées par l’organisme public. Les entreprises “recherchent encore la facilité dans les méthodes de production, la plupart n’ont pas conscience qu’il peut y avoir de l’innovation dans ce secteur”. Peu nombreux sont les producteurs qui contactent directement la DAG pour bénéficier des études menées. “Les résultats des sélections menées jusqu’en 2021 ont déjà bénéficié à plusieurs agriculteurs, qui ont planté et récolté les variétés lauréates. Ce n’est pas de l’utopie, c’est concret et les lianes (les boutures, NDLR) qu’on leur a données ont déjà porté leurs fruits. Il faut qu’on arrive à faire en sorte que le producteur produise plus, et que le consommateur consomme plus local”, insiste-t-il. D’après Maurice Wong, pas la peine d’importer des semences de patates douces, il suffit de “prendre les lianes et de les multiplier”.
Vivre de façon agro-responsable
“Le matin au petit-déjeuner, on mange des produits importés, le midi pareil et le soir, on recommence. On peut remplacer le riz, la farine, les pâtes, par des éléments qu’on retrouve localement. Le taro, l’arbre à pain, le manioc, contiennent les mêmes carbohydrates (glucides) que tous les aliments importés”, ajoute encore Maurice Wong. La DAG se donne pour mission de soutenir une production locale qui puisse servir de “base alimentaire” pour la population du fenua.
Dérivée sous plusieurs formes, la patate douce peut notamment être transformée en fécule. “On peut faire beaucoup de choses avec une patate douce. Dans le cadre des transitions agroécologiques et des changements climatiques, il s’agit de revenir à des modes de consommation et de conservation, qui soient moins énergivores. Pourquoi est-ce qu’on conserve le blé en France ? C’est parce qu’on ne peut le produire qu’une seule fois dans l’année. La patate douce, on peut la produire sur plusieurs cycles. Il faut reprogrammer la production en fonction des besoins de la population”, développe Maurice Wong. Selon lui, il est inutile de conserver des stocks de farine de patates douces, étant donné que la fécule peut être produite tout au long de l’année. “Il faut éviter les surcoûts en énergie dus à la préservation et à la conservation des aliments.”
Agro-transformation : Quand la frite s’effrite
Selon Corinne Laugrost, ingénieure au laboratoire d’agro-transformation de la DAG, il y souvent un décalage entre les attentes de son service et les sélections de variétés faites par les chercheurs de la DAG. Le laboratoire est chargé de valoriser les productions locales par la transformation. “Les grosses usines d’agro-transformation de Tahiti n’utilisent presque pas de produits locaux. Notre rôle est de venir conseiller les producteurs du fenua et de leur fournir des outils techniques et de compréhension pour qu’il se lance dans la production de pâte de fruits par exemple”, explique Corinne Laugrost.
“La patate douce, c’est la mode en ce moment, tout le monde veut en faire des frites. Personne ne comprend que, comme pour les pommes de terre, il y a des variétés à frite et d’autres qui ne le sont pas. Les variétés mises en avant par mes collègues de la recherche ne répondent parfois pas à certains critères. On reçoit des patates qui sont trop grosses, trop tordues, ce n'est pas possible pour nous de les transformer. Si elle n'est pas correcte, on ne peut pas la découper en frites mécaniquement, elle s’écrase, elle s’effrite et ça ne fonctionne pas. On arrive parfois sur des essais de transformation en frites où je n’ai eu que 15% de rendement, le reste finit en purée. Il est important de faire la différence entre cuisine et agro-transformation et atelier d’agro-transformation”, déplore l’ingénieure.
La DAG est donc à la recherche de la patate douce parfaite. Celle qui conviendrait aux agriculteurs, pour son rendement, aux consommateurs, pour son goût, et aux usines de transformation, pour sa forme. La sainte-trinité de la patate, en somme.
Fonctionnement du laboratoire d’agro-transformation de la DAG
Le laboratoire d’agro-transformation, situé à proximité des locaux de la DAG à Papara, a deux missions : l’assistance technique aux usagers, et la recherche et le développement. Ce service gratuit permet à qui veut se lancer dans un commerce qui nécessite de l’agro-transformation de venir présenter son projet au laboratoire. “On préfère que les gens viennent nous voir avant d’acheter leur matériel. Grâce à nos infrastructures, on peut réaliser des tests avec la matière première de leur choix, pour essayer au mieux de répondre à leurs attentes. On va aussi servir de conseiller au niveau du choix des machines. (…) Notre pôle recherche va tenter de trouver des machines avec des tailles et des coûts, adaptés au moyen des petits producteurs”, précise Corinne Laugrost, ingénieur au laboratoire d’agro-transformation de la Direction de l’agriculture.
En moyenne, le laboratoire d’agro-transformation aide 80 entreprises polynésiennes par an. “En 2023, on a une forte demande dans les îles du Vent. J’ai prévu de rencontrer les producteurs de l’archipel pour apporter l’expertise de la DAG”, prévoit l’ingénieure.
En moyenne, le laboratoire d’agro-transformation aide 80 entreprises polynésiennes par an. “En 2023, on a une forte demande dans les îles du Vent. J’ai prévu de rencontrer les producteurs de l’archipel pour apporter l’expertise de la DAG”, prévoit l’ingénieure.