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400 SDF à Tahiti : une situation complexe et des solutions


Il y a autant de filles que de garçons mineurs dans la rue, selon le rapport du collectif  Te Ta'i Vevo
Il y a autant de filles que de garçons mineurs dans la rue, selon le rapport du collectif Te Ta'i Vevo
PAPEETE, le 5 novembre 2015 - Un rapport sur la situation des SDF à Tahiti a été présenté à Edouard Fritch en début de semaine. Il a été rédigé par le collectif Te Ta'i Vevo qui regroupe la Croix-Rouge, le Secours Catholique, l’Ordre de Malte et le Club de prévention spécialisée. Une dizaine de préconisation pour améliorer la situation des SDF et prévenir les situations ont été proposées.

Le Centre de jour (Te Torea) dénombre en moyenne 20 mineurs à la rue, le Foyer Maniniaura (Emauta) a compté 6 jeunes femmes mineures enceintes et un enfant mineur entre 2013 et 2015. Une situation qui va de mal en pis. Au départ, la Croix-Rouge voulait créer un Samu social pour les 400 personnes vivant dans la rue et plus particulièrement les jeunes. Vu l'ampleur de la situation, un collectif appelé Te Ta'i Vevo composé de la Croix-Rouge, du Secours catholique, de l'Ordre de Malte et du Club de prévention spécialisé s'est constitué et a analysé la situation dans un rapport rendu à Edouard Fritch et la ministre en charge de la Famille, Tea Frogier, le 2 novembre.

Cinq types de populations ont été analysés : les mineurs, les jeunes majeurs (18-26 ans), les jeunes salariés, les personnes sortants de prison et les personnes âgées. Le constat est accablant : les mineurs se retrouvent dans des situations d'errance et s'identifient à un clan, ils consomment de l'alcool, des drogues et du tabac ; les personnes de plus de 50 ans présentent des handicaps physiques, consomment des alcools forts comme le komo et beaucoup d'entre eux ont des troubles psychiatriques ; ceux qui sortent de prison sont "blessés, tristes, abattus. Ils ont peur de retrouver leur ancienne situation dans la rue et récidive pour retourner en prison", note le rapport ; les jeunes majeurs sont violents, consomment de l'alcool et du paka et ont des difficultés à suivre un cadre et des règles.
Attention, toutes ces problématiques ne sont pas exhaustives et ne sont pas applicables à toutes les personnes en errance. Ce sont des points forts qui ressortent des études faites par le collectif. " Notre volonté est d’accompagner et soutenir tous ceux qui sont dans l’exclusion totale, l’errance et la perte de dignité" répètent les auteurs du rapport.

ACTIONS CONCRETES

Pour aider les personnes en errance, et c'est bien là le but de ce rapport, le collectif propose des actions concrètes comme : la création d'internats, ce qui évitera notamment le décrochage scolaire et ainsi les situations d'errance dans les rues, les risques de comportements déviants et la consommation d'alcool et de stupéfiants pour les personnes très jeunes. A noter que 99 % des mineurs interpellés en 2014 étaient déscolarisée. Les auteurs du rapport proposent également la mise en place d'un centre éducatif. " Dans un premier temps, il semble nécessaire de créer un foyer d’accueil d’urgence ouvert avec un accompagnement éducatif de proximité dans les îles. Il n’existe pas de structure tampon pour les mineurs venant des îles, ils arrivent directement sur Papeete", indique le rapport.

Te Ta'i Vevo propose également de faciliter les démarches administratives aux SDF comme l'obtention d'un acte de naissance, une exonération des timbres fiscaux pour la carte d'identité, des facilités pour ouvrir un compte bancaire ou encore une carte de transport. L'objectif serait également de redonner "un cadre de vie" au travers des dispositifs permettant de travailler sur l’hygiène, la santé, l’estime de soi, le sport, etc.



3 questions à Manutea Gay, Président d'Emauta pour redonner l'espoir (secours catholique)

La délégation reçue par Edouard Fritch lundi après-midi
La délégation reçue par Edouard Fritch lundi après-midi
"Aujourd'hui, tout le monde a le droit à la dignité "

Pourquoi avoir écrit ce rapport avec le collectif ?

Nous avons écrit ce rapport face au constat de la montée de la précarité et de la situation d'errance. Nous faisons face à un gros déficit de prise en charge. Il faudrait qu'on arrive à éviter que des gamins ne se retrouvent plus en situation d'errance, qu'un jeune travailleur ne se retrouve plus à la rue … Nous devons également travailler sur les problèmes des personnes qui touchent à l'alcool, au cannabis, au komo.

Vous œuvrez depuis 20 ans pour le secours catholique. Pourquoi ?

Globalement, la famille polynésienne est malade. Aujourd'hui, tout le monde a le droit à la dignité. Ce n'est pas normal ce délabrement. Ce n'est pas normal d'être clochard. Notre société civile a été bousculée, la population des archipels a migré vers les grandes villes. Et ça coûte cher de vivre à Papeete !

Quelles sont les pistes pour améliorer le sort des SDF ?

Il y a un gros effort à faire de la part du gouvernement. Il faut revoir la distribution des aides, lutter contre le décrochage scolaire, revoir le logement et les préoccupations sociales … Ce rapport est une "lueur d'espoir". On a eu l'audace de coucher le constat sur du papier. Personne ne s'est approprié les choses. C'est trop facile de dire que les personnes en situation d'errance sont feignantes : ce sont des citoyens comme les autres !




Légende photo 1 : Il y a autant de filles que de garçons mineurs dans la rue, selon le rapport du collectif Te Ta'i Vevo
Legende photo 2 : La délégation reçue par Edouard Fritch lundi après-midi


Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Jeudi 5 Novembre 2015 à 09:31 | Lu 3127 fois