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Travailleurs sociaux : les raisons de la colère


Christian Jonc (à gauche) et Claudine Laugrost (à gauche) travaillent aux affaires sociales depuis plus de 20 ans et espèrent que cette année, ils accueilleront de nouveaux coéquipiers dans leurs circonscriptions.
Christian Jonc (à gauche) et Claudine Laugrost (à gauche) travaillent aux affaires sociales depuis plus de 20 ans et espèrent que cette année, ils accueilleront de nouveaux coéquipiers dans leurs circonscriptions.
PAPEETE, le 7 février 2017 - La tension monte dans les rangs des travailleurs sociaux du Pays. En cause, principalement, un manque criant de moyens humains selon les syndicats. Ils souhaitent combler les postes vacants. Cette mesure permettrait aux professionnels de renouer avec l'essence de leur métier.

Mines cernées et visages fatigués, les travailleurs sociaux sont à bout de force. Depuis de nombreuses années, ils accompagnent les enfants et les familles avec les moyens du bord. "Nous avons beaucoup de dossiers, ça s'accumule, mais nous n'avons pas les ressources humaines nécessaires", souffle Claudine Laugrost, responsable de la circonscription de Pirae Arue et représentante syndicale. A l'heure actuelle sur les neuf circonscriptions, sept postes sont vacants selon elle. "Mais la charge de travail est restée la même."

15 étudiants suivent une formation d'éducateur spécialisé au fenua et quatre autres d'assistante sociale en métropole. Les représentants syndicaux souhaitent leur ouvrir les portes de la direction des affaires sociales du Pays (DAS) mais pour cela, il faut organiser un concours. Problème : rien n'est programmé pour 2017. "A l'été, quand la promotion sortira et quand ces jeunes arriveront sur le marché de l'emploi, nous voulons qu'un concours pour intégrer la fonction publique du Pays soit organisé."

MANQUE DE TEMPS

D'ici à une dizaine d'années, 80 départs à la retraite sont prévus dans les services de la DAS du Pays. L'intersyndicale souhaite aussi que cette formation soit pérennisée car, pour le moment, il n'est pas prévu qu'elle rouvre les portes en 2017. "Nous n'avons aucune garantie pour que l'école rouvre à la rentrée. Nous nous sommes déjà battu pour qu'elle le soit il y a trois ans!", peste Christian Jonc, responsable de la circonscription de Papeete et représentant du personnel, travailleur dans le domaine social depuis 31 ans.

Le manque de moyen humain est un problème récurrent pour la DAS. En décembre dernier, sur la circonscription de Pirae et Arue, un agent a été recruté. "A ce poste, je n'avais plus personne depuis août 2015", explique Claudine Laugrost, avant que son collègue, Christian Jonc n'ajoute : "Nous avons besoin de monde, nous ne pouvons plus continuer comme ça. Nos agents sont fatigués. Il y en a de plus en plus qui font des burn-out. Il faut faire quelque chose."

Les travailleurs sociaux croulent sous les dossiers de suivis de mineurs et demandes d'aides. Pour chaque, ils doivent rédiger un rapport. Au final, le temps passé au bureau est plus important que sur le terrain, l'essence même de leur métier. "Notre métier, nous l'avons choisi et on l'aime. Mais à l'heure actuelle, nous devons faire beaucoup d'administratif. Nous n'avons plus assez de temps avec les familles et avec les enfants, c'est terrible! Quand j'ai commencé, nous faisions la traversière de la Papeno'o avec les gamins, là c'était plus facile de leur parler de drogue et de faire de la prévention mais aujourd'hui, nous n'avons plus le temps", raconte, nostalgique, la responsable de circonscription. Groupes de paroles, excursions avec les familles, interventions dans les quartiers et accompagnements des jeunes parents, entre autres, ont presque déserté les programmes des travailleurs sociaux.

A ces moyens humains viennent aussi s'ajouter des problèmes de logistique. Le parc automobile de la DAS est très ancien. Les travailleurs sociaux ont du mal à se rendre sur le terrain. "Il y a des voitures qui sont vieilles de 20 ans. Elles tombent tout le temps en panne, certaines ne respectent même pas les normes de sécurité, nous ne pouvons pas prendre les prendre ni emmener les familles avec nous."

Selon les représentants du personnel, la dernière fois que des postes ont été créés à la DAS remonte à 2010. Cette année-là, les travailleurs sociaux avaient exercé leur droit de grève. La grève, les travailleurs sociaux l'ont envisagé cette année encore. Mais les intempéries les ont stoppés dans leur élan. "Nous sommes des travailleurs sociaux, nous devons être là pour les familles. Nous n'allons pas faire grève alors que certains sont dans la boue et ont besoin de notre aide…"

"IL FAUT QU'IL Y AIT UN GESTE FORT "

Le 27 janvier dernier, les représentants syndicaux ont rencontré leur ministre de tutelle : Jacques Raynal, en poste depuis le 13 janvier dernier. Les représentants du personnel lui ont exposé leurs doléances. "Nous avons connu beaucoup de ministres et à chaque fois que nous les rencontrions leur réponse était : "Attendez, je viens d'arriver!" Cette fois, nous avons dit stop, ça suffit! Il faut agir maintenant. Il semblerait quand même que, suite à notre rencontre, certaines choses aient l'air de bouger", se réjouit Claudine Laugrost.

Certaines demandes ont été entendues. Les représentants de l'intersyndicale ont déjà relevé plusieurs points positifs de la part du ministre. "Notre demande pour avoir un médecin COTOREP a été entendue. Du personnel a été recruté pour nous aider à gérer les dossiers du RST et puis, cette semaine, quelques une des voitures ont été contrôlées… Il y a eu quand même du positif!", notent la responsable et son confrère.

Pour autant, ils attendent un geste fort de la part du ministère de tutelle. "Nous sommes contents mais nous ne voulons pas que ce soit du vent ! Il faut qu'il y ait un geste fort, cela va calmer les esprits des travailleurs et cela va leur donner de l'espoir!"

Le ministre a proposé aux syndicats de les revoir à la fin du mois de mars, après le collectif budgétaire. Si c'est une bonne chose pour Claudine Laugrost, elle espère tout de même que les choses soient plus rapides : "Nous voulons que des annonces soient faites avant! Une fois que tous les sinistrés auront été pris en charge, nous n'excluons pas de manifester notre colère! Les travailleurs sociaux sont à cran! "

"Il reste encore deux points à régler et je m'y emploie"

Jacques Raynal, ministre de la Santé et de la Solidarité, est en charge des affaires sociales du Pays. Il revient sur sa rencontre avec les représentants syndicaux :
"Je les ai reçus la semaine dernière. Nous nous sommes mis d'accord sur un certain nombre de dispositions mais il reste encore deux points à régler et je m'y emploie. (NDLR : le ministre n'a pas voulu préciser lesquels). Nous avons exposé ce que nous pouvions faire pour eux et nous leur avons proposé un certain nombre de solutions. Il y a certaines questions qui sont un peu plus complexes et qui nécessitent un peu plus de temps. En ce qui concerne le concours que les syndicats demandent, ce n'est pas moi qui décide."

Les circonscriptions d'action sociale

Les circonscriptions sont réparties suivant des secteurs bien précis. Il y environ une dizaine de travailleurs sociaux par circonscription, certains sont détachés dans les îles et d'autres partent en mission suivant les besoins. Toute circonscription a un responsable et un psychologue.
- Numéro 1 : Papeete/Australes
- Numéro 2 : Faa'a
- Numéro 3 : Punaauia/Paea
- Numéro 4 : Papara Teva i Uta
- Numéro 5 : Mahina, Hitiaa O te Raa et Marquises.
- Numéro 6 : Pirae, Arue et Tuamotu Gambier
- Numéro 7 : Raromatai
- Numéro 8 : Taiarapu
- Numéro 9 : Moorea Maiao


Rédigé par Amelie David le Mardi 7 Février 2017 à 14:41 | Lu 10636 fois