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Le malathion autorisé en Polynésie… mais pas réglementairement


Photo d'illustration
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PAPEETE, le 25 mars 2015. Le malathion est l'un des cinq produits pesticides visés pour sa dangerosité par une récente étude de l'agence cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Il reste importé et utilisé en Polynésie française alors que, depuis presque un an, il n'apparaît plus sur la liste des produits autorisés.

Pour savoir quelles sont les substances actives et préparations commerciales de pesticides autorisées en Polynésie française, il suffit de consulter la liste sur le journal officiel du Pays (consultable également en ligne sur le site Internet du Centre d'hygiène et de salubrité publique en suivant l'onglet pesticides). Le dernier arrêté ministériel sur le sujet date du 27 juin 2014. Son intitulé bien que rébarbatif est lumineux : "arrêté n° 983 CM du 27 juin 2014 remplaçant les annexes de l'arrêté n° 1065 CM du 25 juillet 2011 fixant la liste des substances actives et préparations commerciales de pesticides autorisées en Polynésie française". C'est la bible en quelque sorte, la référence légale en tout cas, des pesticides en Polynésie. Tout ce qui est autorisé comme substances chimiques, toutes les restrictions d'utilisation, toutes les précautions à prendre y sont indiquées.

> On peut consulter cette liste officielle et mise à jour en CLIQUANT ICI


Sauf que dans cette liste du 27 juin 2014 ne figurent ni le paraquat, un herbicide très largement utilisé par les agriculteurs locaux, ni le malathion, un insecticide employé notamment jusqu'à fin 2013 par les services du Pays dans le cadre de la lutte anti-vectorielle contre les moustiques. Pour le paraquat, l'omission est réparée dans les 15 jours qui suivent. Un nouvel arrêté du 10 juillet 2014 modifie uniquement l'annexe 1 de cette liste des substances pesticides autorisées et remet à sa bonne place le paraquat. Mais le malathion (habituellement placé dans l'annexe des produits peu dangereux en Polynésie) reste bel et bien aux abonnés absents. Il apparaît effectivement sur la liste des produits pesticides autorisés en 2011, il figure encore dans celle publiée le 13 mai 2013, mais ne se retrouve pas dans la dernière version de juin 2014, présentée pourtant comme, "la dernière liste à jour des substances autorisées en Polynésie française". Au total la liste des substances autorisées de 2011 présente un total de 495 produits ou substances référencés, tandis que celle de 2014 n'en affiche plus que 429.

Serait-ce un oubli ? C'est la seule explication possible. Dans la mesure où une omission s'est déjà produite pour le paraquat, elle a pu se renouveler pour le malathion -et probablement même pour toute une partie de tableau, disparue soudainement. En tout cas, personne ne semble s'être aperçu que depuis juin 2014, le malathion ne figure plus sur la liste des produits autorisés en Polynésie française ! Interrogé à ce sujet, le ministre de l'agriculture Frédéric Riveta assure que le malathion est actuellement un pesticide autorisé sur le territoire, d'ailleurs il n'a pas fait l'objet d'un examen d'une demande de retrait au sein de la commission des pesticides. Frédéric Riveta ignore qu'il ne figure pas sur la liste officielle, "je vais voir ça" nous-dit-il.
Le ministre n'est pas le seul pris en défaut : selon le Centre d'hygiène et de salubrité publique, très exactement 3100 litres de malathion ont été importés sur le territoire dans le courant de l'année 2014 et n'ont pas été bloqués par les douanes. Tout le monde est persuadé que le produit est autorisé. De fait, il n'a pas été officiellement retiré de la liste des produits autorisés sur le territoire, mais il n'y apparait pas non plus !

6 à 12 mois de sursis pour le paraquat

Lors de la dernière réunion de la commission des pesticides du 12 février 2015, cette dernière a émis un avis favorable pour le retrait de l’herbicide paraquat et pour les ajouts du fongicide mandipropamide et de l’insecticide flupyradifurone. Ce qui motive le retrait du paraquat, en dépit d'une très forte mobilisation des agriculteurs locaux depuis cette annonce, c'est "sa forte toxicité aiguë par ingestion, même à faible dose" indique un communiqué du conseil des ministres de ce mercredi, d'autant qu'il n'y pas d'antidote connu à ce jour.

Au sein de l'Union européenne, le paraquat est interdit depuis 2007. "Des indices sérieux existent tendant à douter de l’innocuité de la substance. S’agissant de la santé humaine et animale, le principe de précaution s’oppose donc au maintien de cette substance sur la liste des pesticides autorisés en Polynésie française et impose à l’autorité politique de prévenir les risques potentiels en le supprimant de la liste des substances actives donc la commercialisation est autorisée" précise le communiqué à l'issue du conseil des ministres.

Actuellement les stocks de paraquat sur le territoire seraient de 3000 litres. "Afin d’écouler ces stocks et de proposer des substituts éventuels, des délais de commercialisation de six mois et d’utilisation de 12 mois ont été accordés pour les spécialités commerciales de pesticide composées de paraquat. Le gouvernement souhaite que le secteur agricole puisse évoluer en partenariat étroit et serein avec les professionnels mais aussi les consommateurs". On verra, à la faveur de cette prochaine modification de la liste des substances pesticides autorisées en Polynésie française, si le malathion est subrepticement réintroduit.

Rédigé par Mireille Loubet le Mercredi 25 Mars 2015 à 17:52 | Lu 1067 fois