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Emprunts : pourquoi la Polynésie passe-t-elle par le marché obligataire ?


Pierre Frébault, ministre des finances s'apprête à signer une convention avec la banque HSBC pour l'émission d'un emprunt obligataire.
Pierre Frébault, ministre des finances s'apprête à signer une convention avec la banque HSBC pour l'émission d'un emprunt obligataire.
PAPEETE, jeudi 11 avril 2013. Alors que la Polynésie française s’apprête à mettre en place un programme d’émission d’emprunt obligataire via la banque HSBC, il est important de comprendre comment le Pays en est venu à considérer cette nouvelle solution de financement offerte aux collectivités locales. Ces dernières ont eu de plus en plus de mal au cours des dernières années, avec la crise financière mondiale, à emprunter aux banques de manière classique. Dans le même temps, les emprunts «toxiques» fortement utilisés dans la première décennie des années 2000, sont désormais voués aux gémonies. Dexia, grande pourfendeuse de fonds des collectivités via des montages banquiers et monétaires complexes (souvent liées aux variations des cours des monnaies) a été démantelée, non sans avoir entrainé dans son sillage d’énormes difficultés financières pour plusieurs centaines de collectivités françaises. Certaines de ces collectivités ont choisi d’attaquer l’ex banque franco-belge en justice car des arguments juridiques sérieux peuvent être avancés ; d’autres collectivités, ont choisi de renégocier ces emprunts avec le nouvel opérateur public créé sur les cendres de Dexia, à savoir la Société de financement local (Sfil) : c’est le cas de la Polynésie française.

A la fin du mois de février dernier, le ministre des finances Pierre Frébault était à Paris et rencontrait des cadres de cette nouvelle entité financière
. La Sfil à travers son opérateur de refinancement, la Caisse française de financement local (Caffil), peut effectivement procéder à la normalisation de ces prêts "toxiques". Il s'agit de refinancer les prêts les plus sensibles en stabilisant leur taux autant que possible. Entre 2007 et 2011, les différents gouvernements de Polynésie ont souscrit au moins six emprunts toxiques pour un montant total avoisinant les 20 milliards de Fcfp et dont certaines échéances couraient jusqu’en 2022. Pierre Frébault assure que ces emprunts toxiques ont été depuis renégociés. Mais, si le ministre a publié un communiqué de presse sur cette entrevue parisienne avec des cadres de la Sfil, il n’a pas, en revanche, précisé le montant des emprunts renégociés ni quelles sont les nouvelles conditions de remboursement. En tout cas fin 2012, la dette due par la Polynésie française à Dexia -désormais à la Sfil qui a repris les actifs de l’ex banque franco-belge- s’élevait à près de 35 milliards de Fcfp soit 42% du montant total de la dette du Pays.


Concernant les nouveaux investissements du Pays à réaliser en 2013, la Polynésie française a également sollicité la Sfil.
En février dernier, outre la renégociation de certains anciens emprunts Dexia, Pierre Frébault a pu également concrétiser un accompagnement financier de cette banque publique à hauteur de 2,4 milliards de Fcfp (20 millions d’euros). Le problème de la Sfil reste son offre limitée en volume qui ne peut couvrir actuellement que le quart environ des besoins de financement des collectivités locales françaises. Dans son budget 2013, la Polynésie française a inscrit une enveloppe d’emprunt allant jusqu’à près de 10 milliards de Fcfp pour couvrir ses besoins en investissement de l’exercice, ainsi le Pays a dû aller chercher ailleurs d’autres sources de financement. Depuis juillet 2012, le ministre des finances Pierre Frébault cherche à financer une enveloppe de 6 milliards de Fcfp. C’est ainsi que tout naturellement, comme d’autres collectivités locales, le Pays a tendu l’oreille et les mains vers d’autres possibilités.

Emprunt obligataire : qu’est ce que c’est ?

Le financement des investissements publics par les emprunts obligataires est aujourd’hui de plus en plus demandé par les collectivités locales (grandes ou moyennes). «Un emprunt obligataire est un emprunt lancé par une structure (entreprise, banque, État, autre organisme public) matérialisé sous forme d'obligations qui sont achetées par des investisseurs. Le marché obligataire permet de se procurer des ressources financières longues auprès de gros investisseurs, voire du grand public sans recourir à la ressource bancaire classique. Les investisseurs sont surtout les compagnies d’assurance, les caisses de retraite, les fonds d’investissement, les banques aussi» précise le CNFPT (centre national de la fonction publique territoriale).

Les emprunts obligataires sont soumis à autorisation pour cause d’organisation du marché obligataire et de contrôle des opérations financières avec l’étranger. Aussi avant l’obtention du crédit, la collectivité doit suivre une procédure de préparation qui peut durer entre 4 et 6 mois. Il lui faut d’abord obtenir (et payer) une notation financière par une agence spécialisée qui devra être renouvelée ensuite chaque année. Il faut établir avec une banque intermédiaire un «prospectus» qui présente la Collectivité sous tous ses aspects pour pouvoir attirer les investisseurs sur ce marché obligataire. Il faut obtenir un visa de l’Autorité des marchés financiers (AMF).

La Polynésie française via la banque HSBC semble avoir choisi une formule «Euro Medium Term Note» (EMTN). Cela consiste à lancer non plus une émission unique, mais une série d’émissions à l’intérieur d’un plafond préétabli pendant plusieurs années (dans ce cas précis il est prévu un total de 21,6 milliards de Fcfp jusqu’en 2015). Cette formule permet d’avoir un accès continu au marché obligataire en fonction de ses besoins. Selon le CNFPT «la procédure est plus lourde (notation du programme obligataire, assistance juridique, documentation renforcée, …) mais, à l’émission, les frais sont allégés et la réactivité est très forte : quelques jours entre la décision et l’arrivée des fonds».

L’ensemble des coûts liés à la procédure, annualisés sur la durée du prêt, renchérit le taux final de l’emprunt entre 0,05 % et 0,15 %. Toujours selon une documentation du CNFPT : «fin 2012, le prix du financement par le marché obligataire est attractif car les collectivités notées autour de AA/AA- obtiennent des prêts avec des marges de 1,20 % à 1,50 % sur Euribor, soit l’équivalent de taux fixes entre 3 % et 3,5 % sur 10 – 12 ans». La Polynésie française étant seulement notée BB+ depuis mars 2011 obtiendra forcément des taux plus élevés.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 11 Avril 2013 à 15:16 | Lu 2473 fois