Manutea Lodge : la remise en état du site réclamée


Le tribunal administratif annule pour “fausses déclarations” le permis de construire et de terrassement accordé à la société Manutea Lodge pour le lotissement du même nom comptant six lots sur les hauteurs de Piha'e'ina à Moorea ©Nicolas Bruno
Tahiti, le 2 octobre 2025 - Alors que le tribunal administratif a annulé mardi le permis de construire accordé à la SARL Manutea Lodge pour un lotissement sur les hauteurs de Pihaena à Moorea, la fédération Tahei auti ia Moorea et la commune de Moorea-Maiao demandent que la société remette le site en état. “La suite logique, ce serait que le Pays ou le procureur demande que les dommages qui ont été faits à la terre puissent être réparés.”   
 
La société Manutea Lodge s’est vu annuler son permis de construire pour un lotissement de six lots sur les hauteurs de Pihaena à Moorea, mardi, par le tribunal administratif pour “fraudes”.

Le tribunal a estimé que le maître d’ouvrage, Jean-Michel Monot, a fait de “fausses déclarations” dans le seul but de “tromper l'administration” pour notamment “échapper à l’application des règles relatives à l’évaluation de l’impact environnemental de l’opération”.

En effet, le propriétaire avait indiqué, dans sa demande d’autorisation, à la direction de l’aménagement et de la construction (DAC), que “le volume total des affouillements et exhaussements causés par le projet” se bornait à des travaux de terrassement n’excédant pas les 1 950 m3.

Or, le tribunal administratif a constaté que les terrassements atteignent au moins 2 000 m3 et, de ce fait, devaient être précédés d’une étude d’impact environnemental, comme l’exige la réglementation polynésienne. De plus, compte tenu du vice retenu, le tribunal a prononcé l’impossibilité pour la société de faire l’objet de mesures de régularisation prévues par le code de l’urbanisme.
 
Pour autant, le combat n’est pas terminé pour la fédération Tahei auti ia Moorea et la commune de Moorea-Maiao qui demandent “la remise en état du site

“Justice est faite (…) c’est une belle victoire”

L'annulation du permis de construire est prononcée sans possibilité de faire l'objet d'une des mesures de régularisation prévues par le code de l'urbanisme “compte tenu du vice retenu” ©Nicolas Bruno
“Justice est faite” sont les premiers mots du président de la fédération Tahei auti ia Moorea-Maiao, Rahiti Buchin, à l’annonce de la décision du tribunal. “Pour nous, c’est une belle victoire, on avait signalé cela au Pays et à la commune et on a pris le dossier en main.”
 
“On est content mais on fait quoi maintenant ?” Rahiti Buchin rappelle que la demande initiale de la fédération au tribunal était que le “site soit remis dans son état naturel car ils ont bien défiguré la montagne”. Le comité directeur de la fédération doit se réunir dans les semaines à venir pour se pencher sur la décision du tribunal “et voir quelle suite on va donner à cette affaire (…) La suite logique, ce serait que le Pays ou le procureur demande que les dommages qui ont été faits à la terre puissent être réparés (…) puisqu’il n’est pas question d’obtenir une régularisation, donc ce projet n’a plus lieu d’être (…). Et cela va être difficile pour eux d’obtenir une autre autorisation.”
 
Autre demande de la fédération : la sécurisation du site. “Les travaux engagés ont mis en péril la vie des résidents qui habitent à côté du site”, rappelle Rahiti Buchin, qui précise que la fédération et ses membres préféreraient “se concentrer sur nos projets de développement comme le ‘Ohuraa o te tau, Peho ʻUru ou encore le Fare aru, mais puisque ni le Pays ni la commune ne réagissent, on a décidé de prendre les choses en main".  

“On aurait préféré que l’administration réagisse très tôt”

Du côté de la commune de Moorea-Maiao, le directeur de l’environnement, des services techniques et de l’aménagement, Olivier Pôté n’est pas étonné de cette décision du tribunal, il est même “satisfait”. “Tout le monde s’y attendait”, confie-t-il. “En plus, le juge a qualifié la fraude, c’est-à-dire les déclarations mensongères dans la demande de permis de construire.” Il précise d’ailleurs que la fédération Tahei auti ia Moorea et le couple Rurua n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme depuis plusieurs mois déjà.
 
“On aurait préféré que l’administration réagisse très tôt et que les dégradations qu’on a vues n’aient jamais eu lieu”, regrette-t-il. Mais en tout cas, cette décision fera désormais jurisprudence et “cela permettra d’intervenir plus rapidement lorsqu’on a des situations similaires”, assure Olivier Pôté.
 
Aujourd’hui, la commune ne compte pas s’arrêter là. Des courriers ont été envoyés à Jean-Michel Monot ainsi qu’à la direction de l’aménagement et de la construction (DAC). Dans le premier courrier, il est demandé que la société Manutea Lodge prenne attache auprès de la Direction de l’environnement (Diren) et de la DAC pour “faire un état des lieux de tous les travaux réalisés, évaluer les atteintes à l’environnement, ainsi que les risques potentiels sur les habitations en contrebas. La sécurisation, c’est la priorité de la commune. Il faut qu’on enlève cette épée de Damoclès qu’ils ont au-dessus de leur tête. Et dans un second temps, il est demandé de procéder à la remise en état du site.”   
 
Par ailleurs, le directeur de l’environnement de Moorea-Maiao rappelle que plusieurs mètres cubes de terre provenant des terrassements effectués ont été déversés chez l’une des voisines du projet de lotissement ainsi que dans le lagon de Pihaena. “Donc ce n’est pas du tout fini pour la commune”, insiste Olivier Pôté. Il laisse à la DAC le soin de “mettre en place la procédure de remise en état prévue par le code de l’aménagement et le code de l’environnement”.
 
Contacté à plusieurs reprises, Jean-Michel Monot est resté injoignable.

Selon le code de l’aménagement

“Les auteurs de travaux immobiliers ou de lotissement effectués sans autorisation ou en non-conformité des autorisations accordées pourront être condamnés à la remise en état des lieux. Cette remise en état des lieux pourra être partielle et ne concerner que la partie irrégularisable ou dangereuse des travaux effectués, et être assortie des mesures conservatoires et de confortation éventuellement nécessaires". 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Vendredi 3 Octobre 2025 à 05:00 | Lu 4239 fois