Fin de vie : l’assemblée de Polynésie dénonce une “méthode brutale” de l’État


L’assemblée de la Polynésie française a adopté une résolution demandant à l’État de respecter la souveraineté sanitaire, culturelle et éthique du Pays dans le débat sur la fin de vie. ©AFP
Tahiti, le vendredi 28 novembre 2025 - Jeudi 27 novembre, l’assemblée de la Polynésie française a adopté une résolution demandant à l’État de respecter la souveraineté sanitaire, culturelle et éthique du Pays dans le débat sur la fin de vie. Derrière un vote largement favorable, les élus ont surtout exprimé leur colère face à l’absence de concertation et leurs doutes sur la faisabilité du futur dispositif dans les archipels.
 
Le débat a été vif mais, sur un point, les élus se sont retrouvés : la manière dont Paris a décidé d’étendre à la Polynésie, par amendement, deux propositions de loi – l’une sur l’aide à mourir, l’autre sur les soins palliatifs – sans consultation préalable. “Ils sont passés outre le respect de ce que l’on est”, a dénoncé Cédric Mercadal, ministre de la Santé, jugeant la méthode “perturbante” pour un sujet “aussi intime”.
 
La résolution, déposée par le Tavini, a été adoptée par 39 voix contre 4, avec 14 abstentions. Elle affirme une opposition “ferme” à l’extension automatique des textes, tout en réclamant une large consultation de la population. Mais cette position a laissé perplexes certains élus. “Comment peut-on dire qu’on s’oppose fermement alors qu’on n’a pas encore consulté les Polynésiens ?” a interrogé élue Tepuaraurii Teriitahi, représentante du Tapura Huiraatira qui y voit une “incohérence” du texte.
 
Les soins palliatifs existants
 
Au-delà de la méthode, l’applicabilité de la loi inquiète. Cédric Mercadal a rappelé les réalités du terrain : “On ne sait pas aujourd’hui comment l’appliquer dans nos îles. La loi exige la présence d’un médecin à chaque étape, mais il n’y en a pas partout.” Le ministre a aussi souligné que le niveau des soins palliatifs “est assuré par les médecins libéraux en lien avec le CHPF”. “Et on étend le réseau des hospitalisations à domicile depuis bien longtemps. Le CHPF, en fait, couvre 600 patients par an”, résume-t-il. 
 
Face à ces craintes, la députée Nicole Sanquer a relativisé : l’application par ordonnance “nécessitera l’avis de l’assemblée” et la loi sur les soins palliatifs prévoit “une très grosse enveloppe financière” ainsi que la formation des professionnels. “La Polynésie sera accompagnée”, a-t-elle assuré, invitant le Pays à “préparer dès maintenant ses consultations”.
 
Le débat a aussi mis en lumière le décalage culturel et spirituel autour de la fin de vie. L’ex-député Steve Chailloux a rappelé que la France “a mis 50 ans à débattre” de la fin de vie dans une société laïcisée : “Imaginez ici, où la foi structure encore la vie familiale et communautaire.” “Il ne s’agit pas d’une obligation mais d’un droit”, a insisté de son côté, Nuihau Laurey, représentant non-inscrit avant d’ajouter : “Je pense qu'il n'y aura jamais d'unanimité sur ce sujet. Jamais.” 
 
Si la résolution n’a aucune portée contraignante, elle trace une ligne : obtenir du temps, du dialogue et l’assurance que la voix polynésienne sera réellement prise en compte.
 

Rédigé par Darianna Myszka le Vendredi 28 Novembre 2025 à 14:14 | Lu 2522 fois