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​Le village Outuaraea revit à Faa’a


Tahiti, le 17 décembre 2025 – Après plusieurs années d’absence, les mama rima’i sont de retour au village de Outuaraea. Une convention entre le gérant et l’association Marutaha Nui a été signée en juillet dernier. Désormais, tous les dimanches, un Makete dominical sera mis en place.  
 
Paniers, chapeaux en pae’ore ou en ni’au, collier de coquillage et même de perles : ça y est les mama rima’i ont enfin trouvé un endroit où elles peuvent désormais poser leurs affaires pour au moins les deux prochaines années. Après avoir exposé à Vaitupa ces dernières semaines, ces artisanes sont bien contentes d’avoir été invitées à exposer au village Outuaraea par l’association Marutaha Nui.
 
“Un travail minutieux”
 
Célestine et Nathalie, deux artisanes fraichement installées, vendent des chapeaux, paniers, colliers en coquillage ou encore des boules de Noël pleines de coquillages : “C’est un travail minutieux. On invente et ont crée surtout pour les fêtes de Noël”, explique Célestine devant ses boules de Noël. Et ce n’est pas une mince affaire à réaliser, dit-elle. Cela lui demande “une journée entière voire deux jours. C'est une boule, polystyrène, sur laquelle on fait du collage. Il faut beaucoup de patience. On n'est pas que des artisanes, on fait aussi de l'art”, ajoute-elle. Elle regrette que ses enfants n’aient pas pris la relève … elle se revoit d’ailleurs à travers eux : “Il y a eu une époque où je ne voulais pas trop m'initier là-dedans et puis à la longue, il a fallu. La vie est chère aussi en ce moment alors ça nous aide beaucoup pour boucler nos fins du mois.”
 
Nathalie s’est mise à l’artisanat il y a près d’un mois contrairement à son frère Moeava et à sa mère. Les rideaux de pikuku qu’elle expose ont d’ailleurs été confectionnés par son frère. Pour avoir ces coquillages, “tu plonges un peu dans la mer, tu prends un râteau puis tu ratisses le sable que tu mets ensuite dans un tamis. Les coquillages récoltés sont laissés dans un sac pendant cinq jours, dans la mer. Après quand tu les retires il faut les nettoyer toujours dans la mer et la bête à l’intérieur tombe puis il faut mettre les coquillages sur une bâche au soleil pour les sécher (…). C’est un long travail.” Après le ramassage et le séchage les coquillages sont enfilés puis envoyés à Tahiti et mis sur le marché.  
 
Nathalie ajoute qu’il y a des coquillages qui sont beaucoup plus “difficiles” à ramasser comme les puupuu. “Il faut aller dans les feo [Coraux morts très déchiquetés et coupants que l'on trouve sur le récif, NDLR]. Il y a des moustiques, et tu es obligée de te couvrir pour aller ramasser ces coquillages. Et si tu tombes tu te blesses.” Elle explique que dans ces coquillages il n’y a aucune bête. “Il faut creuser des trous dans le feo pour trouver ces coquillages.” Après les avoir ramassé le travail n’est pas fini puisqu’il faut désormais passer à la phase nettoyage. “Il y a des graviers à retirer, du sable... T'es obligée de bien nettoyer et de trier. C'est du travail aussi parce que quand tu nettoies ça, il faut vraiment bien lustrer pour que la couleur ressorte bien.”
 
Une autre artisane a occupé un contrat à durée indéterminée pendant une dizaine d’année dans une bijouterie de la place et a décidé de tout quitter pour se mettre à son compte … toujours dans la bijouterie et notamment avec des perles car elle est “amoureuse de la couleur, de la variété de couleurs que nous pouvons avoir avec les perles. Non seulement les perles, mais la forme, au niveau des keshis, des mabes, la diversité que nous offrent nos nacres”.
 
Faire le pas vers l’autoentrepreneuriat ne lui a pas fait peur : “Comme on dit, qui ne tente rien n'a rien. Ça peut marcher, comme ça peut très bien être un flop. Mais si tu ne le fais pas, tu ne le sauras jamais (…). Quand il y a quelque chose que j'aimerais réaliser, eh bien je fonce : j’adore les challenges.”
 
Margarita Piha s’est mise elle aussi à l’artisanat il y a un mois, comme autodidacte. Elle regrette le fait que lorsque les jeunes postulent “on demande de l'expérience alors qu’on vient de sortir de l'école. On n’a pas encore l’expérience mais on a de la créativité”. Elle travaille les perles car sa famille possède des fermes perlières. Cette jeune femme aime se laisser aller à la création “en fait, quand j'ai quelque chose en tête – genre : je veux faire un collier –, je vais vouloir faire aussi les boucles d’oreille et le bracelet qui va avec”.
 
Elle regrette de ne pas avoir beaucoup d’endroit pour exposer ses bijoux et n’arrive à exposer qu’une à deux fois par an : “Il faut avoir les contacts des associations et la plupart ne prennent que des personnes qui sont connues.” Elle appelle les associations à mettre en avant les jeunes parce que “quand il n’y aura plus de matahiapo, qui va reprendre la relève ?” demande-telle. 
 
Margarita Piha est contente d’être à Outuaraea mais regrette que la clientèle soit encore rare. “C'est difficile, dit –elle. On aimerait bien que quand les paquebots arrivent, ils s'arrêtent aussi ici, vu que c'est un site touristique (…) il y a une source juste à côté.”
 
Ouverture d’un Makete du dimanche à Outuaraea
 
La présidente de l’association Marutaha Nui, Mélina affirme avoir signé une convention le 31 juillet dernier avec le gérant de la place Pascal Siaou Chin suite à l’appel d’offres qu’il a remporté en 2020. Le site n’a été inauguré qu’en juillet 2021 à cause du Covid.
 
Mélina rappelle qu’Oscar Temaru, le maire de Faa’a, voulait que ce lieu soit un site économique local. Et surtout, que la population de Faaa bénéficie de l'emplacement pour vendre de tout”. Elle indique qu’avant d’inviter les artisanes à s’installer à Outuaraea, il fallait revoir tout ce qui relevait de la sécurité sur le site. Désormais le site est sûr et même gardé la nuit par une nouvelle entreprise de sécurité installée à Faa’a.
 
L’association a même mis en place un Makete du dimanche, où tous les vendeurs peuvent exposer au village de Outuaraea. Le premier Makete dominical a d’ailleurs été organisé le week-end dernier. L’expérience devrait être reconduite et pérennisée prochainement. Pour cet événement, le site est ouvert aux professionnels, ainsi qu’au personnes des quartiers prioritaires, précise Mélina.
 
Elle va d’ailleurs présenter un dossier à Tahiti Tourisme pour que ce site soit répertorié dans les tours touristiques. “On travaille à plusieurs événements avec nos artisans. Notre association est aussi dans la culture et nous faisons pas mal de choses.” 

“Donnez-nous ce site-là”

Célestine Kimitete, artisane

“C’est un bon site, c'est dommage qu'il n'ait pas été utilisé à bon escient. Donnez-nous ce site-là, on va venir embellir encore plus avec nos produits. Et puis en même temps, cela va nous aider. Nous on cherche où on peut aller parce que les expos, c'est une fois par an. On ne va pas vendre nos produits une fois par an, alors qu'il y a un site qu'on pourrait utiliser à bon escient. Nous sommes vraiment ravis de cette proposition. Nous appelons aussi d'autres artisans qui veulent bien venir se joindre à nous car plus pour augmenter le nombre d'exposants. Et puis, avec l’augmentation des exposants, ils vont baisser le prix de la location : c'est ce qui nous a été dit. C'est intéressant pour nous aussi. On était à Vaitupa (…) on n'a pas bien vendu. Et c'est comme ça qu'on s'est dit que l’on allait changer de lieu puisque bientôt c'est fini là-bas. On va se relancer ici. On demande aussi au gouvernement de nous donner ce beau site au lieu de laisser à l'abandon, pour les chiens errants alors qu’on cherche à s’installer quelque part.”

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mercredi 17 Décembre 2025 à 18:24 | Lu 471 fois