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​La CCBF au rapport


Tahiti, le 22 juin 2020 - La Commission de Contrôle Budgétaire et financier (CCBF) vient de rendre son rapport d'activité 2019. Un pavé de 340 pages qui permet d'apprécier plus les priorités gouvernementales que les capacités de contrôle de l’Assemblée de la Polynésie française, pourtant inscrites dans la loi statutaire, sur les aides accordées. Très peu d'avis défavorables, de surcroit rarement suivis.
 
La loi statutaire est pourtant claire, l'Assemblée de la Polynésie française (APF) "règle (...) les affaires de la Polynésie française" et "contrôle l’action du président et du gouvernement de la Polynésie française". Une évidence pour l'équilibre des institutions mais parfois difficilement perceptible. Dans son allocution jeudi dernier, Gaston Tong Sang évoquait la nécessité d'avoir "une assemblée unie et dévouée", les "démonstrations de défiance à l’égard de nos dirigeants (...) n’ont pas leur place en ces temps troubles et difficiles". Un soutien plus qu'un exercice appliqué des attributions de l'APF qui conduit Tarahoi à ressembler plus à une chambre d'enregistrement qu'à une réelle gestion des affaires du Pays. Une allégeance matérialisée en fin de discours, "Monsieur le Président, soyez assuré du fait que notre assemblée travaillera à vos côtés avec responsabilité et efficacité, et que votre majorité, vaillante et plus que jamais mobilisée, portera avec vigueur et détermination votre action et celle de notre gouvernement". Car contrairement à l'Assemblée nationale qui, confinement non levé, avait instauré une mission parlementaire sur la gestion de la crise sanitaire, l'APF n'a pas souhaité s’intéresser aux pénuries de tests et de masques, à l'illégalité des couvre-feux et quarantaines, ou encore aux recours administratif sur les lois du Pays. Autant de sujets balayés par Tong Sang d'un revers de main, parlant d'une "gestion remarquable de la pandémie".
 
Seuils stricts et manque de transparence
 
Dans ce contexte, la CCBF vient de publier son rapport d'activité 2019. Réunie en moyenne trois fois par mois en 2019, elle a ainsi été consultée pour examiner 677 projets d’arrêté gouvernementaux visant à accorder une aide à une entreprise, une association ou encore une collectivité. Elle a accordé environ 99% d'avis favorables. Les neufs représentants membres de la CCBF ont ainsi eu à se prononcer sur le bien fondé de demandes d'aides représentant 19,5 milliards de Fcfp, dont la moitié pour les seules sociétés, avec des efforts vers le digital et le logement social privé. Un montant conséquent, mais qui ne correspond pas à l’intégralité des aides accordées par le Pays, la faute à des seuils en dessous desquels la CCBF n'a pas son mot à dire. Selon la Commission, les montants qui échappent à son contrôle concernant les sociétés et les associations sont parfois bien plus élevés que ceux qui sont soumis à son examen minutieux. Près de 900 arrêtés du conseil des ministres ont ainsi accordé des aides sans avis de la CCBF. Une information par le gouvernement de la commission est cependant prévue sans être systématiquement respectée. Mauvais élève, le service des ressources marines qui, selon la CCBF, n'informe que rarement, voir pas du tout, notamment sur les aides accordées aux perliculteurs. Le rapport note ainsi que, concernant les exonérations fiscales et douanières octroyées aux perliculteurs, "il y a lieu de s’interpeller sur l’absence de consultation de la CCBF s’agissant des exonérations dépassant le seuil comme sur l’absence d’information en-deçà du seuil". Le constat, non isolé, d'un manque de transparence qui n'ira pas plus loin que cette simple remarque.
 
Défiscalisation, le tourisme encore à fond
 
Les rapports annuels de la CCBF permettent d'apprécier l'effort pour développer le tourisme par le biais du levier le plus utilisé, la défiscalisation, octroyé année après année dans des proportions variables. En 2019, la commission a ainsi examiné 25 projets d’arrêté portant agrément au dispositif d’incitations fiscales à l’investissement pour des avantages fiscaux s'élevant à 5,2 milliards de Fcfp. Un montant trois fois inférieur à celui de 2018, mais près de trois fois supérieur à celui de 2017. Le tourisme est encore "le secteur le plus particulièrement soutenu par le Pays" parmi ceux éligibles. Il comptabilise 4,2 milliards d’avantages fiscaux soit 78,9 % des aides à la défiscalisation. D'habitude bien servis, les hôtels ont été plus discrets dans leurs demandes. En effet, 3,3 milliards de crédit d’impôt ont été accordés au seul titre des navires de croisière, au premier rang desquels le projet d'Aranui 6 ainsi que des sociétés de charters nautiques. Une orientation du dispositif vers le tourisme et peu vers l'industrie, le secteur primaire et les services qui ne se partagent que 370 millions Fcfp de crédits ou exonérations d'impôts. Des écarts qui peuvent expliquer l'incapacité de l'économie à s'appuyer sur d'autres secteurs.
 
3 avis défavorables sur les 209 associations
 
Autre domaine de compétence, l'examen des subventions que le Pays souhaite verser aux associations. Sur les 209 demandes associatives, la commission à décortiqué les demandes et leur pertinence. Un exercice qui l'a conduit à formuler trois avis défavorables que le gouvernement n'a pas vraiment considéré. Le Pays a en effet finalement accordé pour deux d'entre eux, les montants sollicités malgré les observations des représentants. Seul dossier bloqué, celui concernant les 10 millions Fcfp demandés par une association présidée par une mère et gérée par une de ses filles pour organiser des formations destinées aux gestionnaires de pension de famille. La CCBF constatera que le choix de la formatrice "apparaît faire naître (...) une situation de conflit d’intérêt majeur dès lors qu’il s’agit d’une autre fille de la présidente" de l'association. Une affaire - de famille – qui ne passera pas, et c'est la seule.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Lundi 22 Juin 2020 à 09:30 | Lu 1297 fois