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​119 millions détournés : l’ex-comptable du duty free écrouée


Tahiti, le 20 mai 2020 - L’ancienne comptable de la société possédant les boutiques duty free de l’aéroport de Tahiti-Faa’a, qui a reconnu avoir détourné plus de 119 millions de Fcfp entre 2014 et 2019, a comparu mardi devant le tribunal correctionnel pour répondre de faits d’ « abus de confiance ». Elle a été condamnée à 24 mois de prison dont 12 avec sursis assortis d’un mandat de dépôt.
 
Construction d’une maison à Paea, achats de boutiques de vêtements à Papeete,  voyages à l’étranger payés pour des proches de la famille, crédits pour acheter des voitures, assurances, achats d’écrans plats : les 119 millions de Fcfp détournés par l’ancienne comptable de la société propriétaire des boutiques de duty-free situées à l’aéroport auront donc servi à finaliser les projets de vie de la mise en cause ainsi que ceux de sa nièce et de son compagnon.
 
L’ancienne comptable de la SAS Tahiti Duty Free, âgée de 42 ans, a comparu mardi devant le tribunal correctionnel de Papeete pour répondre de faits d’« abus de confiance » en compagnie de son compagnon et de sa nièce qui étaient, quant à eux, poursuivis pour « recel d’abus de confiance ».
 
Modes opératoires peu élaborés
 
En juin 2019, alors que sa société faisait l’objet d’un contrôle comptable, la quadragénaire avait envoyé un mail à son supérieur hiérarchique pour lui confesser des détournements opérés depuis plusieurs années. Elle avait démissionné et s’était rendue à la gendarmerie pour se dénoncer et avouer qu’entre le 1er janvier 2014 et le 30 mai 2019, elle avait détourné 119 millions de Fcfp en utilisant deux modes opératoires peu élaborés. Soit la comptable encaissait des chèques en blanc destinés à acheter des fournitures de bureau, soit elle volait les sacoches qui contenaient les recettes des duty free et qui étaient entreposées dans son bureau. Afin de ne pas se faire démasquer, la prévenue avait instauré une double comptabilité.
 
L’enquête préliminaire, ouverte pour « abus de confiance » en mai 2019 et conjointement menée par la brigade de recherches (BR) de Faa’a et le groupe interministériel de recherches (GIR) de Papeete, avait établi que les fonds détournés avaient permis à la comptable d’acheter des voitures, du matériel audiovisuel, d’acquérir deux boutiques de vêtements à Papeete et de faire des voyages onéreux. Les investigations avaient également révélé que le compagnon de la prévenue, ainsi que sa nièce, avaient reçu plusieurs millions de sa part et qu’ils étaient parfaitement conscients de la provenance de cet argent. Lors de la révélation des faits, cela faisait 12 ans que la quadragénaire était employée par la SAS Tahiti Duty Free et percevait un salaire mensuel de 300 000 Fcfp.
 
Se servir dans les fonds de la société
 
Présentée devant le tribunal correctionnel mardi aux côtés de sa nièce et de son concubin, l’ancienne comptable a de nouveau reconnu l’intégralité des faits en affirmant qu’elle les regrettait. À la barre, elle a cependant justifié ses actes en expliquant qu’elle avait commencé à détourner l’argent alors qu’elle rencontrait des « difficultés financières » et devait payer un « prêt ».
 
Explication qui a peu convaincu l’avocat de la SAS Tahiti, Me Guédikian, qui a, lors de sa plaidoirie, fustigé un « niveau de malhonnêteté et d’immoralité rarement atteint ». « La prévenue a profité de la confiance qui a été mise en elle pour se servir dans les fonds de la société d’une manière tout à fait organisée et a mis une double comptabilité en place pour masquer ses détournements », a-t-il affirmé avant de rappeler que la quadragénaire, au fil des années, avaient bénéficié de plusieurs augmentations.
 
« Mise à sac systématique »
 
Même constat pour le procureur de la République qui a, lors de ses réquisitions, lui aussi souligné un « niveau de spoliation jamais atteint » et la « mise à sac systématique de la société » opérée sans « aucun scrupule ». Le représentant du ministère public a requis 18 mois de prison dont 6 avec sursis à l’encontre de la principale prévenue, assortis d’un mandat de dépôt. Six mois avec sursis ont été requis contre sa nièce et trois mois avec sursis à l’encontre de son compagnon.
 
« Dossier difficile à défendre » pour l’avocat des trois prévenus, Me Robin Quinquis, qui a, lors de sa plaidoirie, qualifié le comportement de l’ancienne comptable comme étant « autodestructeur ». « Elle a entretenu cette cavalerie en faisant une véritable course vers sa propre chute. Mais je rappelle qu’elle a indiqué lors de ses auditions qu’elle était en souffrance dans son travail et qu’elle y ressentait une forme de misogynie ». 
 
Après en avoir délibéré, les magistrats du tribunal correctionnel ont condamné l’ancienne comptable à 24 mois de prison dont 12 avec sursis assortis d’un mandat de dépôt et interdiction définitive d’exercer la profession de comptable. Son compagnon a été condamné à 18 mois de prison dont 6 avec sursis et sa nièce à 12 mois de prison dont 6 avec sursis. Les trois prévenus devront solidairement indemniser la partie civile à hauteur du préjudice subi.

Rédigé par Garance Colbert le Mercredi 20 Mai 2020 à 12:15 | Lu 8308 fois