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Conférence publique: « Pour une histoire de la Polynésie (française): Comment écrire l'histoire d'un peuple sans écriture ; comment faire l'histoire de la colonisation?» par Renaud Meltz
Infos pratiques
le Mercredi 23 Avril 2014, 17:30 - 19:00
Amphi A3 de l'Université de la Polynésie française - Punaauia
Description
Conférence publique le Mercredi 23 avril 2014 à 17h30, à l'Amphi A3 de l'Université de la Polynésie française sur le thème « Pour une histoire de la Polynésie (française): Comment écrire l'histoire d'un peuple sans écriture ; comment faire l'histoire de la colonisation?» par Renaud Meltz, Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de la Polynésie française.

« Pour une histoire de la Polynésie (française) » : le titre de cette conférence peut faire sourire par sa naïveté. Qui s’opposerait à ce programme innocent, d’écrire l’histoire de la Polynésie ?

Je ne m’insurge naturellement pas contre des entraves politiques ou académiques, ou je ne sais quels interdits opposés aux historiens. Comme l’indiquent les deux sous-titres, ce sont des obstacles épistémologiques qu’il s’agit d’affronter aujourd’hui.

D’abord, comment écrire l'histoire d'un peuple sans écriture : l’histoire n’est-elle pas un récit ? Un peuple sans écriture a certainement une histoire. Mais comment l’écrire, si l’historien produit un récit généralement documenté par des sources écrites ?
Deuxième obstacle : comment faire une histoire de la colonisation qui s’écarte de la première couche historiographique, cette histoire coloniale faite par et pour les vainqueurs – une histoire partielle, partiale, asymétrique. Un livre récent, très commenté, appelle à écrire une histoire « à parts égales » (Romain Bertrand, L’histoire à parts égales. Récits d’une rencontre, Orient-Occident, Seuil, 2011). Le peut-on, dans le cas de la Polynésie française ?

A vrai dire, ces deux difficultés se liguent contre l’historien de la Polynésie. Romain Bertrand peut invoquer à bon droit l’égalité des points de vue, en ayant recours à des archives équivalentes, celles du colonisateur hollandais et celles du colonisé javanais. L’historien de la Polynésie, lui, est d’abord renvoyé au silence d’un peuple sans écriture. Puis, à partir du contact, il est confronté à l’inégalité des sources, alors que l’écriture, technique de conservation du présent, venue du colonisateur, répond à des usages sociaux et politiques qui sont d’abord les siens. De sorte que la conservation des archives polynésiennes se fait très loin de Tahiti – distance géographique, mais aussi culturelle.

Il y a pourtant matière à relever le défi d’écrire une histoire de la Polynésie française. Question de méthode, d’abord : les archives publiques, produites et conservées par l’État français, peuvent servir une anthropologie historique, sensible à ce que le regard occidental révèle (malgré lui ?) du Polynésien. Mais cela exige de l’historien une sorte de dédoublement culturel difficile à maîtriser. La recherche et l’exploitation de sources polynésiennes non écrites, avant le contact, puis d’écrits produits par les Polynésiens, depuis l’évangélisation et la colonisation, offrent un autre recours (fiction, presse, archives privées).

Enfin, l’histoire de la PF est aussi une histoire d’hybridations, de circulations, d’échanges ; et de représentations croisées. Écrire l’histoire de la PF, c’est écrire l’histoire d’une relation. La relation que les Polynésiens entretiennent avec leur passé, qui relève de la mythologie autant que de l’histoire ; la relation qu’elle entretient avec l’Occident, du contact à l’échange, sous l’horizon d’une mondialisation dont on connaît le péril redouté : la fusion des civilisations.

Publications :

Ouvrages
-De part et d’autre du Danube. Actes du colloque en hommage à Jean-Paul Bled, aux Presses Universitaires de Paris-Sorbonne en 2014, co-direction avec Matthieu Dubois.
-Écrivains et diplomates. L’invention d’une tradition, XIXe-XXIe siècles, Armand Colin, 2012 (co-direction avec Laurence Badel, Gilles Ferragu et Stanislas Jeannesson).
-Alexis Léger, dit Saint-John Perse, Flammarion, 846 pages, 2008, prix Maurice Baumont.

Participation à des ouvrages collectifs
-« Tahiti, enjeu de la rivalité franco-anglaise », chapitre de l’Histoire de Tahiti dirigée par Éric Conte, à paraître Aux Vents des Îles en 2013.
-« La bombe et l’invention d’une nation tahitienne », chapitre de L’identité ultramarine de la Polynésie française : culture, histoire, langues, ouvrage dirigé par Serge Dunis, Haere Po, 2010.
-« Alexis Léger (1887-1975) Biografisk skitse over en digter og diplômât », chapitre de l’ouvrage en danois, Saint-John Perse, Digter og diplômât, Musueum Tusculanumus Forlag, Danemark, 2010.
-« La crise des années 1930 : blocs contre blocs », Penser et construire l’Europe (1919-1992), sous la direction de Dominique Barjot, CNED-CEDES, 2007, p. 90-109.

Plus d’informations sur Renaud Meltz ici : http://irice.univ-paris1.fr/spip.php?article532