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Une machine pour recycler les huiles minérales


PAPEETE, le 1er juillet 2015 - Patrick Sellès a mis au point une machine capable de recycler les huiles minérales, comme par exemple les huiles de vidange de voiture. Au sortir de cette machine, les huiles usagées peuvent être utilisées par des chaudières à production d’eau chaude ou de chaleur. Elles sont sept fois moins polluantes que du fioul lourd.

La dernière invention de Patrick Sellès, une machine unique au monde qui recycle les huiles minérales, se trouve dans un garage à Pirae. Elle attend, patiemment, de pouvoir montrer ce qu’elle sait faire. "Nous ne pouvons pas la faire tourner sans avoir toutes les autorisations du territoire", explique le concepteur qui précise que " le dossier est difficile à instruire". Mais déjà, la machine promet de recycler pas moins de 200 000 litres d’huiles par mois.

MOBIL ET FERRARI

Cette machine a vu le jour pour le compte de la société IXOS. Elle a été mise au point par Alain Mitenchey, un ingénieur français spécialiste des techniques de porosité et par Patrick Sellès, diplômé en ingéniérie motoriste. Un budget de 100 millions de Fcfp (20 millions Socredo, 20 millions Sofidep et le reste du fonds privés) a permis la construction de différents prototypes et l’obtention des bons réglages. "Le process a été très compliqué à trouver", affirme Patrick Sellès qui ajoute que l’un des plus grands problèmes a été "la définition de la taille des tuyaux et leur courbe. Un diamètre de tuyau trop grand ou trop petit entraînait l’émulsion du liquide". Comprenez : les huiles se chargeaient en oxygène ce qui modifiait leur aspect. Elles se transformaient en une sorte de mousse les rendant inexploitables. Pour arriver à ses fins, le concepteur a eu besoin de près de six ou sept années de travail. Mais les efforts ont payé. "Nous pouvons recycler 90 % des liquides", assure Patrick Sellès.

Les éléments de la machine ont été fabriqués par des spécialistes dans différents pays européens. L’une des pièces a même été réalisée par l’un des sous-traitants de la National aeronautics and space administration (Nasa). Les éléments ont été assemblés en France avant de rejoindre Tahiti en février 2014 pour passer les premiers tests.

POLLUER ET DÉPENSER MOINS

L’intérêt d’un tel projet est à la fois économique et environnemental. En effet, les huiles recyclées peuvent être utilisées pour alimenter des chaudières à production d’eau chaude ou de chaleur. Elles seront vendues 80 Fcfp le litre contre plus de 100 fcfp pour le fioul lourd et le pétrole (non détaxé). De nombreuses entreprises et établissements du territoire, pour peu qu’ils s’équipent de nouveaux brûleurs si besoin, pourraient voir leur facture énergétique baisser : l’hôpital du Taaone, la Salaison de Tahiti, la Brasserie de Tahiti, la Charcuterie du Pacifique, l’incinérateur, les blanchisseries, l’Huilerie de Tahiti, etc. La machine devrait aussi permettre la création de quatre emplois.

Par ailleurs, 450 000 litres d’huiles minérales usagées quittent le territoire tous les trois mois. Elles sont envoyées en Nouvelle-Zélande ou en Australie. Le projet d’IXOS permettrait d’en finir avec ces envois, mais aussi avec la collecte et le stockage des huiles usagées. Enfin, en brûlant, les huiles minérales recyclées polluent sept fois moins que le fioul lourd. Les premiers tests ont été concluants, analyses officielles à l’appui. Des échantillons d’huiles recyclées ont été passées à la loupe par une agence maori agrée Mobil et par une agence italienne agrée Ferrari. "La machine sépare notamment les métaux lourds des huiles minérales, dont le très nocif baryum. Ces déchets sont de mis de côté et exportés, mais les volumes sont infimes comparés aux 450 000 litres trimestriels. Quant aux huiles hydrauliques et huiles de transmission, elles sont tout simplement régénérées." Cela signifie qu’elles peuvent être réutilisées par un automobiliste après passage dans la machine.


Bio coco : transformer les huiles alimentaires en compléments de carburant

Biococo est une entreprise de recyclage d’huiles alimentaires. Ses trois co-fondateurs, Patrick Sellès, Luc Olivier et Jean-Pierre Colonge ont fabriqué les machines capables de traiter les graisses et ont organisé le collectage à Tahiti et Moorea. Les huiles salies par les dépôts alimentaires lors de la cuisson sont mises en cuves. " Elles y restent une quinzaine de jour. Ce qui permet de séparer l’eau et l’huile dont les densités différents ", explique Patric Sellès. " L’eau plus lourde se dépose au fond, les huiles se stabilisent en surface. Nous injectons ensuite la couche supérieure dans deux machines pour les débarrasser de leurs impuretés ". Au sortir du filtrage, la turbidité du produit final est quasi nulle. Une fois "propre" l’huile est utilisée comme complément de carburant pour les moteurs thermiques diesel et les chaudières. Les particuliers peuvent eux aussi "rouler à l’huile" s’ils remplissent leur réservoir avec le bon mélange : 70 à 80% de gasoil contre 20 à 30% de graisses.

"Au début j’étais très sceptique", Gerry Lailee, directeur d’usine Copa

Vous avez fait tourner votre chaudière avec de l’huile recyclée, pourquoi avoir fait le test ?
"À vrai dire, c’est Patrick qui m’a proposé ce test. J’avoue qu’au début j’étais sceptique. Je l’ai été encore plus en voyant arriver l’huile. Je me suis même dit qu’il s’était trompé, qu’il était venu avec des huiles usagées tant elles étaient noires. Mais vu les avantages économiques et environnementaux qui m’étaient avancés je me suis laissé convaincre. J’avoue avoir aussi cédé à la curiosité."

Et pour quels résultats ?
"J’ai été bluffé ! Je n’ai pas d’autres mots. La chaudière a fonctionné, les fumées mesurées étaient moins polluantes. Je pensais même avoir à faire des réglages sur mon brûleur car j’ai l’habitude d’utiliser de la graisse de bœuf qui nécessite quelques ajustements mais je n’ai même pas eu besoin."

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 1 Juillet 2015 à 10:57 | Lu 3987 fois