Tahiti Infos

Un séisme "Normal" probablement d'origine tectonique


Relevé des épicentres de séismes de 1960 à 2011, dans la région de Tahiti
Relevé des épicentres de séismes de 1960 à 2011, dans la région de Tahiti
Un séisme de magnitude 4 sur l'échelle de Richter a secoué l’île de Tahiti, mercredi 15 août en fin d’après-midi. Les secousses ont été nettement ressenties sur les côtes Est et Nord de l’île, l’épicentre étant situé sur la plaque océanique, à une trentaine de kilomètres au nord du village de Tautira, presqu’île de Tahiti.
L’hypothèse « la plus probable » avancée par le sismologue Dominique Raymond, directeur du laboratoire de géophysique de Pamatai, pour donner une explication à ce phénomène est d’ordre tectonique : l’enfoncement de l’édifice volcanique de Tahiti.

L'île Tahiti est née d’une éruption volcanique qui s’est produite entre 400.000 ans et 1 million d’années. Depuis, elle s’enfonce à raison de près d’un millimètre par an.
Le séisme de mercredi est le résultat d’un craquement ayant provoqué un mouvement brutal de la croute océanique, de l’ordre d’une dizaine de centimètres, sur une distance inférieur à 1 km et un périmètre estimé à un kilomètre carré.
Tout impressionnant qu’il puisse paraitre, ce séisme n'a rien d’exceptionnel. De tels phénomènes se produisent régulièrement, tous les trois à quatre ans. D'origine tectonique ou volcanique, les sismographes du laboratoire de géophysique de Pamatai perçoivent une centaine de séisme chaque année. Depuis mercredi, huit mini séismes de magnitude inférieure à 2, imperceptibles si ce n'est par les instruments de mesure du laboratoire, se sont produits dans la zone de l'épicentre à des emplacements distincts. Cette activité est normale. (Voir carte de l'activité sismique dans la région de Tahiti de 1960 à 2011

En comparaison, le séisme de mercredi était d'une puissance un million de fois inférieure à celui de magnitude 9 qui s’est produit en mars 2011 au Japon : une série de secousses dont l’origine était alors un enfoncement brutal de 60 mètres de la plaque océanique sur une longueur de faille de 550 kilomètres et un périmètre de 110.000 kilomètres carrés, provoquant la catastrophe que l’on sait.

Un tel phénomène peut-il se produire en Polynésie ? Le sismologue Dominique Raymond répond aux questions de Tahiti infos :

Un séisme "Normal" probablement d'origine tectonique
Tahiti infos : Comment peut-on expliquer les différentes mesures de magnitude qui ont été communiquées, suite au séisme du 15 août : 2.9, 3.4 et finalement 4 ?

Dominique Raymond : Dans les minutes qui ont suivi les premières mesures, en pointant les informations du plus grand nombre de stations, nous avons pu affiner la mesure et préciser la magnitude du séisme. C’est juste un problème de temps. (…) On peut évaluer sans problème une magnitude avec plus ou moins 0,1 unité de magnitude. Tout dépend du nombre de stations que l’on utilise. La première information qui est partie est le 2.9 de magnitude. Mais, ce qui était important à ce moment là c’était d’avoir la localisation de l’épicentre. Ensuite, il faut bien se rendre compte que mon téléphone s’est mis à sonner sans arrêt, et je n’avais plus le temps de faire mes calculs. Olivier (Olivier Hyvernaud, sismologue au laboratoire de géophysique de Pamatai, ndlr) a pris la suite. Je pense que l’information annonçant le 3,4 est due à un malentendu : on a communiqué une estimation d’intensité du séisme entre 3 « et » 4.

Tahiti infos : Y a-t-il des mouvements tectoniques dans l’environnement immédiat de Tahiti qui permettent de comprendre ce séisme ?

Dominique Raymond : La plaque Pacifique est globalement asismique. Il y a quelques foyers qui provoquent des séismes. La première raison est l’activité volcanique. Le point chaud – qui est à l’origine des îles de la Société – se situe dans zone de Mehetia. Il y a plusieurs édifices volcaniques, notamment le volcan sous-marin Tehaetia.
On ne connait pas précisément l’origine du séisme que l’on a ressenti sur Tahiti, le 15 août. Une cause vraisemblable pourrait être liée à l’affaissement statique dû à la charge de l’édifice volcanique de l’île de Tahiti, sur le plateau océanique. L’enfoncement peut se faire de manière discontinue et produire un séisme. C’est la cause la plus probable.


Tahiti infos : L’édifice volcanique qui forme l’île de Tahiti s’enfonce. L’hypothèse que vous formulez est que le séisme que nous avons ressenti mercredi est lié à ce phénomène ?

Dominique Raymond : Tous les édifices volcaniques qui forment les îles du Pacifique s’enfoncent. C’est de l’ordre du millimètre par an. La plaque océanique se trouve infléchie par la charge de l’édifice volcanique de chaque île : de temps en temps ça craque sur les bords. On observe clairement une zone sismique autour de la presqu’île.
Ce genre de séismes nettement ressentis est assez rare : ils se produisent tous les trois à quatre ans. En revanche, les sismographes détectent de petits séismes toutes les semaines, de magnitude inférieure à 1. Depuis hier, nous avons mesuré huit séismes dont celui de magnitude 4, dans la même zone. Dans la région de l’épicentre du séisme de mercredi, nous mesurons une centaine de séismes par an, entre Mehetia et la presqu’île. Ils sont liés à l’activité volcanique en profondeur et à l’enfoncement de l’édifice volcanique de Tahiti.


Tahiti infos : Peut-on craindre en Polynésie un très gros séisme de magnitude supérieure à 6 ?

Dominique Raymond : Nous nous sommes posé la question, dans le cadre de l’étude chargée de mesurer le risque sismique en Polynésie. Cette étude a été réalisée à partir des données de la sismicité instrumentale et historique, par le recueil de témoignages sans pouvoir remonter très loin. Un rapport a été publié par BRGM, sur demande l’Etat et du Territoire, concernant l’aléa sismique. Nous en sommes arrivés à la conclusion que, compte tenu du peu d’historique que nous avons, le risque sismique est quasi nul sur Tahiti. On ne considère pas qu’il puisse se produire un séisme magnitude 6 sur l’île.
Les séismes les plus forts de Mehetia et Tehaetia, dans les années 80, plafonnaient à 4,4. C’est la base que nous avons retenue pour l’évaluation du risque sismique.


Tahiti infos : Des séismes comme ceux qui se sont produits au Chili en 2010 et à Christchurch en Nouvelle Zélande dernièrement, peuvent-ils survenir en Polynésie ?

Dominique Raymond : Non, pas du tout. Les mécanismes qui en sont à l’origine sont complètement différents. En gros nous observons deux types de mécanismes. Les zones de contact entre plaque océanique et plaque continentale produisent les plus forts séismes jamais observés. C’est le cas des séismes du Chili en 2010, ou de celui du Japon en mars 2011. Ils ont eu une magnitude supérieure à 9.
Ensuite, nous avons la catégorie des séismes intra-plaque : ils peuvent être très destructeurs, particulièrement s’ils se produisent sous une ville, comme ce fût le cas à Christchurch, en Nouvelle Zélande. Ce sont des séismes en coulissement horizontal qui produisent de fortes accélérations et font de gros dégâts dans les habitations.
En Polynésie, il n’y a pas de faille sismique répertoriée. Les seules causes de génération de séismes au voisinage de Tahiti sont dues au volcanisme – transit de lave dans des conduits magmatiques qui provoquent des relâchements –, on observe une quantité de petits séisme ; et puis il y a l’effondrement gravitaire de l’édifice volcanique de Tahiti, qui produit des séismes un peu plus fort. Nous ne sommes pas dans la configuration d’une faille transformante, répertoriée, visible en surface, qui produit du coulissement et des séismes dans la gamme des magnitudes 6 à 7, comme on a pu en observer en Californie, en Nouvelle Zélande, en Chine… des séismes intra-plaque.

Nb : localisé en vert, l'épicentre d'un mini séisme détecté jeudi matin 16 par le laboratoire de géophysique mais non ressenti par la population. En Polynésie, les sismographes détectent une centaine de séisme de magnitude inférieure à 2, chaque année.
Nb : localisé en vert, l'épicentre d'un mini séisme détecté jeudi matin 16 par le laboratoire de géophysique mais non ressenti par la population. En Polynésie, les sismographes détectent une centaine de séisme de magnitude inférieure à 2, chaque année.

Le relevé des informations de mesure du séisme de magnitude 4 qui s'est produit mercredi 15. L'heure est exprimée en GMT.
Le relevé des informations de mesure du séisme de magnitude 4 qui s'est produit mercredi 15. L'heure est exprimée en GMT.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 16 Août 2012 à 16:46 | Lu 4277 fois