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Te Mau Ito Api impose un rationnement de l’électricité à Makemo


Des coupures électriques sont programmées tous les soirs jusqu’au 12 mai sur l’atoll de Makemo.
Des coupures électriques sont programmées tous les soirs jusqu’au 12 mai sur l’atoll de Makemo.
PAPEETE, 25 avril 2016 - Un rationnement de la fourniture électrique est imposé par la société Te Mau Ito Api aux abonnés de Makemo, chaque jour de minuit à 5 heures depuis vendredi, faute de carburant en quantité suffisante pour alimenter le groupe électrogène de l’île.

Fin janvier, le vice-président Nuihau Laurey annonçait l’ouverture d’une procédure de dissolution de la SAEM Te Mau Ito Api. Mais cette action pourrait n’être mise en œuvre que dans les prochaines semaines, suite à l’ouverture d’une nouvelle procédure d’alerte pour cessation de paiement engagée par le commissaire aux comptes de la société d’économie mixte. En attendant, sous contrat d’affermage avec la municipalité jusqu'en octobre 2036, pour la production, le transport et la distribution d’électricité sur l’atoll de Makemo, Te Mau Ito Api peine à faire face complètement à ses obligations contractuelles. La société vient de décréter, ce vendredi, un rationnement partiel de l’électricité jusqu’au 12 mai prochain.

"(…), notre société n’a pas été en mesure d’acheter le gasoil nécessaire à la production d’électricité pour alimenter le réseau. En conséquence, dans l’attente d’une prochaine livraison de gasoil le 12 mai, des coupures programmées seront effectuées pour réduire la consommation de gasoil et maintenir le service jusqu’à cette date. A compter de vendredi soir, les coupures auront lieu tous les jours, de minuit à 5 heures, jusqu’au 12 mai", indique un avis de coupure affiché en évidence depuis la semaine dernière à l’attention de tous les abonnés de Makemo. Il remercie chacun pour sa "compréhension".

Mais à Pouheva, chef-lieu de Makemo, 575 habitants, où se trouve rassemblé l’essentiel des abonnés de la SAEM Te Mau Ito Api, la pilule passe mal. D'autant que début mars, le coût de l’électricité facturé aux services municipaux de l’atoll a subi une augmentation de 70%. Et que les particuliers payent déjà leur énergie par avance, avec l’achat en début de mois d’une recharge de compteur électrique. La fourniture étant interrompue si le crédit n'est pas rechargé, une fois consommé.

Les éoliennes à terre depuis 2009

Face à ce nouveau rationnement un abonné énumère, agacé : "A l'infirmerie, les vaccins vont être perdus faute de leur conservation dans de bonnes conditions ; les malades sous assistance respiratoire sont privés de traitement la nuit ; dans les magasins et les foyers, la rupture de la chaîne du froid des surgelés pose une question sanitaire ; la surtension due au retour de l’électricité peut endommager l’appareillage électroménager des foyers : qui paiera les réparations, en cas de problème ? La population de Makemo proteste contre cette mesure, car on craint que ce soit le début d'une longue série de restrictions".

Dans cet atoll des Tuamotu du centre, lors du dernier passage du St-Xavier-Maris-Stella, mi-avril, la société Te Mau Ito Api n’a pu acquitter que 10 000 des 15 000 litres de gazole nécessaires à son fonctionnement pour les trois semaines à venir. Total, le fournisseur, ne fait plus crédit. D’où le rationnement actuellement en vigueur sur l'île.

Mais cette situation illustre une fois encore comment les abonnés de l’île se trouvent pris à partie dans un différend qui oppose la puissance publique et les actionnaires privés de la Société anonyme d'économie mixte (SAEM). "J’ai l’impression que Te Mau Ito Api prend une fois encore en otage les habitants de Makemo. Je crois qu’il faut dire les choses clairement", a vivement réagi lundi Nuihau Laurey, sollicité par Tahiti Infos. "Comme à l’accoutumée, le Pays interviendra. Le Pays ne va pas laisser les habitants de Makemo dans le noir. Nous allons trouver des moyens juridiques pour que le groupe électrogène de l’île continue à produire".

En 2014 déjà, pour éviter une précédente interruption du service, le Pays avait organisé une livraison 40 000 litres de gazole à ses dépens. Six mois plus tard, 65 millions Fcfp de deniers publics étaient injectés pour renflouer l'entreprise et en fin d'année, une augmentation du capital de la SAEM avait été réalisée pour un montant de 280 millions Fcfp. Le capital de Te Mau Ito Api est réparti entre le Pays (66 %) et deux sociétés détenues par l’homme d’affaires Dominique Auroy (la SPRES et la SEDEP, Société d'Etudes et de Développement Polynésienne).

Actuellement sous le coup d’un plan de continuation décidé en 2014 par le tribunal mixte de commerce de Papeete, suite à une procédure d’alerte déclenchée par son commissaire aux comptes en 2013, la SAEM Te Mau Ito Api a été en début d’année l’objet d’un rapport d’expertise technique dont les conclusions étaient sans équivoque : "Les éléments qui nous ont été rendus plaident pour la cessation d’activité de cette société dont le modèle n’a jamais vraiment fonctionné aussi bien sur le plan juridique, économique ou énergétique".

Cette entreprise se vantait en 2006 d'être à la tête d'un projet pilote généralisable dans tout le Pacifique : produire de l'énergie à partir d’un mixte entre l’éolien et le thermique. A Makemo, l’électricité ainsi obtenue aurait servi à alimenter à prix réglementé les 200 foyers raccordables du chef-lieu de l’île. Des crédits de défiscalisation ont été accordés ; l’acquisition d’un groupe électrogène et l’installation du réseau de distribution ont été financés sur deniers publics. Mais depuis 2009, rien ne marche comme prévu : en panne les six éoliennes n’ont jamais été remises en service et l’électricité est depuis exclusivement d’origine thermique. Le modèle économique est un échec.

DROIT DE REPONSE DE LA SOCIETE TE MAU ITO API

La direction de la SEM apporte les correctifs et précisions suivantes :

1° La dernière livraison de gas oil était programmée pour 15.000 litres ce qui correspond à la quantité normale de réapprovisionnement. Le bateau sans que nous en soyons informés préalablement n’en a délivré que 10.000, de ce fait, pour pouvoir tenir jusqu’à la prochaine livraison il y a nécessité de réduire le nombre d’heures de fonctionnement du groupe électrogène par jour.
Cette disposition est regrettable mais il n’y a pas d’autre possibilité compte tenu du nombre de rotations de desserte maritime. L’équipe technique sur place fait tout pour en limiter les impacts, notamment en programmant ces coupures à des heures creuses et en prévenant les usagers à l’avance.

3° Le « problème juridique » auquel se heurte la SEM depuis son origine est que le coût de production de l’électricité sur Makemo est de l’ordre de 80 F CFP le kWh alors que le tarif moyen de vente est de l’ordre de 40 F CFP le kWh. Il est intéressant de comparer ce coût avec celui d’autres îles équivalentes, tel que l’indique EDT, nettement supérieur (voir illustration). (...) Nous sommes devant une situation anormale et inéquitable : le Pays impose le même prix du kWh dans les îles qu’à Tahiti. EDT se fait sa propre péréquation d’équilibre entre l’île de Tahiti et les autres îles. Une subvention d’équilibre devrait être apportée aux autres îles dont notre société. (...).

4° Le plan de continuation n’a pas été décidé par le Tribunal de Commerce mais par l’assemblée générale de la SEM en date du 8 mars 2013 suite au conseil du 5 février 2013. Celui-ci prévoyait de compenser les pertes antérieures (jusqu’au 31/12/2011) par une augmentation de capital, des avances en comptes courants et des abandons de créances.

7° aujourd’hui la production est assurée par un groupe électrogène mis à disposition par un des actionnaires privés, la SPRES (17%), qui est une société totalement indépendante de l’autre actionnaire privé la SEDEP (17%).

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 25 Avril 2016 à 11:45 | Lu 1992 fois
           



Commentaires

1.Posté par Toki le 25/04/2016 16:13 | Alerter
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Et sinon à part ça le Pays ne poursuit pas la SPRES et la SEDEP?! le Pays continue à injecter du fric!!! Non mais je rêve, il n'y a qu'ici qu'on peut se faire du fric sur le dos des contribuable sans que le Pays ne réagisse!

2.Posté par Le Vieux le 25/04/2016 16:14 | Alerter
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Cela illustre surtout les difficultés de s’installer de vivre décemment dans les archipels, îles et atolls de Polynésie. Comment ne pas comprendre que les gens ont alors envie de vivre a leur époque, si avoir l'eau l'électricité la télévision et internet est devenu un luxe en Polynésie dans certain endroits !! Qu'ils se rassurent on construit de jolis ensembles sociaux pour eux sur Tahiti. La Polynésie va de l'avant !!

3.Posté par henri123 le 25/04/2016 20:10 | Alerter
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Qui a deja paye deux fois 200 millions sur les fonds publics pour sauver la SEM?

4.Posté par Kaddour le 26/04/2016 07:57 | Alerter
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Encore une fois de plus !!! Les mirifiques projets montés par le territoire avec l'aide de quelques financiers locaux (qui savent très bien remplir leurs portefeuilles !!! ) se cassent la figure !
Depuis des décennies, existe-t-il UN projet de développement, monté avec le territoire qui aie survécu ? En attendant , ce sont les contribuables locaux ou français qui paient les factures !!!!
Ah oui !!! Le miel semble pour l'instant un projet viable .......... Heu ? Pour combien de temps encore ???

5.Posté par Faut pas pousser! le 26/04/2016 08:38 | Alerter
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Oui bien dit Merlin, prochaine étape ecopark. Haere mua !!!!

6.Posté par Attention ! le 26/04/2016 09:22 | Alerter
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Nous avons toujours été bon public face aux présentations de projets novateurs.

Cela me rappelle le temps où certains prétendaient pouvoir vendre facilement des couvertures chauffantes au Paumotu.

Pourquoi vouloir les relier à un réseau filaire, particulièrement coûteux à gérer dans un atoll, alors que le solaire individuel à fait ses preuves !

Probablement des assoiffés de moni, copains coquins qui savent naviguer pour se gaver.

Un nom m'interpelle tout de même, Mr AUROY baignerai dans ce fiasco ?

Pour la réduction de la facture électrique de la climatisation de l'hôpital du Taaone, c'est pas lui qui bloque tout avec sa concession maritime ?

7.Posté par Mathius le 26/04/2016 12:03 | Alerter
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Tiens donc les spécialistes avait ils raison que mettre des éoliennes sur des atolls sans spécialistes pour les entretenir sera un gouffre ã pignons. Merci Auroy pour votre bonne fausse idée

8.Posté par Lily JONES le 26/04/2016 14:13 | Alerter
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M. Auroy est l'initiateur du projet Makemo qui n'était (comme beaucoup d'autres...) qu'une opération de défiscalisation et ne devait durer que 5 années pleines. Attirés par l'odeur du gâteau (ou galette), les politiciens de tous bords ont suivis...
Si on tient compte de la double défiscalisation, ce projet n'a dû coûter que 17 à 20% de son coût réel... La logique ferait que cette défiscalisation aurait dû être remboursée, puisque le projet ne fonctionnant pas.
Pour mémo, une SEM est une société hybride qui, bénéficiaire, rapporte de l'argent aux privés, et en coûte seulement au territoire lorsqu'elle en perd. Mais c'est aussi d'un bon distributeur de 'sucettes', comme dirait M. Fritch, avec des postes très rémunérateurs à distribuer.

9.Posté par john le 26/04/2016 14:21 | Alerter
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les éoliennes c'es pas à auroy ???

10.Posté par Toki le 27/04/2016 10:46 | Alerter
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Franchement vu l'argent foutu dans ce projet, le pays aurait mieux fait de l'injecter directement pour aider les habitants à s'équiper en solaire pour être autonome! Je connais quelques habitants de Makemo qui vivent en solaire à 100% et qui sont biens équipés: plus de dépendance envers le gazoil et envers ce type de montage à la noix!