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Scandale de la viande de cheval: le parquet demande le procès d'une fraude organisée


Scandale de la viande de cheval: le parquet demande le procès d'une fraude organisée
Paris, France | AFP | vendredi 14/10/2016 - Une fraude organisée et lucrative qui a pu prospérer sur des contrôles insuffisants: le parquet a demandé le renvoi en procès de deux ex-dirigeants de l'entreprise Spanghero et deux négociants néerlandais dans le scandale de la viande de cheval vendue comme du bœuf.

L'affaire, qui avait démarré au Royaume-Uni début 2013, s'était étendue à toute l'Europe. Elle avait mis en lumière la complexité et l'opacité des circuits d'approvisionnement et de transformation, avant que les aliments ne se retrouvent dans les assiettes, le plus souvent sous la forme de plats préparés et conditionnés comme des lasagnes en barquettes.

Plusieurs marques de surgelés, comme Findus et Picard, avaient été touchées, dans un contexte de tromperie massive portant sur 750 tonnes de viande écoulée dans 13 pays européens, soit 4,5 millions de plats cuisinés, avait révélé l'autorité française antifraudes (DGCCRF). Avec une société pointée du doigt, Spanghero, à Castelnaudary (Aude) dans le Sud-Ouest d'où était partie la viande pour l'usine de transformation Tavola, implantée au Luxembourg et filiale de Comigel.

Trois ans plus tard, l'instruction menée à Paris par le juge Serge Tournaire touche à sa fin et le parquet a pris ses réquisitions cet été, a appris l'AFP vendredi de source judiciaire.

Si le juge d'instruction suit l'avis du parquet, Jacques Poujol, ex-dirigeant de fait de la société, Patrice Monguillon, ex-directeur du site, et deux négociants néerlandais, Johannes Fasen, patron de Draap Trading, et Hendricus Windmeijer (Windmeijer Meat Trading), seraient renvoyés en procès pour escroquerie en bande organisée et tromperies aggravées. S'ajoutent, pour les deux dirigeants de Spanghero, des soupçons de destruction de preuves, en l'occurrence des courriels ou données informatiques effacés.

"L'analyse du parquet est totalement contestée par M. Poujol. Il a été victime d'un importateur de viande malhonnête", a déclaré vendredi à l'AFP l'un de ses avocats, Laurent de Caunes, sans dire qui il visait.

- Etiquettes mensongères -

Loin d'une simple addition de négligences, le réquisitoire de 200 pages est accablant pour les pratiques qui se déroulaient sur le site de Castelnaudary, selon les éléments rapportés à l'AFP d'une source proche du dossier.

Première étape, la suppression de certaines indications sur la marchandise envoyée à la société Tavola, pour lui faire croire que la viande avait été découpée, transformée et travaillée au sein de Spanghero.

Ensuite, le retrait systématique de toute référence à de la viande de cheval, et le remplacement par des étiquettes comportant l'intitulé "avant de bœuf désossé", raconte la source. Une fraude rendue possible, aux yeux du parquet, par la complicité des deux négociants néerlandais auprès de qui Spanghero se fournissait à des prix anormalement bas.

Si elles n'ont pas été inquiétées judiciairement, la société Cogimel et sa filiale Tavola ne sont pas épargnées. Ainsi, sur les 538 tonnes de viande livrée par Spanghero à Tavola, en 2012 et début 2013, "aucune vérification approfondie" n'avait été réalisée alors qu'"un simple examen visuel aurait permis" de découvrir que certaines étiquettes étaient mensongères, a relevé la DGCCRF dans un PV versé au dossier.

La viande de cheval n'est pas la seule fraude reprochée. Le parquet vise aussi l'introduction sur le territoire français de 65 tonnes de viande de mouton séparée mécaniquement en provenance du Royaume-Uni, ce qui est interdit depuis la crise de la vache folle, pour éviter que des éclats d'os ou de moelle potentiellement infectés se retrouvent dans l'aliment.

Décrit comme "charismatique" et "autoritaire", mis en cause par certains salariés, Jacques Poujol, 44 ans, apparaît aux yeux du parquet comme le véritable responsable et donneur d'ordre de Spanghero, même s'il intervenait à titre de prestataire via sa société, J. Poujol Holding, explique la source proche du dossier.

L'entreprise ne s'est pas remise de cette affaire. Propriété de la coopérative basque Lur Berri depuis 2009, Spanghero revendiquait 240 salariés lors du scandale. En juillet 2013, son fondateur, l'ancien rugbyman Laurent Spanghero, a tenté de la relancer en vain, sous le nom de La Lauragaise. A l'été 2014, le site, qui comptait près d'une centaine de salariés, a été cédé au groupe agroalimentaire CA Holding.


Rédigé par Marie Caroline Carrère le Vendredi 14 Octobre 2016 à 18:12 | Lu 361 fois