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Samuel Garcia : "Le Graal c'est la qualification"


Samuel Garcia, le coach de Vénus est le sélectionneur des Toa Aito depuis 2019. (© Christophe Fotozz)
Samuel Garcia, le coach de Vénus est le sélectionneur des Toa Aito depuis 2019. (© Christophe Fotozz)
Tahiti, le 17 février 2022 - Les Toa Aito et leur sélectionneur, Samuel Garcia, s'envolent ce dimanche pour la métropole où ils poursuivront leur préparation en vue des éliminatoires de la Coupe du monde de football, au Qatar du 17 au 30 mars prochain. Avant d'embarquer, Samuel Garcia s'est livré à Tahiti Infos. 

Comment vous vous sentez avant votre départ et à quelques semaines du premier match de ces éliminatoires ? 
"Très excité, parce que jouer ce type de compétition, il n'y a pas mieux dans le Pacifique. Ce sont quand même des éliminatoires à la Coupe du monde. J'ai eu l'opportunité de les jouer quand j'étais joueur et maintenant pouvoir les disputer en tant qu'entraîneur de la sélection de Tahiti, c'est une grande fierté." 

Et comment vous sentez votre groupe ? 
"J'ai tous les joueurs sur lesquels je comptais dans le groupe, mis à part Benoit Mathon qui n'est pas qualifié. Je suis vraiment content de l'équilibre que j'ai dans l'équipe."

Justement, lorsqu'on regarde votre groupe, en toute objectivité, c'est certainement la meilleure sélection que l'on pouvait assembler...
"Quand tu es sélectionneur, tout le monde veut être sélectionneur. On te dit : 't'aurais dû prendre ce joueur, ou un autre'. Mais quand je regarde, je me dit que c'est compliqué de mieux faire aujourd'hui, à mon sens. J'ai doublé les postes, il y a de la concurrence et j'ai des joueurs qui sont polyvalents. Je ne peux pas mieux faire. Encore une fois, mise à part Benoit Mathon, j'ai pris vraiment ceux qui sont les meilleurs aujourd'hui."

Sur quel critère s'est basé votre sélection des joueurs ? 
"Évidemment sur la qualité. Sur l'expérience aussi. J'ai des joueurs qui étaient avec moi à la Coupe du monde U-20 en Égypte, en 2009 (Teave Teamotuaitau, Alvin Tehau, Heimano Bourebare, Teonui Tehau). À ces joueurs d'expérience, j'ai ajouté des joueurs qui ont participé, eux, à la Coupe du monde U-20, en 2019 en Pologne (Terai Bremond, Mauri Heitaa, Roonui Tehau, Eddy Kaspard, Tutehau Tufariua). C'est un mix de ces deux générations qui est soudé par Raimana Li Fung Kuee qui n'a participé à aucune des deux aventures, mais qui est encore dans le circuit. C'est la sélection de la formation polynésienne qui a été mise en place depuis des années."

Vous l'avez dit, vous avez composé votre groupe avec deux générations dorées du football polynésien. C'est donc le moment de passer cet obstacle des éliminatoires ? 
"Il va falloir créer des affinités dans le groupe évidemment. Mais ce qui va être important à gérer aussi, c'est l'environnement qu'il y aura autour de nous. Je veux dire par exemple quand on va arriver dans un grand stade, sur quelque chose que l'on a jamais vu, on peut être un peu dépassé. Je pense que ce stress-là, on l'aura moins parce que je peux compter sur des joueurs d'expérience qui ont joué une Coupe du monde et une Coupe des confédérations."

Vous allez pouvoir compter dans votre groupe sur des joueurs de Pirae qui ont disputé début février la Coupe du monde des clubs. C'est une expérience que vous prenez volontiers...
"Effectivement et il faut les féliciter pour leur parcours. Mais le plus important, j'ai des joueurs qui sont arrivés à maturité aujourd'hui. C'est sûr que la compétition internationale, cela t'apporte un plus au niveau de tes repères. À Tahiti, on joue nos matchs et, sans vouloir dénigrer, il nous faudrait plus de matchs à haute intensité comme ce qu'a vécu Pirae. Ces joueurs ont eu la chance de les avoir fait. Donc oui, avoir des joueurs comme Alvin Tehau, Donovan Bourebare, Filou ou encore Raimana Li Fung Kuee c'est un plus pour l'équipe."

 

"Nous partons dimanche pour aller au bout, en finale au Qatar. Il n'y a que ça qui nous intéresse"

Vous parliez de confrontation et de match à haute intensité. La sélection n'a plus joué un match officiel depuis plus deux ans et les Jeux du Pacifique aux Samoa en 2019. Comment on aborde ces éliminatoires dans ce contexte ? 
"C'est pas faute de vouloir jouer des matchs internationaux. Il y a eu le Covid, nous sommes aussi très loin, la contrainte des congés pour les joueurs à gérer. Après, lorsqu'on regarde la sélection, il y a principalement des joueurs de Vénus, Dragon et Pirae. Dans le groupe, j'ai des joueurs que je côtoie tous les jours, donc je me dis que c'est un avantage même si on n'a pas vraiment disputer de match avec la sélection. C'est la même chose pour les joueurs de Pirae ou de Dragon qui ont l'habitude de jouer ensemble. Évidemment, l'un des points clés va être de créer de la cohésion. Mais le plus important aussi, c'est l'état d'esprit des joueurs. Mon discours, ils le connaissent : 'On gagne à 23'. Mais sur la qualité des joueurs, je n'ai pas de doute."
 
Il n'y a pas eu de matchs internationaux pour la sélection, mais vous avez pu organiser régulièrement des regroupements depuis deux ans pour gagner du temps dans votre préparation et sur le plan de jeu que vous souhaitez établir...
"Depuis que j'ai repris la sélection en 2019 j'ai vu 54 joueurs et j'ai ouvert à tout le monde. La sélection finale s'est vraiment faite sur ceux qui veulent vraiment porter le maillot du pays. Sur le plan de jeu on a des atouts à faire valoir. Il va falloir défendre ensemble, en bloc, et je mets aussi une grande importance sur les phases arrêtées, qu'elles soient offensives ou défensives. C'est quelque chose de très important pour moi. Ce qui est important aussi c'est que l'on a pas énormément d'informations sur nos adversaires mise à part la Nouvelle-Zélande. Mais on ira là-bas pour imposer notre jeu et appliquer ce que j'aime faire dans mon club. Ça sera la même chose mais avec un peu plus de joueurs de qualité."
 
Sur vos adversaires dans le groupe (Vanuatu, les Îles Cook et les Îles Salomon), vous n'avez donc pas plus de repères que ça ?
 "Aujourd'hui, j'ai quand même assez de recul pour savoir à quoi s'attendre. Si on prend le Vanuatu, il y a beaucoup d'explosivité. Ça ressemble beaucoup au football calédonien avec des joueurs qui ont pas mal d'expérience comme le défenseur Brian Kaltak qui évolue à Auckland City. Ensuite, pour les Îles Salomon, on les appelle les 'Brésiliens du Pacifique'. C'est énorme le potentiel qu'il y a dans tous ces pays. Il y aura de la qualité dans ces deux équipes. Et les Îles Cook font office de petit poucet du groupe. Mais il m'est arrivé de jouer contre le petit poucet et, parfois, il nous faisait mal. On doit avoir beaucoup de respect pour tout le monde et prendre les matchs les uns après les autres. Le match le plus important, ça sera le premier face au Vanuatu, comme tout le monde va le dire. On ne met pas tout sur ce premier match, mais il a quand même une grande importance. Si ça passe sur ce premier match, en toute humilité, on aura un pied en demi-finale."

Il faudra aussi gérer le fait de jouer tous les trois jours. Vous n'avez pas d'appréhension ? 
"D'où  l'importance de gagner ce premier match. Les joueurs le savent, si le premier match se passe bien, ceux qui auront moins jouer, joueront le deuxième match. Quand on enchaîne les matchs, on crée du lactique, du stress et le mélange des deux ça pompe beaucoup dans l'organisme. Mais je peux compter sur un staff très compétent."

Si vous sortez de votre groupe, la logique veut que vous jouiez soit la Nouvelle-Calédonie ou la Nouvelle-Zélande...
"Dans le groupe B, je n'élimine personne. Même si la Nouvelle-Zélande qui a fait des tournées et qui a pu jouer contre des équipes comme l'Algérie part comme d'habitude grand favori. Après, il faut se méfier de tout le monde, des Fidji, de la Nouvelle-Calédonie et de la Papouasie Nouvelle-Guinée. Et quoiqu'il arrive, si on arrive en demi-finale, on tombera face à une équipe qui aura connu des matchs à très haute intensité. Ca sera très compliqué."
 
Donc partir en France pour trois matchs de préparation sera également bienvenu pour vous ? 
"L'idée de partir en France, c'est d'aborder dans les meilleures conditions possibles ce premier match. On est parti pour jouer au moins trois matchs là-bas avant de partir pour le Qatar. La première semaine on sera à Cognac, chez notre Thierry Sardo, ancien sélectionneur de la Nouvelle-Calédonie. On aura un match contre Cognac (National 3), vendredi prochain. Le lendemain on part pour Rodez, où on aura un match contre une équipe composée de joueurs de Ligue 2 et de National 3. Ensuite on part sur Toulouse, où Eddy Etaeta, conseiller technique régional, a mis en place un match avec la sélection d'Occitanie. Et si y 'a possibilité de faire un quatrième match, on verra."

"Mettre Tahiti à sa place dans le Pacifique"

Samuel Garcia aux côtés de son adjoint, Moise Tetuanui.
Samuel Garcia aux côtés de son adjoint, Moise Tetuanui.
Qu'est-ce-que vous attendez de ces matchs de préparation ? 
"Le plus important sur ces matchs pour moi va être d'assimiler ce que l'on veut faire avec le ballon et qu'est-ce-que l'on fait lorsqu'on ne l'a pas. Voir qu'est-ce qu'on veut faire lorsque l'on mène 1-0 et qu'il reste 10 minutes. Bien intégrer tout ce qu'on a envie de faire au niveau du jeu."
 
Dans votre staff il y a notamment Gérard Kautai, ancien sélectionneur et l'une des références du coaching à Tahiti. Qu'est-ce-qui peut vous apporter ? 
"Sur le jeu offensif, j'ai beaucoup à apprendre de lui et, d'ailleurs, à chaque fois que le côtoie j'apprends beaucoup. C'est un grand monsieur du football polynésien. Mais ce qui va apporter aussi, c'est l'impact de ses mots en tahitien. Quand ils viennent en tahitien, ils sont encore plus fort. Outre ses qualités d'entraîneur, j'aime quand il parle aux joueurs."

Vous avez vécu des campagnes avec la sélection de Tahiti aussi en tant que joueur. Comment vous partagez votre expérience avec vos joueurs ? 
"Les joueurs me connaissent déjà et je n'aime pas trop parler de moi. Je me sers évidemment de mon expérience parce que j'ai ma manière de voir les choses, même si je laisse de la liberté aux joueurs. Mais encore une fois, c'est l'état d'esprit du groupe, des joueurs qui sera le plus important." 

Il y a aussi votre aventure avec les U-20 et avec Lionel Charbonnier dont vous pouvez vous servir pour motiver vos joueurs...
"C'est ma plus belle victoire d'entraîneur lorsque l'on a décroché cette qualification. C'était d'ailleurs dans le stade de Mahina qui était plein à craquer. Quand Tahiti se qualifie pour une Coupe du monde, ou pour une Coupe des confédérations, on est déjà champion du monde. Le Graal, c'est la qualification. Nous partons dimanche pour aller au bout, en finale au Qatar. Il n'y a que ça qui nous intéresse. On va se lever tous les jours pour ça, mais sans se mettre trop de pression. On va jouer notre football avec beaucoup d'humilité, de rigueur, d'engagement et avec beaucoup de cœur. On fera les comptes à la fin."

Ces éliminatoires au Qatar ne sont qu'une première étape avant un barrage face à un pays de la Concacaf pour un barrage...
"Le chemin est long, mais avant de se projeter sur novembre prochain et la Coupe du monde au Qatar, je veux mettre Tahiti à sa place dans le Pacifique. Dans les années 1990, il y avait vraiment Tahiti, la Nouvelle-Zélande et l'Australie était encore là. Il faut que l'on donne une bonne image du football polynésien. On sait que la Nouvelle-Zélande est au-dessus. Mais sur un match, tout est possible. Gagner déjà ces éliminatoires, on bascule dans une autre dimension. 

Rédigé par Désiré Teivao le Jeudi 17 Février 2022 à 23:28 | Lu 1961 fois