Tahiti Infos

Rencontre - Titouan Lamazou évoque ses projets artistiques et son prochain tour du monde


L'artiste a retrouvé les femmes polynésiennes dont il avait brossé le portrait en 2002, comme ici Mama Yvonne, à Nuku Hiva.
L'artiste a retrouvé les femmes polynésiennes dont il avait brossé le portrait en 2002, comme ici Mama Yvonne, à Nuku Hiva.
PAPEETE, le 22 août 2017 - Le célèbre navigateur, artiste et écrivain français vient de passer trois semaines en repérage aux Marquises afin de préparer sa prochaine exposition au Musée du Quai Branly, à Paris. Animé par un projet pédagogique d'envergure, l'ancien champion du monde de course au large envisage également de reprendre la mer dès que son bateau-atelier sera construit. Rencontre avec un bel humaniste…


Quinze ans après, Titouan Lamazou a retrouvé, aux îles Marquises, les vahine dont il avait brossé le portrait, dans le cadre de son projet "Zoé-Zoé, Femmes du Monde" (2001-2007), dévoilé au Musée de l'Homme de 2007 à 2008. Il a ainsi offert et signé quelques-unes de ses exquises esquisses aux habitantes du Fenua Enata qui avaient posé pour lui. Nommé "Artiste de l'UNESCO pour la Paix" en 2003, en reconnaissance "de son engagement personnel et en sa qualité de peintre, d’écrivain et de photographe en faveur de la promotion des femmes et de l’affirmation de leurs droits", le militant a réalisé de nombreuses esquisses en hommage à la gent féminine. L'homme au regard bleu océan et aux cheveux rebelles couleur poivre et sel se souvient : "Parmi les 250 portraits de femmes croisées lors de mes voyages, j'ai dû en faire une douzaine de Polynésiennes vivant aux Australes, aux Marquises, aux Tuamotu, etc. C'était en 2002 et j'ai présenté également une exposition à Tahiti en 2004. J'ai découvert la Polynésie en 1977 avec l'équipage d'Éric Tabarly (sur "Pen Duick VI", ndlr), et mon ancienne compagne a enseigné l'espagnol à Ua Pou en 1988-1990, alors que j'allais entreprendre le Vendée Globe."



"Vahine Poe"
"Vahine Poe"
Passionné par le dessin, Titouan, né le 11 juillet 1955 à Casablanca au Maroc, quitte en effet l’école à 16 ans pour les Beaux-Arts, saute la première année et arrête en cours de troisième année pour prendre la mer. Grâce à des marins rencontrés sur place, il décroche par la Marine nationale un tour du monde sur le bateau d’Éric Tabarly, avant de vouloir être skippeur à son tour. En 1985, il arme son premier navire, "Écureuil-d’Aquitaine I", et participe à toutes les épreuves du circuit international des courses au large : le BOC Challenge, la Québec-St. Malo, la C-Star… Il remporte, en 1990, la première édition du Vendée Globe, première course autour du monde en solitaire sans escale. Ce succès est suivi par la victoire en monocoque sur la Route du Rhum la même année. Il décroche même le titre de champion du monde de course au large en 1991. Bientôt, il retrouve sa première vocation d’artiste et publie de nombreux ouvrages, comme ses fameux "Carnets de voyage".

Un bateau-atelier avec des écrivains, des philosophes et des scientifiques

Animé par une inspiration vagabonde, le célèbre navigateur aime être en mouvement pour peindre le monde.
Animé par une inspiration vagabonde, le célèbre navigateur aime être en mouvement pour peindre le monde.
Actuellement au fenua, ce n'est pas un hasard si l'artiste vient de passer trois semaines aux Marquises. Il confie : "C'était en fait un séjour de repérage et j'en ai profité pour aller dans différentes îles, à Ua Pou, Hiva Oa, Nuku Hiva et Tahuata. Je vais revenir encore deux fois d'ici le mois de juin prochain, car le Musée du Quai Branly m'a proposé de réaliser une exposition en novembre 2018. Je présenterai à Paris mon travail artistique, des peintures à l'huile, ainsi que les fruits de ma collaboration avec divers artistes et chercheurs en sciences humaines. Il s'agit de rapporter la conception de l'autre, la relation avec l'autre, à l'image des "Immémoriaux" de Victor Segalen. C'est un autre regard sur le monde qui, je l'espère, voyagera jusqu'ici." Sa présence en Polynésie s'inscrit aussi dans le cadre d'un autre grand projet, celui de l'atelier des Tropiques itinérant ou bateau-atelier. On pense bien sûr à la référence à Paul Gauguin, à qui Van Gogh avait suggéré de venir peindre aux Marquises et d'y inviter ses amis... On connaît la suite de l'histoire.

Titouan Lamazou a passé trois semaines aux Marquises pour préparer ses prochains projets.
Titouan Lamazou a passé trois semaines aux Marquises pour préparer ses prochains projets.
Titouan explique : "C'est un projet que j'ai présenté dans les années 1990 déjà et qui est devenu aujourd'hui nécessaire. Je vais armer un navire inspiré des anciennes pirogues polynésiennes. Ce catamaran, long de 28 mètres et autonome sur le plan énergétique, sera surmonté d'un atelier qui sera le lieu de création. La construction du bateau-atelier devrait démarrer à la fin de l'année en Aquitaine, à Bordeaux, et j'aimerais arriver en Polynésie d'ici mi-2019. La particularité, c'est qu'à bord, l'équipage sera composé d'écrivains, de philosophes et de scientifiques. Les différents lieux visités offriront diverses thématiques environnementales et culturelles, et cela donnera alors naissance à des fiches pédagogiques réalisées par des scientifiques et illustrées par des artistes. Grâce à l'évolution technologique, nous pourrions être en liaison quotidienne avec les musées dans le monde et les établissements scolaires. Ce programme éducatif et participatif sera proposé aux académies et aux territoires qui le souhaitent." Et le célèbre navigateur de s'amuser : "L'idée est cette fois de faire le tour du monde le plus lentement possible, en sillonnant les trois océans et les outremers (les Caraïbes, La Réunion et le grand Pacifique) !" (Rires) Aventurier dans l'âme, l'humaniste poursuit ainsi sa quête de rencontres : "En voiture, en train ou à dos de chameau, je n'ai jamais cessé de voyager." Animé par une inspiration vagabonde, c'est bien en mouvement que Titouan aime voir le monde et le peindre.

Visite du centre culturel Paul Gauguin, à Hiva Oa.
Visite du centre culturel Paul Gauguin, à Hiva Oa.

Rédigé par Dominique Schmitt le Mardi 22 Août 2017 à 17:57 | Lu 5046 fois