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Projet Va’a Motu : la pirogue se met à l’eau


Projet Va’a Motu : la pirogue se met à l’eau
PAPEETE, le 25 juin - L’association Va’a Motu, lancé par Julien Girardot et Ato Lissant il y a trois ans, s’apprête à vivre un grand moment. EIle a permis la construction d’une pirogue traditionnelle qui sera mise à l’eau mi-juillet. Retour sur une aventure humaine, locale et durable.

Lorsque Julien Girardot pose ses voiles en Polynésie française pour la première fois, il s’étonne. "J’ai été très surpris de ne pas voir de pirogues traditionnelles dans les lagons, en particulier aux Tuamotu où ce type d’embarcation est pourtant idéal." À Fakarava, il rencontre Ato Lissant, propriétaire d’une pension sur cet atoll qui l’a vu naître. Les deux se lient d’amitié. Ils mettent en forme un projet, portée par l’association Va’a Motu. Un projet qui vise à redonner vie aux pirogues traditionnelles. "Les embarcations à voile ont totalement disparu des lagons polynésiens voici plus d’un demi-siècle au profit du moteur et de l’essence", précisent les membres du projet sur leur page Facebook. "Par bien des aspects le renouveau de la voile traditionnelle s’annonce comme un projet à multiple facettes dynamiques : science, pédagogie, tourisme, culture…". Aujourd’hui le bureau de l’association compte quatre membres : AtoLissand, le président, Julien Girardot le vice-président, Gahina Bordes la trésorière et Vaiete Bodin, la secrétaire. Elle est soutenue par 29 partenaires.

TROIS ANS POUR TROUVER LES FONDS

L’idée de construire une pirogue traditionnelle est née en 2012, en janvier. Le chantier de construction a commencé en avril 2015. "Il nous a fallu très longtemps pour rassembler les fonds, il nous a fallu aussi du temps pour rassembler savoir et savoir-faire", explique Julien Girardot. Les membres de l’association Va’a Motu sont allés à la rencontre des anciens de l’île pour savoir comment étaient construites les pirogues d’antan. Des réunions ont été organisées en présence notamment de Manuel Varas, le doyen de l’atoll, ou bien d’Axel Tokoragi, alias papi Miel. Les échanges ont abouti à l’élaboration, sur papier, d’une pirogue traditionnelle "évoluée". "Pour obtenir tous les agréments, nous ne pouvions pas construire de pirogue à l’ancienne en allant tailler dans le tronc d’un cocotier avec des herminettes. L’architecte naval qui a conçu les plans a tenu compte de toutes les contraintes." Depuis début avril, les éléments sont assemblés à bon rythme. L’époxy, le contreplaqué marine, le bois de cocotier et de kaori se marient à la fibre de verre. Les constructeurs taillent, ajustent, stratifient, peignent, appliquent du primeur.

ÉLÈVES ET CHERCHEURS MOBILISÉS

Le chantier de la pirogue Va’a Motu se trouve dans le village de Rotoava, à Fakarava. Il est dirigé par Alexandre Genton, constructeur de pirogue depuis dix ans. Il a été le chef de chantier de O’Tahiti Nui Freedom, la pirogue qui rallia Shanghai à Tahiti en 2010. Cette étape de construction est l’occasion de former trois jeunes paumotu : Hugo, James et Toko. Elle est aussi l’occasion d’échanges avec les classes de l’île qui se déplacent sur le chantier à tour de rôle, une fois par semaine. À chaque visite les élèves préparent une série de questions sur l’embarcation et son utilité : "Comment dirige-t-on une pirogue à voile ? Comment se sert-on du vent ? Pourquoi les pirogues traditionnelles ont-elles disparu de nos lagons ? Est-ce qu’on peut pêcher avec ? À quoi vont-elles servir ?" Pour les membres de l’association ces échanges font partie intégrante du projet.

La mise à l’eau est prévue mi-juillet. Te Maru O Havaiki (nom donné à la pirogue par l’association) mesurera au final 30 pieds, soit environ dix mètres de long et cinq mètres de large. Elle portera un mât d’environ dix mètres de haut. Elle sera utilisée dans le cadre de sorties écotouristiques sur les eaux de Fakarava. "Nous pourrons embarquer six personnes", indique Julien Girardot qui en profite pour passer une annonce : "Pour ce faire nous sommes à la recherche d’un capitaine 200 voiles". La pirogue sera aussi utilisée par des scientifiques en mission aux Tuamotu tout au long du mois d’août. Six chercheurs venus de Dublin, de Hawaii et Roscoff (en France) équiperont l’embarcation de caméras pour établir notamment une cartographie en 3 D du lagon.

Les scientifiques attendus dans le lagon de Fakarava ont promis de partager leur mission avec les habitants. Concrètement, ils présenteront le ou les thèmes de recherche, les résultats obtenus et les matériaux utilisés. Des réunions seront organisées sur la place du village, ouvertes et accessibles à tous. Les interventions seront traduites en tahitien et en paumotu pour plus de transparence. Les scientifiques espèrent aussi pouvoir former des habitants de l’atoll à l’utilisation de leur matériel de façon à poursuivre la récolte de données. En résumé, l’association Va’a Motu fait revivre le passé pour construire l’avenir. Tout un programme.

Facebook : Association Va’a Motu / Projet Va’a Motu

Défi sur le lagon

Julien Girardot est "cuistographe" (cuisinier et photographe) sur la goélette scientifique Tara lorsqu’il découvre la Polynésie française. Il profite de son voyage pour découvrir les Tuamotu. Il veut réaliser un reportage photographique sur les pêcheurs à la voile. Il rejoint Fakarava, hébergé par l’ami d’un ami. La pension d’Ato Lissant et de sa femme est à deux pas crabes de ses hôtes. Avec Ato, Julien naviguent sur le lagon. À la question : "Où sont les pirogues à voile traditionnelle ?" de Julien Girardot. Ato Lissant répond en souriant : "Tu arrives un peu tard, elles ont disparu des lagons depuis plus d’un demi-siècle !" Le cuistographe reste songeur. Son reportage tombe à l’eau. Mais une graine est plantée. "On en construit une ? " lance-t-il au Paumotu qui finit par le prendre au mot.

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Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 25 Juin 2015 à 11:15 | Lu 1839 fois