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Pourquoi Air Tahiti doit renoncer à desservir 6 îles enclavées de Polynésie


Pourquoi Air Tahiti doit renoncer à desservir 6 îles enclavées de Polynésie
« C’est la question de la pérennité de la société qui se pose aujourd’hui ». Pour Christian Vernaudon, le PDG d’Air Tahiti, cette fin d’année 2011 sonne l’heure des choix difficiles. Sa société, pourtant en situation de monopole, est déficitaire depuis 2008. Augmentation des cours du pétrole et chute du tourisme ont fait fondre les bénéfices de la compagnie comme neige au soleil.

Aujourd’hui, Air Tahiti ne peut donc plus se permettre d’assurer la délégation de service public (DSP) confiée par le Pays sur certaines îles isolées de Polynésie. Elle ne signera pas le renouvellement de la DSP en 2012 en l’état. Mais propose un accord dont voici les termes : la compagnie accepte de continuer à assurer la liaison par ATR de 17 îles déficitaires, si le Pays prend en charge le coût de la desserte des 6 autres îles les plus isolées (Ua Pou Ua Huka aux Marquises, et Apataki, Takume, Fakahina et Puka Puka aux Tuamotu) qui ne peuvent être desservies que par Twin Otter ou Beechcraft.

Christian Vernaudon a accepté de nous expliquer en détail la situation de sa compagnie, et la proposition qu’il a faite au Pays. Si aucun accord n’est trouvé, six îles seront coupées du monde à partir de janvier 2012.


Pourquoi la compagnie Air Tahiti doit-t-elle renoncer à desservir 6 îles de Polynésie?

Pourquoi Air Tahiti doit renoncer à desservir 6 îles enclavées de Polynésie
« Air Tahiti réalise trois types de dessertes : celles effectuées avec des modules de type Twin otter ou Beechcraft sur les six îles de Polynésie qui sont encore inaccessibles aux ATR pour des raisons d’infrastructures : Ua Pou, Ua Huka aux Marquises, et Apataki, Takume, Fakahina et Puka Puka aux Tuamotu. L’exploitation de ces lignes représente 550 millions de charges pour 150millions de recettes. C’est ce qu’on appelle une desserte de désenclavement de service public très structurellement déficitaire.
Air Tahiti est également déficitaire sur 17 îles desservies par ATR. En 2011, elles représenteront 1 milliard de charges pour 600 millions de recettes. Ça représente donc aussi 400 millions de pertes.
Enfin la société dégage des bénéfices sur les autres dessertes ATR. Jusqu’en 2007, ils permettaient de supporter le coût des dessertes de désenclavement. Depuis 2008, les marges qu’on dégage sur les activités bénéficiaires sont devenues inférieures aux pertes que l’on constate sur les réseaux de désenclavement. Malgré nos efforts pour faire des économies, nous ne sommes pas revenus à l’équilibre.
En 2008, sur l’ensemble des activités aériennes, y compris Air Moorea et Air Archipel, on avait perdu un peu plus de 700 millions. En 2009, 600 millions. En 2010, on a réussi à ramener ce déficit à 200 millions, et estime qu’il se maintiendra au même niveau en 2011.

Comment s’expliquent ces difficultés ?

Il y a deux raisons : premièrement, la chute de l’activité. Elle a baissé de 15%, en raison principalement de l’environnement général de l’économie polynésienne et du tourisme, qui se dégrade depuis 2007. Le deuxième élément qui a pesé très lourd, c’est l’envolée des cours du kérosène. En 2004, le baril coûtait encore entre 30 et 40 dollars le baril, en 2007 il est monté à 73 dollars, et cette année il est à 120 dollars. Cette hausse des cours a augmenté nos factures pétrolières de plusieurs centaines de millions.


La société n’a aucune autre solution en vue pour revenir à l’équilibre ?

On a fait depuis 2008 des efforts pour contenir la masse salariale, afin qu’elle n’augmente pas, mais nous restons déficitaires de 200 millions sur un chiffre d’affaire de 10 milliards. Comme toute structure, on ne peut pas se permettre dans les années à venir de ne pas être au moins à l’équilibre. Sinon il arrivera un moment donné où on sera au bord de la faillite.
C’est dans ce contexte que notre conseil d’administration a dit non à la demande du Pays, qui souhaite nous voir continuer à desservir les 46 îles de Polynésie sans aucune subvention. On ne peut pas s’engager à continuer ces dessertes de désenclavement encore sur 10 ans.
Ce qu’on propose, c’est un modèle dans lequel tout ce qui est desserte ATR peut être pris en charge par Air Tahiti, avec un système de péréquation au sein du réseau pour que les marges réalisées sur les lignes à forte densité de trafic permettent de desservir les petites îles. Mais en revanche on ne peut plus se permettre de financer aussi les déficits des dessertes Twin/Beechcraft. On a confirmé cette position au pays. Désormais le gouvernement en est informé. L’enveloppe nécessaire s’élève à 400 millions. On a aujourd’hui les moyens humains et techniques pour assurer la continuité de ces dessertes, mais pas l’argent. Le pays n’a pas beaucoup non plus, certes, mais il en a quand même. C’est une question de choix politique.

Que va-t-il advenir des salariés employés sur ces lignes ?

Nous employons 26 agents d’escale à temps partiel, qui sont des personnels Air Tahiti, dans ces six îles. Si on arrête les dessertes, on sera obligé d’engager un plan social. Comme ils vivent dans ces îles là, on n’a pas de solution de reclassement pour eux.
Il y a également une trentaine de personnes employées à Air Archipel qui travaillent sur Twin ou Beechcraft, et donc les postes seraient également remis en cause. Il y a donc une problématique sociale au sein d’Air Tahiti, au-delà de la très grave problématique sociale qui se pose pour les habitants de ces îles. On en est bien conscients au sein du groupe Air Tahiti.
Je tiens enfin à préciser qu’il ne s’agit pas de dégager de l’argent pour nos actionnaires. Depuis 2008, pas un franc de dividende ne leur a été distribué.»



Propos recueillis par Florence O'Kelly

le Mardi 25 Octobre 2011 à 09:32 | Lu 2879 fois
           



Commentaires

1.Posté par moi le 25/10/2011 11:06 | Alerter
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Air Tahiti: 1200 employées pour 9 ATR, 1 Beachcraft, 1 Twinotter...nombre de passagers transportés par employé: 611 prix moyen de billet: 35000 cfp,
Ryan Air (un des plus grande compagnie lowcost en Europe, donc un territoire vaste comme la PF): 8500 employées pour 272 avions... nombre de passagers transportés par employé: 10.000 avec une résultat net en hausse de +26% en 2010 malgré la hausse du prix de carburant... prix moyen de billet: 5000 cfp.
Peut-être pas tout à fait comparable, mais bon... ça fait rêver quand même LOL

2.Posté par F.M le 25/10/2011 15:16 | Alerter
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Grâce au retour de FK nous retrouvons des articles de fond et des interviews bien menées....Attention à la FK "dépendance" pour Tahiti Infos! ;-)
En ce qui concerne Christian Vernaudon, on peut se poser la question de savoir si il ne se cache pas derrière cette demande un moyen de pression pour la prochaine nomination du PDG d'Air Tahiti Nui étant donné que les jours de Pastour semblent comptés...
Ne jamais oublier que nous sommes souvent sur un échiquier sur lequel les coups se jouent "à l'avance" et que tout est permis dès qu'il s'agit de gros sous.
Une fois de plus c'est la population "de base" qui risque de trinquer et cela risque d'ajouter de nouvelles familles dans la difficulté. Mais cela n'est pas la priorité des "puissants" du Fenua....Tout le monde le sait déjà....

3.Posté par Pepico le 25/10/2011 20:21 | Alerter
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Un avant goût d'indépendance...

4.Posté par bigdew le 26/10/2011 08:13 | Alerter
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Vernaudon, ses accolytes et le gouvernement n'ont pas encore compris qu'il faut baisser le masse salariale. Quand on a des pilotes et des cadres à plus du million, faut pas s'étonner qu'on a du mal à dégager du bénéfice. Ils ont peur de perdre des pilotes. Du pipeau! Les pilotes locaux qui sont à l'étranger ne souhaitent qu'une chose, revenir à Tahiti et travailler pour leur compagnie. Non, c'est encore du copinage, de la lâcheté. Vous allez aux US, ce genre de compagnie aurait déjà faire l'objet d'un plan social radical mais efficace. Concernant le prix du baril, ça fait des mois que le prix à baisser, donc Vernaudon arrête de nous raconter des salades. Enfin, Air Tahiti, baissez les prix des billets, vous verrez que la baisse de traffic de 15% sera facilement et rapidement effacé! Des fois, je me demande vraiment ce qu'ils sont dans la tête ces bouffons!

5.Posté par tupai le 26/10/2011 08:48 | Alerter
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@ moi,
l'europe est vaste, ce sont de vieux pays, riches, la Polynésie n'a rien de comparable, 250 000 habitants sur une même surface, pays neuf, sous développé, peu de ressources et toujours l'empreinte coloniale
LOL

6.Posté par Teiva 33 le 26/10/2011 10:04 | Alerter
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Tupai, arrête de parler d'empreinte coloniale, ce ne sont que des locaux qui dirigent cette compagnie... Quoique, tu as peut-être raison, il est vrai que ce sont des enfants ou petits enfants d'anciens colons... Mais bref, trêve de persifflage.
Je rappellerai qu'en 2008, Air Tahiti avait déjà 400 millions de déficits, en 2009, idem. Christian V avait prédit que le déficit serait de 600 millions en 2010 si le King Tamatoa était mis en service. Le King a fonctionné un mois en 2010 et le déficit a été de 600 millions… Et on sait toute l’ardeur que CV a mis dans les manœuvres et manigances ténébreuses pour abattre le King.
70.000 billets gratuits en 2009 sur les lignes Tahiti-ISLV : ça, CV n’en parle pas beaucoup… Je ne parlerais pas des partages scandaleux des bénéfices au niveau de la direction et des actionnaires au détriment de la compagnie, parce que je ne serai pas publié…
Big Dew a raison, en baissant les prix des billets le déficit de traffic sera rapidement effacé!
Ce sont des clowns qui dirigent cette compagnie, comme les clown qui dirigent le Pays...

7.Posté par Moi le 26/10/2011 21:09 | Alerter
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@tupai, fait les calcules... 1200 d'effectifs pour 9 avions c'est une honte! Les prix de billets c'est scandaleux!
@bigdew, j'ai rencontré un pilote de Tuamotu, pas de bon couleur, ni de la bonne famille pour travailler au sein d'Air Tahiti, il est parti en Tunesi...