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Pour Me Quinquis, le procès des emplois fictifs relève du "révisionnisme"


Pour Me Quinquis, le procès des emplois fictifs relève du "révisionnisme"
A lui seul, il représente 26 des 87 mis en examen dans l'affaire des emplois "fictifs". Maître Quinquis est surtout l'avocat du principal mis en cause, Gaston Flosse. Sa plaidoirie est prévue le vendredi 13 avril : elle pourrait durer deux à trois heures, a-t-il prévenu la présidente du tribunal. En attendant le jour J, Me Quinquis a accepté de répondre à nos questions. Comme il se doit, il ne manque pas d'arguments pour défendre ses clients. Interview.

Tahiti-Infos : M. Flosse a eu à répondre cet après-midi sur un point examiné la semaine dernière par la Cour : les conventions signées à la fin des années 90 entre Cyril Legayic, Bruno Sandras et Jean-Marie Yan, et lui-même…

François Quinquis : Le problème des syndicats, c’est la démonstration que l’on nous fait un mauvais procès. On devrait au contraire féliciter tous ces gens qui ont su mettre leurs rivalités de côté pour œuvrer dans l’intérêt général. Après les émeutes de 1995 qui ont ravagé la ville, il n’y a plus eu de conflit sociaux d’envergure grâce, justement, à la politique menée avec les syndicats par M. Flosse ! Que le président Flosse ait utilisé tel ou tel instrument, je ne crois pas que ce soit à un tribunal d’en juger.

Mais c’était légal ?

Oui c’était légal ! c’est bien plus légal pour la Polynésie française que pour la métropole, où le secrétaire d’Etat, Georges Tron, vient de reconnaître que l’Etat français, la collectivité, a subventionné les syndicats de fonctionnaires à hauteur d’un 1,3 milliards d’euros ! ( voir un article du journal Les Echos sur le point soulevé ici par Me Quinquis) en toute illégalité ! ce n’est pas moi qui le dit ce sont les revues syndicales spécialisées ! ce qui s’est passé en Polynésie est bien plus légal que ce scandale qui existe dans la Fédération de la Métallurgie française, où l’on sait que le patronat s’est gardé une caisse noire à hauteur, là encore, de centaines de millions d’euros, pour acheter les syndicats avec la complaisance de ceux-ci et des médias, qui le savaient, mais qui n’en disaient rien.
En ce qui concerne la mise à disposition des journalistes à Radio Maohi, par exemple, elle se fonde sur un arrêté qui a été pris en 1994, puis transmis au Haut-commissaire, comme en attestent les tampons sur l’arrêté. Cet arrêté est balayé d’un revers de manche par la CTC qui nous dit : il ne s’agit pas à proprement parler d’une mesure individuelle. Mais comme je l’ai dit tout à l’heure, un acte administratif est soit un acte individuel, soit un acte réglementaire. La CTC a donc commis une erreur de droit. C’est blanc ou noir, c’est comme ça. Et quand on dit : "j’offre à Mademoiselle qui a de jolis yeux un paquet de carambars", c’est bien un acte nominatif et individuel ! ça n’a évidemment aucune valeur normative.

Mais au-delà de l’aspect normatif, il y a l’aspect éthique. Si « mademoiselle» est journaliste dans une radio locale, n’est-ce pas une façon de l’acheter ?

Juridiquement, il n’y a aucune façon de distinguer les communes de la collectivité d’Outre-mer qu’est la Polynésie. La collectivité a le même droit de subventionner une radio privée sous la forme associative. Y compris subventionner indirectement par la mise à disposition de personnel ! La Polynésie française a le droit de le faire, au même titre que Faa’a le fait avec Radio Tefana. Maintenant, et ce n’est pas vous qui allez me dire le contraire, il est évident que Radio Tefana est purement politique, avec essentiellement une mission de propagande. On ne dit rien à Radio Tefana qui coûte 120 millions de francs à la commune et on vient faire un procès à Radio Maohi pour des faits qui se sont déroulés il y a quinze ans et qui ont coûté 3 fois moins. On va me dire « oui mais pour Radio Maohi, ce qui pose problème ce sont les mises à disposition ». Je ne vois pas pourquoi elles seraient plus scélérates qu’une subvention ! et puis sachez que Radio Tefana procède exactement de la même façon puisque nombre du personnel de Radio Tefana est mis à disposition par la commune. Et là, personne ne trouve rien à redire. Il n’y a pas de dénonciation de la Chambre Territoriale des Comptes au Parquet contrairement à ce qui se passe habituellement depuis 2004 à l’égard de M. Flosse. Il y a donc deux poids deux mesures…

Ce matin Michel Buillard, le maire de Papeete, a été entendu sur les 5 contrats cabinet mis à la disposition de sa commune. Quelle est votre ligne de défense sur ce point ?

M. Buillard est simplement venu dire qu’il avait été élu maire de la ville de Papeete sur une liste complètement hétéroclite et apolitique, où l’on trouvait aussi bien du Ai’a Api que du Tahoeraa et du Here Ai’a ou que de la société civile…

…Mais lui était bien membre du Tahoeraa ?

Lui était membre mais la liste était hétéroclite. Il a hérité d’une situation financière exsangue et pour s’en sortir il lui fallait du personnel direct en qui il pouvait placer toute sa confiance. Alors il a demandé le recrutement de 4 ou 5 personnes sur un effectif municipal de 500 personnes ! Quinze après on vient nous reprocher ces 4 ou 5 mises à disposition ! ça confine à l’absurde, d’autant plus que l’on sait qu’il a été élu l’année même (1995) où la ville de Papeete a été ravagée! et le personnel qui est passé aujourd’hui à la barre était des plus utiles. Donc je pense qu’au vu de ces circonstances exceptionnelles, il devrait y avoir un peu plus d’égards de la part de l’autorité judiciaire.

Vous défendez vos clients en disant qu’il ne s’agit que de 4 ou 5 personnes par ci, 4 ou 5 personnes par là. Mais c’est la multiplication de ces mises à disposition, dans les communes, dans les syndicats, dans les fédérations sportives qui pose problème, et qu’on appelle parfois le « système Flosse »…

Dans les fédérations sportives, c’est rigoureusement la même chose en France ou en Navarre. Vous n’avez pas une fédération sportive qui ne soit pas délégataire de l’autorité publique et qui ne perçoive pas de financement de la collectivité publique. Là les poursuites sont totalement in-fon-dées. En qui concerne ce que vous appelez le « maillage politique dans les communes », il faut savoir que sur les 48 communes que comptait la Polynésie à l’époque, 42 étaient Tahoeraa. Or ces 42 communes n’ont pas bénéficé de personnel mis à disposition ! cette situation se rencontre exclusivement dans les communes soit qui avaient le plus besoin de personnel, soit dans les communes les plus rurales qui ne pouvaient pas financer ce personnel ; d’autant plus que l’autorité de tutelle, l’Etat, était inactive et impuissante. Faire du révisionnisme 15 ans après, réviser l’histoire alors qu’on a oublié les considérations politiques, d’autant que certains protagonistes n’étaient pas en Polynésie à l’époque des faits, tout ceci me semble être choquant.


Rédigé par F K le Lundi 2 Mai 2011 à 17:26 | Lu 2038 fois