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Plan de redressement : "le gouvernement a fait son travail, maintenant c'est au législatif de se prononcer"


Plan de redressement : "le gouvernement a fait son travail, maintenant c'est au législatif de se prononcer"
Il sera resté secret jusqu'au dernier moment. Malgré quelques fuites dans la presse, la dernière mouture du plan de redressement est toujours confidentielle. Tout simplement parce que ce plan est toujours en cours de rédaction. Il sera toutefois bel et bien transmis à l'assemblée jeudi avant minuit, affirme le gouvernement. Car c'est la date butoir fixée par Anne Bolliet, qui, sa mission achevée, est rentrée à Paris hier soir (mercredi).
Antony Geros espère cacher ce plan de redressement aux yeux "indiscrets" de la presse jusqu'à la veille de son examen à l'assemblée de Polynésie. Il a toutefois accepté de répondre aux questions de Tahiti-Infos. Il rappelle qu'une fois le plan transmis aux élus, ce sera à eux de se prononcer en dernier ressort. Et nous confie qu'il voit déjà plus loin. "Donnez-nous la canne à pêche, pas le poisson", lance-t-il à l'Etat dans une interview disponible ci-dessous dans son intégralité. Une métaphore qui rappelle que même si l'UPLD a accepté l'aide de l'Etat dans sa délicate mission de la réforme du Pays, l'objectif reste bien d'acquérir toujours plus d'autonomie, et un jour, l'indépendance.

Tahiti Infos : L’assemblée nationale a voté la réduction de 10% des salaires du gouvernement et des représentants. Votre réaction ?

Antony Geros : Si c’est pour se donner bonne conscience, on peut applaudir des deux mains cette décision, qui a été prise à 20 000 km. Mais il faut voir que d’autres aspects de la loi, eux, risquent d’augmenter les coûts de fonctionnement. C’est le cas de la restriction à 10 du nombre de ministres dans le gouvernement. Cela va nous obliger à réorganiser l’ensemble de l’administration, pour permettre d’avoir sous chaque ministre un regroupement par direction. Ce qui signifie de nouveaux postes budgétaires, et des postes importants puisque des agents de direction se paient cher ! donc il faut qu’on analyse l’impact financier... On se donne bonne conscience sur le salaire des élus, mais d’un autre côté il faut voir ce que va coûter la réorganisation des ministères !

Mais ces mesures ne sont-elles pas importantes, ne serait-ce que d’un point de vue symbolique ?

Ce n’est pas la réponse aux problèmes économiques de la Polynésie. Si l’Etat avait modifié le statut pour nous permettre, à l’image de ce qui se fait en France, d’avoir des ministres délégués, on aurait pu répartir le poids de la charge de ces portefeuilles. Mais ce n’est pas le cas. Il va donc falloir refondre l’administration du pays, et placer des services séparés sous une même entité directionnelle. C’est d’ailleurs ce que nous sommes en train de faire, de façon à avoir un référent et non pas une trentaine, comme ce serait le cas.

Donc il n’y aura pas d’économies faites sur le personnel ?

Non ! Il faudra créer de nouveaux postes au contraire. Et ce sont des postes à rémunération élevée.

Donc cela vous complique la tâche dans la préparation de votre plan de redressement ?

Oui, cela nous complique beaucoup la tâche et d’ailleurs nous l’avons dit à Mme Bolliet. On a l’impression que là-bas on essaie de se débarrasser du problème polynésien sans chercher à savoir quelles sont les problématiques locales. Mais ce n’est pas Mme Bolliet qui avait demandé la réduction du nombre de ministères.

Le plan de redressement est bien sur le point d’être transmis à l’assemblée ?

Il doit être transmis au plus tard aujourd’hui jeudi, puisque la date butoir est fixée aux 30, et ensuite on décidera avec les élus de l’assemblée quand il sera rendu public. Je pense qu’on le fera certainement la veille du débat en séance. Ce plan de redressement prendra la forme d’une délibération, donc la séance se tiendra quatre jours après son examen en commission législative.

Le plan de redressement qui a été diffusé par un quotidien local est-il le texte qui va être transmis à l’assemblée ?

Je pense que ça va évoluer. Comme je viens de vous le dire, le document n’a pas encore été transmis à l’assemblée, et continue d’évoluer. Ce matin même nous y avons apporté des modifications, puisqu’il y avait des productions qui sont arrivées des ministères et qui devaient être intégrées. Donc j’émets beaucoup de réserves quant au texte qui circule dans la presse. Je le dis, le plan n’a rien à voir avec ce qui a été diffusé.

Que se passera-t-il si l’assemblée n’adopte pas votre plan de redressement ?

Le gouvernement a fait son travail. En deux mois nous avons rempli la conditionnalité de l’AFD, maintenant il appartient au législatif, en toute souveraineté, de prendre les décisions qui s’imposent. Si les représentants refusent de fermer un établissement, par exemple, on fera avec.

Vous avez confiance dans votre majorité ? On parle de difficultés, depuis l’annulation du débat sur la décolonisation ?

La majorité se porte bien, nous étions ce matin en commission législative et tout allait bien. Le seul point sur lequel les médias ont mordu, c’est l’annulation de la séance d’aujourd’hui. Or la raison, c’est que Mme Bolliet nous a dit en arrivant qu’elle avait pour seule exigence une transmission du plan de redressement avant le 30. Sachant cela, le président de l’assemblée a modifié son calendrier, ce qui nous a laissé plus de temps pour travailler sur ce plan.

Avez-vous retenu la mise en place d’un impôt sur le revenu dans ce plan de redressement ?

Nous avons retenu la perspective d’une réforme fiscale. Une réforme qui doit répondre à une exigence d’équité, et donc un rééquilibrage entre fiscalité directe et indirecte. Ainsi que la nécessité de mettre en place un impôt sur LES revenus. Une nuance que nous allons apporter le moment voulu. L’impôt sur le revenu, on l’a déjà avec la CST, il suffit de faire évoluer les taux. Mais tous les revenus ne sont pas couverts aujourd’hui. Et nous verrons au fur et à mesure de la mise en place de ces réformes quels revenus qui ne sont pas touchés par la CST devront être mis à contribution.

C’est une petite révolution qui s’annonce pour la Polynésie ?

C’est une révolution. Enfin on pourra dire cela le jour où les élus polynésiens auront adopté ce plan. Mais ce n’est qu’une première étape dans la reconversion du pays. Car ce plan de redressement ne résoudra pas tous les problèmes que nous avons. Je vais prendre un exemple : aujourd’hui lorsque l’on parle de PIB, ça me fait beaucoup rire. Ce PIB est complètement perverti par les transferts de l’Etat à la Polynésie. Donc pour calculer réellement notre PIB il faudrait soustraire ces transferts, et là on verrait si on est toujours au 60ème rang mondial, ou bien totalement rétrogradé !

Ce qui revient à dire que la Polynésie a besoin de l’Etat !

Ce n’est pas ce que je dis. Je dis que nous devons nous poser une question : faut-il continuer à se satisfaire des transferts de l’Etat ? On se pose ces questions depuis des lustres, maintenant il faut apporter les réponses, et les accompagner de décisions. Il faut passer d’une économie de transferts à une économie autonome.

Et c’est donc ce que vous allez mettre en oeuvre ?

Si on ne le fait pas, on se retrouvera très rapidement confronté aux mêmes difficultés que celles que nous rencontrons aujourd’hui. Il faut évoluer. Je dis donc à l’Etat : au lieu de nous donner de l’argent, donnez-nous l’aéroport ! Donnez-nous la canne à pêche et non pas le poisson ! Donnez-nous notre zone économique !

...Et l’indépendance ?

Oui, mais ça c’est une question qu’il faudra poser au peuple polynésien.

le Jeudi 30 Juin 2011 à 14:40 | Lu 978 fois