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"Petite pomme", le tube qui déferle sur la Chine


PÉKIN, 26 septembre 2014 (AFP) - L'Asie a-t-elle son nouveau "Gangnam Style?" Des parcs de Pékin aux gratte-ciel de Shanghai, des usines de Canton aux karaokés de Macao, les Chinois fredonnent en boucle "Petite pomme", une chanson obsédante qui a même conquis l'armée et la police.

A l'origine de ce tube inattendu se trouvent... deux professionnels de la vidéo sur Internet, les "Chopstick brothers", ou "Frères baguettes" en français.

Xiao Yang et Wang Taili ne sont ni frères, ni compositeurs, et leur chanson "Petite pomme" n'était à l'origine destinée qu'à promouvoir leur dernier film.

Mais voilà: il suffit d'entendre une fois "Xiaopingguo" ("Petite pomme" en chinois) pour ne plus pouvoir l'extirper de son crâne. A tel point que des critiques parlent d'"intoxication mentale".

"Cette chanson est facile à suivre, le rythme est basique et répétitif. Même les vieilles dames dans les jardins publics l'apprennent rapidement", explique Zeng Qiumei, une jeune femme originaire de la province du Sichuan.

La vidéo de ce petit air entêtant a dépassé les deux millions de vues sur Youtube, pourtant censuré en Chine continentale (https://www.youtube.com/watch?v=LzHFD1sEqpE).

C'est peu comparé aux sites chinois, comme sohu.com (20 millions de vues), iqiyi.com (12 millions), youku.com (7 millions), letv.com, ifeng.com, etc.

La séquence de six minutes met en scène Xiao et Wang, nus dans un jardin d'Eden délirant, avec pomme et serpent, après une opération de chirurgie esthétique ratée. Dans la chorégraphie apparaît la jolie Bae Seul-Ki, vedette de la K-pop, la musique pop sud-coréenne.

En Chine, où l'on ne s'embarrasse pas des droits d'auteur, "Petite pomme" est reprise partout, des sonneries de smartphone aux centres commerciaux, des boîtes de nuit aux salles de gym.

- Un "hit" retouché par la police -

Cette semaine, la police de la province du Shandong (est) a utilisé l'air pour diffuser une mise en garde contre les escroqueries bancaires par téléphone.

"Nous avons modifié les paroles pour sensibiliser les gens", a expliqué un policier à la télévision CCTV.

De son côté l'Armée populaire de libération a compris le profit qu'elle pouvait tirer du rythme martial et fédérateur. Le bureau militaire de la ville de Xian (nord) a suscité un buzz national en diffusant une vidéo patriotique de recrutement sur ce fond sonore.

Et, le mois dernier, l'internet s'est emballé autour d'un autre clip montrant des soldats dansant "Xiaopingguo" avec des enfants, rescapés d'un séisme qui a fait 600 morts dans le sud-ouest du pays.

Sur le web, on ne compte plus les vidéos artisanales de danseurs du dimanche se déhanchant sur "Petite pomme": hôtesses de l'air, ouvriers, pom-pom girls, sapeurs-pompiers, étudiants...

Une parodie réunit le leader nord-coréen Kim Jong-Un, Barack Obama, Vladimir Poutine, le Premier ministre nippon Shinzo Abe et le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon, lui-même originaire de la patrie de la K-Pop.

Le succès de "Petite pomme" a pour effet de remettre un coup de projecteur sur les "Da Ma", ces femmes d'âge mûr qui se rassemblent matin et soir pour danser sur les places des villes chinoises.

- La Chine en retard sur la K-pop -

Zheng Xiaomin, une Pékinoise à la retraite rencontrée dans un parc de la capitale, dit apprécier le phénomène Xiaopingguo, mais en spectatrice car elle a 76 ans.

"Quand j'étais jeune, j'aimais la danse collective organisée par mon unité de travail. Mais dans un parc, c'est gênant de mettre la main sur l'épaule ou la hanche de son partenaire. Avec Xiaopingguo, ce n'est pas le cas", confie l'ancienne ouvrière-typographe, qui rédigeait les documents officiels dans les dialectes des ethnies minoritaires.

Les experts doutent cependant que "Petite pomme" connaisse le destin planétaire de "Gangnam Style", du très occidentalisé Sud-Coréen PSY.

D'abord parce que la musique branchée chinoise reste cantonnée dans ses frontières. Contrairement à la K-pop qui, déjà avant l'avènement de PSY, avait conquis le Sud-est asiatique, le Japon, et gagné en influence hors de l'Asie.

"La Chine ne met pas l'accent sur le développement des industries culturelles et créatives", comme le fait la Corée du Sud, explique à l'AFP Hao Fang, célèbre critique musical chinois.

"Les styles des chansons sont désuets et Xiaopingguo reprend le rythme disco des années 1980 et 1990 en Chine. Cela l'empêche de rivaliser avec les tubes mondiaux", juge-t-il. Le succès de "Petite pomme" montre même selon lui que "quelque chose ne tourne pas rond dans ce pays".

Rédigé par () le Vendredi 26 Septembre 2014 à 06:39 | Lu 574 fois