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Paul Wamo, les maux par les mots


Paul Wamo Taneisi participera à la finale du premier concours slam international de l’Académie des Jeux floraux.  Crédit : Steeve Nussier
Paul Wamo Taneisi participera à la finale du premier concours slam international de l’Académie des Jeux floraux. Crédit : Steeve Nussier
Tahiti, le 18 avril 2024 - Slameur calédonien au talent indéniable, Paul Wamo Taneisi n’a jamais caché son amour pour les mots, les utilisant pour se soigner de ses maux. “Mes cailloux”, comme il les appelle, qui lui provoquent cette impulsion de l’écriture soudaine. Cette affection profonde pour l’écriture sous toutes ses formes l’a propulsé en finale du premier concours slam international organisé par l’Académie des Jeux floraux, prévu pour le 30 avril 2024. Une surprise pour l’auteur qui avait élu domicile à Tahiti en 2019 et qui s’est mis en tête de démocratiser la pratique du slam en Polynésie.
 
Il est l’instigateur de la scène “Slam Dors Pas” à Tahiti, un moment chaleureux où les gens viennent partager un texte de leur création sur une scène ouverte en échange d’un verre offert, la tradition du slam depuis sa création. Le premier événement s’était tenu à Papara en 2023 dans les jardins de O’Taharu’u Food truck dans un cadre qu’il voulait “simple”, pour débuter l’introduction au slam de la population tahitienne. L’auteur kanak de 42 ans est arrivé sur l’île en 2019 alors que sa carrière battait son plein en France métropolitaine, suite à la sortie de ses premiers recueils Le Pleurnicheur, puis J’aime les mots. Mais ces scènes à répétition lui donnent l’envie d’une pause, l’occasion de faire le point.
 
Depuis 2019 donc, il profite du Fenua pour partager sa passion du slam, mais aussi sa passion de l’écriture avec la population, une relation si particulière, dit-il. “Si je ne l’avais pas rencontrée, je ne serais peut-être pas là, ou je serais en train de manger des cailloux, les cailloux que j’ai dans ma tête.” Mais surprise, voire consécration pour l’auteur qui avait décidé de prendre du recul sur sa carrière : il y a quelques jours, il reçoit une invitation pour la finale du premier concours slam international organisé par l’Académie des Jeux floraux. Lors de cette finale proposée par l’illustre académie dédiée à l’art et à la poésie qui fête cette année ses 700 ans, il affrontera cinq poètes et slameurs actuels à la plume aiguisée. Même si comme il le dit, sa volonté n’est pas de gagner, mais plutôt de passer un bon moment en profitant de cette expérience. “Ça va faire du bien de retrouver un peu la scène, de présenter mes nouveaux textes.”
 
L’écriture, sa fidèle amie
 
C’est toute la plume de Paul Wamo. L’écriture qu’il chérit tant, ce n’est pas celle qui fera siffler les notables de l’Académie, en laissant le lecteur lambda dans l’incompréhension du sens de ses phrases, histoire de dire “Eh, regardez ma technique et mon vocabulaire”. Non, Paul préfère une écriture simple, qui n’exclut personne et, surtout, qui permet de ressentir les émotions. Il l’a rencontrée très jeune, cette écriture : “J’ai commencé au lycée, avec tous ces cailloux que j’avais dans la tête. Ce sont des profs de français qui m’ont fait découvrir la littérature, et tout ce qui était possible de faire avec.”
 
Car à l’oral, tout est diffus. En 2015, France Info présentait une étude réalisée par l’université d’Arizona sur 396 étudiants, qui démontrait que l’humain prononce en moyenne un peu plus de 15 000 mots par jour. Autant de paroles en l’air, de contradictions ou d’interactions dénuées de sens. En tout cas, un joyeux désordre. L’écriture permet-elle d’être plus précise ? Pour Paul Wamo, la plume devient un scalpel lors de ces introspections : “L’écriture pour moi, dans mon coin, c’est un exutoire. Tu peux être quelqu’un avec tout le monde, et être vraiment toi devant ta feuille.” Seul face à son bout de papier, le poète peut “sortir les cailloux les plus profonds de soi, encore aujourd’hui”. “Quand j’ai des cailloux dans la tête ou que ça ne va pas, je prends un papier et je griffonne et ça sort, tout sort.” Ce qui lui permet aussi d’écrire sur des sujets qui lui tiennent à cœur, comme la mémoire. “Les souvenirs, qui nous sommes, où l’on va. La mémoire de mon pays, la mienne, celle de mon clan ou celle du monde.” En témoigne son premier écrit, qu’il affectionne particulièrement, nommé “Amnésie culturelle”.
 
Bref, pour Paul Wamo, l’écriture est un outil redoutable. Un outil qu’il transmet aujourd’hui à Tahiti, lors d'ateliers d’écriture destinés aux personnes qui en ont le plus besoin, “comme des gamins à problèmes ou des détenus”. Cela fait quatre ans qu’il dispense ces ateliers pour les armer face à cette envie de s’exprimer, même si la plupart ont l’impression que l’écriture ne leur est pas destinée, qu’elle n’est pas faite pour eux. À tort. Il se souvient d’ailleurs d’un prisonnier qui lui avait dit : “J’avais envie de parler, de m’exprimer, mais je ne savais pas quoi dire. Alors je frappais ma femme, je frappais mon gosse.” Depuis, ce même prisonnier n’arrête pas d’écrire, de mettre sur le papier ce qu’il ressent. Paul Wamo le dit, “l’écriture est un outil qui permet de chercher les mots qu’on n’a pas, et de les faire sortir, nos maux”.
 
Le slam, le meilleur moyen mettre l’écriture en application
 
C’est d’ailleurs pour ça qu’il aime tant le slam, cette scène ouverte où l'on peut étaler sa prose personnelle devant un public chaleureux en la mettant à l’oral. Quand on lui demande ce que c’est, cette pratique ? Il répond presque instinctivement : “Déjà, c’est beau”. Il réfléchit quelques instants avant de livrer la définition, en tout cas la sienne : “Ce sont des gens qui viennent avec leurs mots, des beaux quartiers ou de la rue, des jeunes ou des vieux qui viennent partager et écouter. C’est de la poésie qui se propage. Une poésie authentique, qui ne se prend pas au sérieux”, tout en étant aussi puissante que les textes les plus reconnus de l’Académie. Il se souvient d’ailleurs de sa première scène, encore tout jeune et timide. “Le jour où je suis monté pour la première fois sur une scène, j’ai fermé les yeux et j’ai dégueulé tout ce que j’avais. Les gens ont applaudi mais ont dû se dire ‘Il est bizarre, le Kanak !’ Moi, ça m’a fait un bien fou.” À Tahiti, son objectif reste aujourd’hui de créer un noyau dur du slam tahitien, pour le laisser se développer quand il partira de l’île, et faire essayer le slam à qui le voudra bien.

 

Slam Dors Pas – Acte 2

Brasserie Hoa, Papeete - Jeudi 18 avril à 19 heures
Paul Wamo organise sa deuxième scène slam participative ce jeudi 18 avril à la brasserie Hoa, à partir de 19 heures. Il ouvrira le bal avec une introduction du slam, son historique, sa signification et quelques textes de sa création. Avant d’inviter les participants désireux de s’essayer au slam à monter sur scène pour lire leurs textes. Il insiste sur le fait “qu’il ne faut pas avoir peur de venir, ce n’est pas un spectacle, il n’y a pas de pression”. Sauf celle offerte si vous décidez de monter sur scène. Car comme le veut la tradition slam, un verre est offert pour tout participant qui décide de lire un texte. L’entrée est gratuite.

Rédigé par Tom Larcher le Jeudi 18 Avril 2024 à 17:32 | Lu 815 fois