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Parquet général: Un spécialiste de la corruption pour succéder à Jean-François Pascal


"On a constaté une augmentation de plus de 40 % du nombre de mineurs mis en cause dans des infractions." a relevé le procureur général
"On a constaté une augmentation de plus de 40 % du nombre de mineurs mis en cause dans des infractions." a relevé le procureur général
PAPEETE, le 2 juillet 2015- Le procureur général près la cour d’appel de Papeete Jean-François Pascal a quitté ses fonctions début juillet pour partir en retraite après 42 ans de parquet. Il avait pris la suite de Serge Samuel il y a deux ans exactement. Son successeur pressenti se nomme François Badie, actuel chef du Service central de prévention de la corruption.

Au terme de deux années de mission, quel est votre avis sur l’Etat de la justice en Polynésie ?

C’est une justice qui fonctionne, compte tenu des moyens dont elle dispose, et chacun est bien conscient qu’elle est sous-dotée (en moyens Ndlr). On peut considérer qu'avec cette sous-dotation, nous avons des personnes qui œuvrent au maximum. Je suis étonné de constater à quel point la charge de travail par magistrat est importante.

C’est vrai pour la cour d’appel mais surtout pour la première instance, tout fonctionne beaucoup grâce au dévouement de l’ensemble de ces personnels, ce n’est pas seulement les magistrats. Ça a été une satisfaction de voir ces personnels qui se démènent.

J'ai également des sensations d'inachevé. Il n’y a pas de conseils départementaux d’accès au droit, donc les avocats y répondent par des consultations gratuites. On pourrait faire comme en métropole bien d’autre chose, donner des accès aux renseignements juridiques. Il y a ce que font les avocats gratuitement, une fois par mois, voire deux fois par mois, de se mettre à disposition des gens pour répondre à leurs questions. C’est un dispositif tout à fait intéressant. Mais il existe des moyens beaucoup plus performants en métropole qu’il serait intéressant d’instaurer ici. Ensuite il y a les dispositifs de sécurité locaux sur lesquels il faut encore progresser car il y a des besoins.

Justement, quels sont les dispositifs de sécurité locaux que vous proposez ?

Ce qui est inquiétant dans ce Pays où il y a beaucoup de jeunes, c’est de voir tous ces jeunes "décrocheurs". L’année dernière, sur la zone couverte par la police, on a constaté une augmentation de plus de 40% du nombre de mineurs mis en cause dans des infractions. Parmi ces jeunes, 50 % de nouveaux, que l’on n’avait jamais vu auparavant. Des jeunes qui ne vont plus à l’école. Nous avons eu une réunion avec Nicole Sanquer, la ministre de l'Education et le vice-recteur, pour qui c’est un axe majeur. Comment peut-on répondre à cette nouvelle problématique des jeunes qui décrochent de plus en plus tôt et qui sont en déshérence ? Comment peut-on répondre à cette évolution qui est très mal orientée ?

Monsieur François Badie va vous succéder, ou dans tous les cas il est pressenti. Il est spécialiste de la corruption, ça pourrait aider à continuer le travail que vous avez entrepris …

Il y a un grand mouvement en ce moment au ministère, il y a plusieurs procureurs généraux dont je fais partie qui partent à a retraite ou en mutation…Donc tout cela provoque de nombreux mouvements. La procédure se déroule ainsi : la ministre propose et rend publique en interne une liste de candidats et de personnes qu’elle a choisi, et ce pour chaque poste de procureur général ou procureur de la République.

Ensuite, cette liste est soumise au conseil supérieur de la magistrature qui va convoquer l’ensemble des personnes pressenties ainsi que d’autres personnes et à l’issue de ce processus d’audition le conseil supérieur donne un avis, "oui" ou "non", et cet avis est irrévocable.

Actuellement nous en sommes au début de cette phase de transparence. La ministre a fait connaître ses choix et pour Papeete, le candidat pressenti, qui a de fortes chances d’être retenu c’est François Badie. Il s’est occupé d’affaires de terrorisme en Espagne puis il a travaillé à Nouméa, ensuite à la cour de cassation et depuis 4 ans il dirige le Service central de prévention de la corruption.

J’avais annoncé dans mon discours de rentrée solennelle que l’une des priorités affichées au niveau national - annoncée par la garde des sceaux - c’était la lutte contre la corruption et que cette priorité de politique pénale trouverait sa déclinaison en Polynésie par le maintien du procureur qui est tout à fait en phase avec cette politique nationale. Ainsi, la nomination de mon successeur représente un message très clair.

Il faut savoir qu'ici, nous avons un environnement institutionnel complètement différent avec des tavana (maires) qui n’ont pas du tout les mêmes pouvoirs qu'en métropole, un Haut-commissaire qui a un rôle différent et un territoire avec un environnement législatif qui est beaucoup moins sûr qu'en métropole. Cela alourdit véritablement la charge et pose de vrais problèmes.

Avez-vous des regrets avant votre départ ?

Un de mes grands regrets, au terme de ma mission, c’est de n’avoir pas pu davantage sensibiliser à la fois le parquet et les élus locaux sur cette démarche volontariste qui est le développement de conseils locaux de sécurité, de lutte contre la délinquance et de prévention. Grâce à ces conseils, on essaie d’apporter une réponse globale au traitement de la délinquance locale, commune par commune. La démarche a été initiée et on n’en est qu’au tout début. J’espère que mon successeur continuera ces travaux.

Si on veut vraiment traiter la délinquance, on ne peut pas apporter des réponses fragmentées. Dans la mesure du possible il faut essayer d’agir en amont, lorsqu’on a affaire à de la délinquance de comportement comme de la délinquance routière, la réponse judiciaire n’est pas suffisante. Donc il faut essayer de modifier le comportement des gens : c’est de l’éducation, de la formation et de l’information, ce n'est pas seulement de la justice, c’est aussi les autres pouvoirs publics, l’école…



Biographie de François BADIE

Parquet général: Un spécialiste de la corruption pour succéder à Jean-François Pascal
François BADIE, magistrat, est chef du Service central de prévention de la corruption (SCPC) depuis juillet 2010. Il a été choisi en décembre 2011 par la Commission Européenne pour être l’un des 17 experts chargés de l’assister pour l’élaboration du « Rapport anticorruption de l’UE ». En 2013, il a été élu membre du Comité Exécutif de l’Association internationale des autorités anticorruption (IAACA).

Badie, François, Etienne, Jean, Victor, Magistrat. Né le 26 septembre 1951 à Caudéran devenu Bordeaux (Gironde). Fils d'Etienne Badie, Inspecteur principal de l'enseignement technique (voir W.W. In France, 14e éd.), et de Mme, née Suzanne Pastor. Mar. le 28 juillet 1977 à Mlle Sophie Vilatte, Magistrat (2 enf. : Sébastien, Caroline).
Etudes et diplômes : lycée Pierre de Fermat à Toulouse; Diplôme de l'Institut d'études politiques (IEP) de Toulouse, doctorat en droit (université de la Méditerranée Aix-Marseille II).
Carrière : Elève à l'Ecole nationale de la magistrature (ENM) (1975-77), Juge d'instruction au tribunal de grande instance (TGI) de Lille (1977-78) puis de Grasse (1979-83), Premier juge d'instruction au TGI de Marseille (1984-89), Substitut du procureur général près la cour d'appel d'Aix-en-Provence (1990-97), mis à disposition du ministère des Affaires étrangères, Magistrat de liaison auprès des autorités judiciaires d'Espagne (1997-2004), Procureur général près la cour d'appel de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) (2004-07), Avocat général à la Cour de cassation (2008-10), détaché en qualité de Chef du Service central de prévention de la corruption (SCPC) au ministère de la Justice (depuis 2010), Membre du comité exécutif de l'Association internationale des autorités anticorruption (depuis 2013). Œuvres : nombreux articles sur la justice en France, la coopération judiciaire en matière pénale, l'espace judiciaire européen, le ministère public et la lutte contre la corruption dans des revues françaises et étrangères. Décor. : Chevalier de la Légion d'honneur, Officier de l'ordre national du Mérite, Commandeur de l'ordre de Saint Raymond de Peñafort (Espagne).
S'intéresse à la littérature, à la bibliophilie et à la peinture. Sports : marche en montagne, ski, golf.

Rédigé par Propose recueillis par Nathalie Montelle le Jeudi 2 Juillet 2015 à 18:52 | Lu 3068 fois