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Nouvelle polémique autour du Heiva i Tahiti


Nouvelle polémique autour du Heiva i Tahiti
PAPEETE, le 02/07/2015 - "Les gens sont devenus égoïstes !" selon Coco Hotahota. Le chef de la troupe de Temaeva crie son désarroi face à l'évolution que prend le Heiva de nos jours. Pour lui, la coutume perd tout son sens. Concernant les problèmes de voisinage, Coco Hotahota estime que les mentalités ont beaucoup changé.

Le Heiva i Tahiti a ouvert ses portes ce jeudi soir place To'ata. Cette année, de nombreux groupes de chants et danses sont en lice. Et pour cette nouvelle édition, le Pays a apporté une enveloppe supplémentaire dans la subvention pour l'organisation de ce Heiva, qui passe de 44 millions à 54 millions de francs.

Si ce concours symbolise la culture polynésienne, pour certains chefs de groupes, le Heiva i Tahiti a perdu son âme, "il est temps que le comité organisateur réfléchisse un peu sur le sens du mot "Heiva" qui veut dire la joie, l'amour et non la guerre, les deuils. Donc ils doivent guider les groupes pour qu'ils proposent un spectacle basé sur ces idées de convivialité et non plus avec des spectacles qui viennent contredire le sens du mot "Heiva", parce que ça ne rime à rien de laisser faire ces choses-là !" regrette Coco Hotahota, chef de de la troupe de Temaeva.

Conscient de l'évolution du Heiva, le ministre de la culture Heremoana Maamaatuaiahutapu estime néanmoins que "chaque année, le Heiva s'enrichit, les chorégraphies ont beaucoup évolué par rapport à ce que nous dansions. Ce n'est pas un regret, ça fait partie de l'ordre des choses. Il ne faut pas être nostalgique du passé (…). On vit dans un monde qui évolue perpétuellement. Il ne faut pas avoir peur de se projeter dans le futur. Jean-Marie Tjibaou disait : "Ceux qui pensent que la tradition est derrière nous, ont tort. La tradition, c'est aujourd'hui mais c'est surtout demain !"

"La télévision a bouleversé notre Pays"

Autre problème que rencontre la plupart des groupes durant leurs répétitions : les plaintes pour nuisances sonores. "C'est la télévision qui a bouleversé le monde jusqu'à notre Pays. Les gens sont devenus égoïstes, ils passent leur temps devant la télé. Avant, tous les villages venaient voir les groupes de danses soit pour regarder ou même participer parce que ça faisait partie de notre culture et tout le monde s'impliquait dans cet évènement. Mais aujourd'hui chacun reste chez soi, c'est un problème que nous n'arriverons jamais à résoudre même si on met en place des salles climatisées ou insonorisées", déclare Coco Hotahota. Ces groupes de danse en appellent à la bonne volonté du Pays afin de trouver une solution à ce problème.

Délocaliser le Heiva i Tahiti

À l'époque, le Heiva i Tahiti était célébré à la place Vaiete où il se faisait appeler "Tiurai". Une époque que regrette beaucoup le chef de la troupe de Temaeva. Mais aujourd'hui Coco Hotahota veut aller plus loin en délocalisant le Heiva i Tahiti dans les districts. "Nous avons dépassé une certaine limite à notre fierté dû à notre Pays et nous sommes allés très loin. Pour moi, c'est l'horreur ! Il faut que les districts recherchent leur identité comme pour Papara, ils ne viennent plus avec les more jaunes alors que chaque district à sa couleur et sa façon de danser. Maintenant, ils copient tout et n'importe quoi ! C'est une erreur fondamentale."

Une idée qui n'est pas du goût du ministre. Pour Heremoana Maamaatuaiahutapu, il n'y a aucun intérêt à délocaliser ce concours. "Nous arrivons à baisser les coûts d'organisation en utilisant To'ata. Les installations sont déjà en place. Si on le fait dans les districts, ça voudra dire qu'il faudra le faire sans tribune pour ne pas avoir de charges trop élevées. Et là, ce seront les spectateurs qui vont se plaindre."

Le règlement encore peu connu des participants

Le Heiva i Tahiti est le plus grand concours culturel de l'année. Qui dit concours, dit aussi règlement. Et à ce niveau, les groupes ont encore du mal à l'accepter. "On est confronté aujourd'hui à un gros problème de sécurité. On nous impose des règles, un exemple pour le nombre de danseurs et de danseuses, nous sommes limités par les espaces des loges. Ça devient très compliqué et on est obligé d'intégrer ces données aujourd'hui, alors que l'ancien établissement ne s'est jamais mis aux normes. C'est bien sûr parfois, au détriment de ce que l'on souhaiterait faire mais on est obligé de respecter sinon nous n'aurons pas les autorisations pour ouvrir le Heiva", estime le ministre.

Concernant cette fois-ci les membres du jury, souvent critiqués dans leurs décisions, pour Coco Hotahota, on ne peut pas se permettre de mettre n'importe qui, "tu ne peux pas aller juger c'est quoi un "ote'a", un "aparima"…, si toi-même, tu ne le sais pas. Un jour j'avais demandé au président du Heiva, c'est quoi un "himene tarava" ? Elle m'a répondu : je ne sais pas. Je lui ai dit pourquoi alors tu juges cette chanson ? Quand tu demandes à un batteur c'est quoi un "to'ere", il va te regarder et te dire et bien c'est un "to'ere", il sait comment faire un to'ere mais il ne sait pas pourquoi on l'a appelé ainsi."

Au Heiva i Tahiti, les membres du jury sont désignés par les groupes de chants et danses. Et pour le ministre, le jury parfait n'existe pas : "une personne ne sera jamais assez compétente pour juger à elle toute seule, c'est l'ensemble qui fait qu'on aura un jury équilibré ou pas. Il n'y aura jamais de système qui sera satisfaisant de toute façon. Les appréciations sont souvent très différentes, on le voit sur les notes des membres du jury tous les ans."

Cette année, le jury est composé de neuf membres, quatre en danse, trois en chant, un à l'écriture et un en orchestre. Il est présidé par Myrna Tuporo.

le Jeudi 2 Juillet 2015 à 18:18 | Lu 9050 fois