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"Notre ambition est d’offrir aux consommateurs des produits plus sains"


"Aujourd’hui le consommateur demande des produits plus sains et en a assez d’être sans arrêt dans la crainte des substances pesticides qu’il ingère", insiste Nancy Wane, la gérante de la société Verdeen.
"Aujourd’hui le consommateur demande des produits plus sains et en a assez d’être sans arrêt dans la crainte des substances pesticides qu’il ingère", insiste Nancy Wane, la gérante de la société Verdeen.
PAPEETE, 2 octobre 2017 - Les magasins de grande distribution du groupe Carrefour ont envoyé un courrier de préavis, la semaine dernière, à leurs fournisseurs de salades et de tomates pour signifier la cessation de leurs relations commerciales traditionnelles, dans un délai de 4 à 10 mois. Le ministre en charge des Ressources primaires, Tearii Alpha s'est ému publiquement, vendredi soir, de cette annonce faite à la veille de l'ouverture de la Foire agricole. En toile de fond, tout cela annonce l’arrivée du groupe Wane dans le secteur de la production maraîchère, avec son projet Verdeen, une ferme aquaponique implantée à Taravao.
Nancy Wane, la fille de l'actionnaire majoritaire du groupe commercial, a accepté de nous rencontrer pour apporter des précisions au sujet de la mutation engagée par le groupe Carrefour Tahiti dans l'offre en produits frais de ses grandes surfaces.


"La surprise a été grande pour le gouvernement", expliquait Tearii Alpha sur le plateau de Polynésie 1ère, vendredi soir, en précisant que cette décision avait été "découverte" à la veille de l’ouverture de la Foire agricole. Que répondez-vous à cela ?

Nancy Wane : Nous sommes une entreprise privée et nous ne sommes pas tenus d’informer le gouvernement de ce genre de décisions stratégiques commerciales. C’est vrai que les équipes de Carrefour Tahiti ont certainement fait preuve de maladresse, en envoyant ce courrier à la veille de l’ouverture de la foire agricole. Mais cela a été fait sans arrière-pensée, ni volonté de nuire à qui que ce soit. Et le dialogue reste ouvert avec les agriculteurs concernés. Il n’a jamais été fermé. Mais aujourd’hui il semble qu’il soit plus facile pour certains de s’énerver que d’entrer dans un échange efficace et productif sur le long terme.

Quel a été votre sentiment en entendant le ministre des Ressources primaires faire ce type de déclarations publique à une heure de grande écoute ?

Nancy Wane : Je pense que l’on n’a pas de jugement à apporter à la réaction du ministre. Nous pensons avoir fait les choses comme il faut, dans le cadre d’une collaboration qui, pour certains agriculteurs, est en place depuis 30 ans. Le droit commercial régit la relation que nous devons avoir avec ces fournisseurs. Dans le cadre d’une longue relation commerciale, un préavis nous est imposé en cas de rupture. Les cadres qui ont adressé ce courrier ont appliqué la réglementation. Dans la perspective de l’arrivée sur le marché des produits du projet Verdeen, ils ont simplement pris les dispositions qui s’imposaient à eux pour éviter une situation de surplus de marchandises dans les magasins. (…) Il faut garder en tête que les collaborateurs de Carrefour Tahiti qui sont à l’origine de ce courrier ont souhaité appliquer la réglementation. Ce que ne précise par la réglementation, c’est comment gérer l’émotion qu’il y a derrière. Je peux comprendre que les agriculteurs s’inquiètent. Mais avec une communication directe et franche, on peut toujours trouver des solutions. Aujourd’hui, Carrefour n’a pas fermé la porte à la discussion. On doit encore échanger avec les agriculteurs et voir comment on peut évoluer ensemble.

Le préavis de fin de collaboration qui leur a été adressé, de quel ordre est-il ?

Nancy Wane : Il est variable. En fonction des produits qu’ils livrent, il va de 4 à 10 mois. Il est également fonction de l’ancienneté de la collaboration.

Quelle décision stratégique vous conduit aujourd’hui à ne plus recourir aux maraîchers locaux pour l’approvisionnement des magasins de votre groupe ?

Nancy Wane : Il n’est pas question pour Carrefour de ne plus recourir aux maraîchers locaux. Les magasins Carrefour offrent une multitude de produits pour répondre à des besoins divers et variés de la clientèle polynésienne. Ils auront donc toujours besoins des maraîchers locaux seuls capables de produire un certain nombre de produits. La demande de produits sains est une attente des consommateurs polynésiens depuis de nombreuses années qui aujourd’hui n'est pas satisfaite. Quelques agriculteurs se sont lancés dans une agriculture biologique mais les quantités produites sont trop faibles pour répondre à la demande des consommateurs. Cette décision stratégique est liée à cette attente consommateurs. Louis Wane a jugé utile d’investir localement dans des infrastructures capables de produire une partie des produits attendus. (…) En 2015, nous avons embauché des ingénieurs pour nous accompagner dans ce processus..

Vous parlez du projet Verdeen ?

Nancy Wane : Oui, c’est un projet agricole hydroponique qui mêle une exploitation aquacole et agricole hors sol dans un environnement contrôlé, c’est à dire dans des serres fermées, avec des systèmes de filtration de l’eau, l’usage d’huile essentielle d’orange pour lutter contre les pestes, l’utilisation des plantes comme répulsif naturel et des procédures de fonctionnement rigoureusement mises en application afin de maîtriser tout risque de contamination. Ce type de culture permet également de réduire considérablement la consommation d’eau. La ferme est implantée à Taravao. On est sur 3 hectares de serres, dont 700 mètres carrés de surface pour l’élevage de poissons. (…) Louis Wane a décidé d’investir dans ce projet (…). Notre ambition est d’offrir aux consommateurs des produits plus sains, de meilleure qualité et à prix plus abordables dans nos rayons. En tant que consommateurs, nous subissons la situation actuelle depuis des années. Les agriculteurs ont depuis longtemps le sentiment de ce besoin d’évolution. Mais les choses se sont tassées. A un moment donné, on doit tous prendre nos responsabilités. Il ne faut pas oublier que le commerçant est légalement responsable de la qualité des produits qu’il vend dans son magasin. Aujourd’hui, on n’a aucun moyen de contrôler la qualité de ce que nous vendons, au niveau de la qualité sanitaire.

Pensez-vous pouvoir faire face à la demande de votre clientèle avec la seule production de vos serres de Taravao, ou votre approvisionnement sera-t-il complété par de l’importation ?

Nancy Wane : Il faut bien comprendre que la production locale est déjà complétée par une production importée, pour faire face aux besoins. La production locale règle les volumes d’importation. Tous les mois, une conférence réunis les agriculteurs et les importateurs et permet de déterminer les quotas d’importation. Souvent on entend les consommateurs rouspéter en disant que les tomates ne sont pas belles, que les carottes sont trop grosses, que la salade est chère… Qui est mis en cause derrière ? Le commerçant. Les prix flambent et c’est encore Carrefour qui passe pour un voleur. Il faut bien comprendre que c’est tout cet environnement qui nous a conduit à mettre en place ce projet Verdeen. Nous sommes aujourd’hui dans une démarche de qualité.

Demain Carrefour se fournira auprès de Verdeen. Mais dans quelle mesure pensez-vous pouvoir satisfaire quantitativement la demande ?

Nancy Wane : On ne pourra pas répondre à tous les besoins de Carrefour, avec une exploitation de 3 hectares. Il faut aussi savoir que Verdeen se focalise aujourd’hui sur la production de salades et de tomates ; et éventuellement de concombre à terme. Notre objectif est de produire de la salade verte et de la tomate rouge à un prix abordable pour les consommateurs. Et surtout avec une qualité organoleptique qui soit bonne.

Comment allez-vous compléter vos besoins ?

Nancy Wane : Comme on l’a toujours fait : avec des agriculteurs locaux.

Pas grâce à l’importation ?

Nancy Wane : Non. Mais j’insiste : la démarche de Louis Wane consiste à introduire de l’innovation et de la technologie dans le domaine agricole. Je pense que plusieurs opportunités s’offrent à tout le monde, autant pour les agriculteurs que pour les commerçants. Aujourd’hui le consommateur demande des produits plus sains et en a assez d’être sans arrêt dans la crainte des substances pesticides qu’il ingère. Le monde agricole doit se poser et se demander comment il peut évoluer pour satisfaire cette demande. C’est là que le gouvernement aussi a un rôle à jouer pour accompagner cette démarche vers une agriculture plus saine.

Rédigé par Propos recueillis par Jean-Pierre Viatge le Lundi 2 Octobre 2017 à 15:00 | Lu 16591 fois