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Nena-Zemmour, même combat ?


Tahiti, le 20 février 2022 - Le mouvement Hau Ma'ohi Ti'ama de Tauhiti Nena a pris forme samedi à la mairie de Papeete avec son premier meeting. L'occasion d'annoncer l'accord de ralliement avec Éric Zemmour, même si la question du soutien sans faille du candidat d'extrême droite à l'indépendance de la Polynésie prônée par Tauhiti Nena pose question…
 
Près de 400 personnes étaient présentes samedi matin à la mairie de Papeete pour assister au premier meeting du mouvement politique Hau Ma'ohi Ti'ama présidé par Tauhiti Nena. Fidèle de l'élu de Papeete, Faana Taputu a été introduit en tant que vice-président du mouvement et les référents de chaque archipel ont pris tour à tour la parole pour assurer leur soutien total à un Tauhiti Nena qui représente selon eux "le changement". Petite surprise et grand revenant, l'ancien député-maire de Mahina, Émile Vernaudon, était présent et s'est exprimé devant l'assistance, affirmant qu'il comptait bien se représenter lors des prochaines municipales. "Ce ne sont pas les électeurs qui m'ont mis dehors. Je veux que le peuple me juge et qu'il ramène papa Émile à la mairie", a annoncé l'ancien "Shériff", préférant visiblement oublier le résultat des municipales de 2011… Comme annoncé par Tahiti Infos, les candidats aux législatives se sont également exprimés à la tribune. Tauhiti Nena "himself" sur la première circonscription et Pamela Otcenasek sur la deuxième avec Faana Taputu en suppléant. Pour la troisième, les noms n'ont pas été dévoilés pour l'heure. Le congrès fondateur du parti est prévu le 26 mars prochain.
 
Devant ses partisans, Tauhiti Nena a rappelé ses différents scores obtenus notamment lors des deux dernières municipales à Papeete : plus de 4 000 voix obtenus d'abord avec le soutien du Tavini puis avec celui du Amuitahira'a. "Comme tous les sportifs, (...) on ne gagne pas du jour au lendemain", a encouragé celui qui est aujourd'hui conseiller municipal de l'opposition à Papeete et président de la fédération océanienne de boxe. Dans son discours, Tauhiti Nena a confirmé qu'il n'avait pas varié de ligne idéologique : "Je suis souverainiste". "Je suis resté fidèle à mes convictions, à mes valeurs et à mes principes politiques". Et l'intéressé de souligner combien il a trouvé "enrichissant" de travailler avec Oscar Temaru ou Gaston Flosse. Petit tacle à son ancien mentor, Tauhiti Nena a "remercié" Gaston Flosse pour son éviction récente du Amuitahira'a. "On est tous satisfaits et encore plus motivés d'aller sur le terrain".
 
Zemmour l'amour
 
Mais à n'en pas douter, l'évènement politique de ce meeting était l'annonce de "l'accord de ralliement" entre Tauhiti Nena et le candidat d'extrême droite à la présidentielle, Éric Zemmour. Pour l'occasion, la représentante du candidat au fenua, Valérie Poirson, a délivré un message de remerciement d'Éric Zemmour aux Polynésiens qui le soutiennent et aux tāvana qui le parrainent. Sur ce dernier point, Valérie Poirson a affirmé que certains élus polynésiens étaient empêchés d'afficher leur soutien au candidat d'extrême droite : "Ils ne peuvent pas s'exposer et ne peuvent pas nous donner leur parrainage (...). Il y a des pressions et tout le monde ne peut pas faire malheureusement ce qu'il veut en Polynésie".
 
Valérie Poirson a ensuite évoqué les points de convergence abordés par Tauhiti Nena et Éric Zemmour, s'étonnant que ce ralliement ait pu "surprendre". "(Éric Zemmour) est un grand défenseur de l'identité française certes, mais de l'identité de chacun des territoires d'outre-mer", a évoqué la représentante du candidat, qui a également annoncé les promesses de campagne de "pass vaccinal supprimé en Polynésie française" ou de meilleure reconnaissance du fait nucléaire et de prise en charge "beaucoup plus rapide" des victimes. Première légère inflexion dans le discours sur la "reconnaissance du fait colonial" voulu par les deux parties dans l'accord de ralliement, mais pourtant immédiatement tempéré par Valérie Poirson : "Nous ne pouvons pas nous excuser de quelque chose que nous n'avons pas fait, mais on peut faire en sorte que demain soit meilleur".
 
État associé… c'est flou
 
Surtout, c'est l'étonnante convergence d'opinion sur l'indépendance de la Polynésie française qui a soulevé le plus de discussions et, il faut bien l'admettre, de doutes. Alors que l'accord de ralliement prévoit une évolution statutaire vers un État indépendant associé à la France, Valérie Poirson n'a parlé que "d'ouvrir les discussions sur les relations entre l'État et les Polynésiens vers une large décentralisation", précisant bien : "La Polynésie restera française". Une dissonance dans les programmes que n'a pas manqué de relever Émile Vernaudon : "Quand j'entend parler Zemmour c'est bien, il n'y va pas par quatre chemin et je suis pareil. S'il était là, je lui aurais demandé de donner plus d'explication sur la souveraineté. Car si c'est toujours l'État qui décide, c'est une perte de temps. Lorsqu'on regarde le programme, c'est bien. Et au final, tout va se décider là-bas. Le problème il est là".
 
Un point sur lequel Tauhiti Nena n'a pas vraiment voulu s'étendre, sauf à rassurer : "Beaucoup parlent de souveraineté et ce sont les seuls accords qu’on pourra dialoguer sur l'association. En ce qui me concerne, on s'est mis d'accord sur les cinq points et on va le soutenir".
 

Alfred Martin, référent des Tuamotu : "La présidentielle pour nous compter"

"Je pense que le Covid-19 aura pour effet salutaire de démontrer l'aveuglement de nos gouvernants à rester dans leur bulle de confort, alors que la population souffre (...). Pendant qu'ils sont en train de s'entre-déchirer à l'assemblée pour leur pass vaccinal, pour leur amende, il y a des choses plus importantes à faire. Ils devraient s'inquiéter de la cherté de la vie. Nous, la population des îles, c'est plutôt le coût de la vie qui n'arrête pas d'augmenter, c'est cette inflation. La seule façon d'arrêter, c'est d'arrêter avec cette politique clientéliste. Il faut prendre les rênes de ce Pays et gagner aux élections territoriales (...). Et on ne va pas se le cacher, la présidentielle est une façon aussi de nous compter."
 

Pamela Otcenasek, candidate aux législatives : "Notre liberté est menacée"

"La Polynésie est à la porte de la cessation de paiement (...). J'en ai assez de rester les bras croisés en étant spectatrice sans pouvoir agir. Nous sommes en pleine faillite orchestrée depuis longtemps par une succession de gouvernants qui manquent de courage, d'exemplarité et de conviction. La volonté de développer notre fenua sur un long terme n'a jamais été une priorité (...). Atteindre notre souveraineté alimentaire, économique et sociale en rendant la dignité à nos familles en arrêtant de les maintenir dans l'ignorance, l'assistanat, la précarité. Demander notre souveraineté en partenariat avec la France, que cela soit inscrit dans notre statut et gravé dans le marbre. La France pourrait nous accompagner pour atteindre ce but, c'est inscrit dans les résolutions de l'ONU. La reconnaissance du fait nucléaire avec l'indemnisation de toute la population à travers une dotation à vie et digne de ce nom, car les retombées sont toujours d'actualité. L'obligation vaccinale et le pass vaccinal qui sont purement imposés… Je me sens bafouée dans mes droits les plus fondamentaux. Notre liberté est menacée."
 

Tauhiti Nena, président de Hau Ma'ohi Ti'ama : "Papeete ce n'est pas la France"

Votre soutien à Eric Zemmour, c'est parce que vous vous retrouvez sur les idées ou c'est pour compter vos voix localement à la présidentielle ?

"Si on soutient Eric Zemmour, c'est d'abord par rapport aux accords que nous avons passé. J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs représentants de plusieurs candidats. Et à chaque fois, je revenais sur certains points : le fait nucléaire, le fait colonial, la souveraineté associée à la France, l'obligation vaccinale et l'investiture aux niveau des législatives. Sur tous ces points, on a eu des accords. Et c'est quelqu'un qui est assez spécial (...). On a des accords pour la Polynésie et je suis Polynésien avant tout. Sur mon passeport cela m'embête quand je vois né à Papeete et France. Papeete ce n'est pas la France."
 
La représentante de Reconquête déclare quand même ce matin que la Polynésie restera française ?    
 
"C'est vrai qu'il y a eu deux accords de signés. C'est vrai que dès qu'on a commencé à parler, qu'il nous soutenait par rapport à cette association avec la France, cela a certainement fait beaucoup de débats en France. Mais en ce qui nous concerne, c'est clair que c'est écrit pour l'investiture pour les prochaines législatives. Donc, le mouvement Hau Ma'ohi Ti'ama que je préside et le mouvement Reconquête vont travailler ensemble pour le législatives et j'aurai l'investiture. C'est clair pour ce qui me concerne, je suis pour la souveraineté associée à la France. J'ai appris que Gaston Flosse soutenait Valérie Pécresse, mais je ne sais pas ce qu'elle en pense de la souveraineté. Il faut lui demander. Beaucoup parlent de souveraineté et ce sont les seuls accords qu'on pourra dialoguer sur l'association. En ce qui me concerne, on s'est mis d'accord sur les cinq points et on va le soutenir."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Dimanche 20 Février 2022 à 15:49 | Lu 2100 fois