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Mobilisation contre la résidence Naia


Tahiti le 15 décembre 2025 – Un vent de contestation se lève dans les quartiers Vaininiore, Puea, Paraita, Estall, Taunoa, Fariipiti et même à Mama’o contre le projet de résidence Naia à Papeete. Un immeuble en R+6 avec 49 logements que de nombreux riverains dénoncent comme “une injustice sociale”, craignent que cet immeuble ne vienne déstabiliser leur vie communautaire. Le promoteur souhaite que tout se fasse dans “le respect et la bienveillance” et affirme ne pas souhaiter “nuire à qui que ce soit, au contraire.”
 
La phase d’enquête publique est ouverte jusqu’au 24 décembre, dans le cadre de la procédure de demande de permis de construire pour ce projet d’immeuble de 49 logements et 86 places de parkings, la résidence Naia, qui projette de s’élever sur six étages dans le quartier Tubuai à Vaininiore, Papeete. Et déjà, au stade de l’étude d’impact, le projet rencontre une ferme résistance de la part des riverains.

La présidente de l’association Puea, Miroise Manate-Mara, a découvert en novembre dernier l’affichage de “l’avis d’étude d’impact sur l’environnement” placardé sur un des poteaux d’éclairage de son quartier. “J’étais paniquée”, se souvient-elle. Mama Meria, habitante du quartier, et artisane bien connue au Fenua, trouve ce projet incongru : “Il y a plusieurs fare amuiraa dans ce quartier. On va être complètement noyé parmi les résidents de ces bâtiments.” Ce sont leurs anciens qui ont construit ces amuiraa. “j’ai mal au cœur (…). Mon mootua de dix ans m’a dit que si le bâtiment venait à se construire on ne pourra plus jouer ici”. Mama Meria est claire et nette : “On ne veut pas de ce bâtiment.”

Lundi, alors que les opposant au projet se réunissaient, le président d’honneur de l’association de quartier, Teono Parau, a rappelé que les places de stationnement et même la route sont le terrain de jeu des enfants du quartier. “Tout le monde le sait : quand on passe par ici en voiture il faut ralentir. Si ce bâtiment voit le jour, où est-ce que nos enfants iront jouer ? Sur le récif à Motu Uta ?” Il affirme que les adultes de ces quartiers ont également besoin d’un endroit pour se réunir, où même d’un centre artisanal : “Regardez où nous nous réunissons aujourd’hui : sur la route.”

“Des logements pour des gens riches”

Miroise Manate-Mara redoute que ce projet d’immeuble soit fait pour les “gens riches. Ils ne vont pas vouloir des petits Tetuanui”, craint-elle. Présent lors de la réunion de quartier, lundi, le président de l’église protestante Mā’ohi, François Pihaatae a tenu a apporté “le soutien pastoral” de l’église aux habitants. Il rappelle que ce n’est pas la première fois que “l’église proteste contre les projets qui mettent en difficulté la vie en communauté”.

Il assure également que l'église “entend être comme une sentinelle vigilante dans toutes les questions où le sort non seulement de ses fidèles mais également du peuple mā’ohi se trouve engagé (...) pour éviter que qu’il ne soit mis en difficulté dans ses us et coutumes ainsi que sur sa terre”.

Il regrette que le premier magistrat de la ville, Michel Buillard, “n’ait pas acquis cette terre pour nos jeunes, ceux pour qui on s’inquiète tous les jours”. Ce terrain était en effet en vente en 2020. Interpellé par les riverains pour que la municipalité en fasse l’acquisition, le maire avait décliné, affirmant que la ville n’avait pas les moyens. François Pihaatae espère aujourd’hui que les candidats aux municipales viendront discuter avec les habitants sans attendre l’approche des élections pour le faire.
 
Soulignant les difficultés pour acquérir une terre, aujourd’hui notamment en raison du “prix est exorbitant”, il espère que la messe célébrée, tous les dimanches, accompagnées de chants, ne seront pas considérés par les nouveaux voisins comme des “nuisances sonores », tout comme les rires des habitants du quartier.  

“Respect et bienveillance”

Contactée, Mélinda Wane, qui porte ce projet immobilier, précise qu’elle souhaite que “les choses se passent avec respect et bienveillance (…) : Je ne cherche pas à nuire à qui que ce soit, au contraire pour moi, le collectif est dans son droit”. La promotrice insiste sur le fait que si le respect est mutuel “les choses se passent très bien. Au fond, il y a un purera’a, un lieu culte, un lieu respecté, et qui le restera”.
 
La jeune entrepreneure assure aussi que ce projet de résidence est “un projet personnel et non pas rattaché à un groupe. C'est un projet dans lequel je me lance personnellement en tant que femme entrepreneuse. Un désir de faire quelque chose, de développer quelque chose pour le pays, indépendamment d'un groupe”.

Pour elle, ce projet est à regarder comme un élément de développement de la zone urbaine qui pourrait valoriser et redynamiser les quartiers. Et elle regrette que “des mots un peu extrêmes” soient utilisés pour décrire ces logements comme faisant partie d’une résidence de luxe. “C'est une résidence, tout simplement. Elle va accueillir des occupants parce qu'il y a une demande en matière de logements. Une étude de marché a été faite. C’est une démarche un peu plus globale et sociétale mais il ne s’agit pas de nuire à qui que ce soit, ou de bouleverser la vie de quartier”.

Mélinda Wane, considère que construire à côté des quartiers prioritaires n’est pas “incompatibles, après, c'est la perception que les gens ont tout de suite et il faut avoir une approche différente. Je pense que si la démarche se fait avec bienveillance et respect, cela ne peut que bien se passer”.
 
Interrogés des voisins avancent que “ce bâtiment ne va pas du tout arranger certains habitants du quartier : il y en a ici qui vendent du paka et tout le monde le sait même les mūto’i”. Un autre riverain assure que ces logements “peuvent nous apporter quelque chose de nouveau aussi dans notre quartier, que ça soit un peu plus agréable à vivre aussi car actuellement il y en a qui font du bruit pratiquement tout le temps, surtout avec leur musique à fond. C’est fatiguant aussi à la longue”. Une voisine affirme que “cela va redynamiser le quartier et puis peut-être qu’on va voir quelque chose de nouveau”.
 
Selon nos informations, la commune de Papeete avait même été approchée par les propriétaires-vendeurs mais cette dernière ne s’est pas positionnée sur l'achat du terrain. Contacté le tāvana Michel Buillard n’as pas répondu à nos appels.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 16 Décembre 2025 à 04:30 | Lu 1997 fois