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Mike Teissier, nouveau membre du jury du Heiva i Tahiti


Tahiti, le 10 avril 2024 – Mike Teissier va, en tant que spécialiste des chants polynésiens, endosser le rôle de membre du jury au Heiva i Tahiti pour la première fois. Une “lourde charge” qu’il entend porter de la manière la plus juste possible. Le compte à rebours a démarré, la préparation est en route.
 
Le jury du Heiva i Tahiti 2024 est constitué. Ils seront neuf dont trois dédiés aux hīmene tumu : Dayna Tavaearii, Timiri Hatito et enfin Mike Teissier. “C’est une lourde charge, une grande responsabilité”, reconnaît ce dernier. “Il y a de grands ténors qui montent, des groupes qui sont pour moi des exemples, dont je me suis inspiré ces dernières années.” Mike Teissier est le chef du groupe de chants traditionnels (ou ra’atira pupu hīmene) de Reo Papara. Pour assumer son rôle en toute impartialité, il suivra le règlement au plus près.
 
Le règlement du Heiva i Tahiti a été revu en 2023. “Je le relis religieusement, régulièrement.” Le jury 2024 aura pour tâche, suite à la refonte du règlement, de constituer la grille de notation du pāta’uta’u. En effet, la partie facultative a évolué en chants. Jusqu’alors, les groupes devaient proposer un ‘ūtē ‘ārearea. Désormais, selon l’année, ils auront à proposer un ‘ūtē ‘ārearea (comme en 2022), un hīmene ‘āi’a (comme en 2023) ou un pāta’uta’u (2024). “Heureusement, je suis entouré des bonnes personnes, des gens qui ont une grande expérience”, se réjouit Mike Teissier.
 
La constitution du jury du Heiva i Tahiti est soumise au vote de tous les ra’atira en lice. Les titres de président et vice-président sont ensuite attribués par les membres du jury. L’année dernière, c’est un spécialiste en chants qui était président, c’est donc tout naturellement un spécialiste en danses qui a été désigné cette année, il s’agit de Matani Kainuku. “Mamie Dayna était pressentie pour être vice-présidente, mais en pleine réunion, elle a refusé préférant que ce soit quelqu’un de plus jeune”, rapporte Mike Teissier qui a été élu. Il est le vice-président du jury du Heiva i Tahiti 2024.  
 
“Je m’attends à beaucoup de surprises, on en apprend tous les jours.” Pour Mike Teissier, être membre du jury est une opportunité. Une chance qui va lui permettre d’aller à la rencontre de tous les inscrits qui le désirent. Il va pouvoir enrichir sa propre pratique. Une étape de plus dans son parcours de chef de groupe.
 
“J’ai fini par devenir moi-même chanteur”
 
Mike Teissier, né en 1987, est originaire de Papara. Il y a grandi, fréquentant les établissements de la commune jusqu’à l’obtention de son baccalauréat. En parallèle, il faisait partie du groupe Tamarii Papara. “Tout jeune, j’ai accompagné des tantes et cousines aux répétitions, j’ai fini par devenir moi-même chanteur.”
 
Une fois devenu bachelier, il est allé au lycée hôtelier de Punaauia. “Je voulais être personnel navigant, j’ai cherché de l’expérience ailleurs car j’étais trop jeune pour tenter ma chance dans cette voie.” Mais un jour, la culture l’a rappelé. Il s’est inscrit à l’Université de la Polynésie française (UPF) en licence de langues et civilisations régionales. Il a enchaîné avec trois années d’études au Centre des métiers d’art (CMA). “J’avais la théorie, il me fallait la pratique. Ce que j’ai appris là-bas m’aide toujours au niveau artistique.” Mike Teissier a pris l’option sculpture, il reste amoureux de cet art. Il continue à façonner divers matériaux quand il en a le temps. Il a d’ailleurs remporté l’appel lancé par la Maison de la culture en 2019 pour réaliser le trophée du Grand Prix du Hura Tapairu Tahiti.
 
Ce trophée est particulièrement difficile à remporter. Il revient aux troupes qui gagnent à trois reprises le Grand Prix Hura Tapairu. Ces victoires ne sont pas forcément successives. Il a été remporté une première fois en 2012 par le groupe Hei Tahiti, vainqueur en 2007, 2008 et 2012. Puis une seconde fois en 2018 par la troupe Manohiva, vainqueur des éditions 2014, 2016 et 2018. Il attend son nouveau propriétaire.
 
Ouvert à tous, l’appel à sculpteur de 2019 était assorti d’un certain nombre de contraintes. Par exemple, l’œuvre, en pierre ou en bois, pouvait en plus comporter des éléments de nacre, bois, métal... Elle ne devait pas peser plus de 6 kg, mesurer plus de 30 centimètres, et elle devait être posée sur un socle stable, incarner l’esprit du concours, pouvoir durer dans le temps…
 
Mike Teissier décrit ainsi sa création : “Le tahiri (l’éventail) est un élément indissociable des tapairu (suite d’une reine). Les étoiles du firmament brillent lorsque Rā (le Soleil) disparaît, éclairant ainsi les dentelles délicates produites par la mousse des vagues. Les pahu finement gravés et ornés par nos tupuna retentissent à nouveau. Ils font vibrer nos âmes avec le son mélodieux et poétique de notre langue. Unissons-nous de ce lien puissant qu’est l’amour, soit couvert du filet protecteur de la culture, soit emporté par la danse des tapairu.”
 
En 2013, après l’UPF et le CMA, Mike Teissier est allé se former en Nouvelle-Zélande. Il s’est inscrit à Rotorua à la School of Creativity and Art. Il a appris la sculpture maori avant de basculer vers le design. “Je crois que c’est grâce à cela que j’ai repris le groupe Tamarii Papara en rentrant en 2015.”
 
Tamarii Papara devient Reo Papara

Au début des années 2010, Tamarii Papara était en stand-by. Mike Teissier chantait alors avant son départ pour Rotorua au sein de Vaiari Nui de Papeari ou Te Pare o Tahiti de Pueu. En rentrant de Nouvelle-Zélande, il a relancé Tamarii Papara qu’il a présenté au Heiva en 2015.
 
Mais ce groupe avait une longue histoire. Il était de ceux qui se présentaient chaque année au Heiva depuis l’origine du concours (à quelques exceptions près). Il avait une longue existence “et de ce fait, cela entraînait une certaine pression”. Aussi, en 2017, Tamarii Papara est devenu Reo Papara, un nom choisi par son ra’atira après concertation avec John Mairai.
 
En parallèle, Mike Teissier a poursuivi son parcours dans le monde de la culture en général et du chant en particulier. Il a été repéré par Myrna Tuporo, alias mama Iopa. Pilier du chant traditionnel, elle était enseignante au Conservatoire artistique de la Polynésie française (CAPF). Elle était membre du jury du Heiva en 2015 et a pu observer de près l’intérêt de Mike Teissier pour le chant, son investissement et ses compétences. “Elle cherchait quelqu’un pour lui succéder, je l’ai rejointe au conservatoire.” Pendant six ans, Mike Teissier a été assistant puis enseignant au CAPF.
 
Depuis 2022, le chef de groupe a obtenu un poste à la Direction de la culture et du patrimoine. Il a passé et obtenu le concours de catégorie A, il est chargé de la cellule langues polynésiennes. “C’est un vrai plaisir.” Il peut consulter des livres et archives à l’envi, il a un accès sans limite au fonds sonore et peux se rendre au musée de Tahiti pour contempler les sculptures exposées. L’établissement est à quelques mètres seulement de son bureau.
 
Mike Teissier continue bien sûr à faire vivre Reo Papara. Ce dernier compte un noyau dur d’une soixantaine de chanteuses et chanteurs. Le ra’atira propose à son groupe un projet par an. Cette année, il a emmené ses éléments en Nouvelle-Zélande pour participer au festival Pasifika les 9 et 10 mars dernier. “Quoi de mieux qu’un voyage comme celui-ci pour les remercier de leur temps, leur confiance, leur fidélité ?” C’est pour cette raison qu’il peut être membre du jury, son groupe ne se présente pas au Heiva i Tahiti. Mike Teissier promet par contre de revenir en 2025. “On ne va tout de même pas faire durer les vacances”, plaisante-t-il.

Rédigé par Delphine Barrais le Mercredi 10 Avril 2024 à 15:04 | Lu 2206 fois