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Michel Monvoisin : "Nous ne sommes pas une destination low cost"


PAPEETE, le 6 septembre 2016 - Le P-dg de Air Tahiti Nui et président du conseil d'administration de Tahiti Tourisme estime que baisser les prix des billets d'avion n'amènera pas plus de touristes en Polynésie. Il affirme que les efforts à faire ont été faits par la compagnie. Explications.

Pourquoi souhaitez-vous revenir sur l'interview que vous avez donnée à Polynésie 1ère samedi dernier et la polémique qui en a découlé?

J'ai dit que, en ce moment, baisser les billets d'avion ne fera pas venir plus de touristes car nous avons un problème de capacité hôtelière et de chambres. Je suis à l'écoute des marchés et je suis à l'écoute des professionnels. Aujourd'hui, si on va sur le site booking.com (NDLR : il sort son téléphone et va sur le site) et qu'on fait une recherche pour deux nuits dans un hôtel de Punaauia pour un week-end prochainement, on peut voir qu'il ne reste que très peu de chambres, même pour les pensions de famille. Je n'invente rien ! Tout est comme ça. Quand certains disent qu'il faut une autre compagnie aérienne, cela veut dire 300 sièges en plus. Il n'y aura pas assez de chambres disponibles pour les accueillir.

Selon vous, il n'y a pas lieu de baisser les prix?

Mais baisser les prix pourquoi? Pour créer de la frustration? En ce moment, tu vas baisser les prix et les gens vont se dire : "Super je viens à Tahiti!" Mais ils vont avoir quoi comme réponse? "Je suis désolé il n'y a plus de disponibilité aux dates que vous demandez." L'industrie aérienne c'est celle qui fait les plus petites marges. Les comptes d'ATN sont publics, les rapports d'activité ont été publiés. Tout le monde peut les consulter sur le site. Le ciel est libre mais les compagnies aériennes ne viennent pas. Si ATN faisait des marges honteuses avec des prix excessifs, il y aurait de la place pour les autres. Il faut arrêter de regarder en l'air et de dire des âneries. Il faut regarder les chiffres. Quand la demande est supérieure à l'offre, les prix augmentent. Sauf que nous, nous n'avons pas augmenté nos prix, et nous les avons déjà baissés.

Quelle baisse avez-vous effectué sur vos tarifs?

Nous avons baissé nos tarifs d'un milliard en année pleine. C'est en fait un milliard de recettes que nous avons fait grâce à trois baisses successives de surcharge carburant. Nous sommes une des plus rares compagnies aériennes à l'avoir fait. Normalement, le marché ne le demandait même pas puisque nous avons une demande qui est supérieure à l'offre.

Quand avez-vous effectué cette baisse ?

En 2015, nous avons vendu 50 000 billets à prix cassés, jusqu'à moins 30 % de réduction. Est-ce qu'il y a eu 50 000 touristes de plus? Non. Il y a des chanceux qui en ont bénéficié. Ils avaient prévu de venir à Tahiti de toute façon. Nous ne pouvons pas faire venir des touristes si le produit n'est pas conforme et s'il n'y a pas la capacité d'accueil correspondante. J'ai rencontré les tour-opérateurs américains et ils sont d'accord avec moi. Nous sommes tous en phase aujourd'hui pour dire que nous sommes saturés.


Mais pour ceux qui aimeraient venir en Polynésie et qui ne le peuvent pas à cause du prix des billets d'avion?

En ce moment on fait Auckland à 60 000 Fcfp. C'est moins cher que d'aller aux Marquises ; mais personne n'en parle. On parle toujours du tarif du vol Paris/Papeete en haute saison! Paris, nous le vendons à 160 000 Fcfp aussi, mais pas au mois de juillet ou au mois d'août. A cette période, nous n'avons pas assez de sièges d'avion. Nous sommes une entreprise commerciale quoiqu'il en soit. Nous avons de nouveaux avions à payer. Quand nous n'avons pas assez de sièges, les gars du management poussent les prix, et les prix passent parce que nous avons une demande sur juillet/août qui explose! Donc, à un moment donné, s'ils veulent partir, il y a des prix cassés toute l'année. Mais ça dépend de la saison, ça dépend de la période… Aujourd'hui, baisser les prix pour ne pas vendre plus, ce n'est pas possible…

Vous dites que cette baisse n'est pas demandée ?

Par les gens qui nous vendent! Et c'est là la grosse confusion! Quand je parle des tour-opérateurs et de mon incertitude à ce qu'ils répercutent les prix. Ils fabriquent des packages et ils les vendre aux agences de voyage. Comment est composé ce prix? Je n'en sais rien. A quel prix est vendu notre billet d'avion, je ne sais pas. Si je baisse le prix demain, qui me garantit que les tour-opérateurs vont répercuter?

Vous voulez plus de chambres, plus d'hôtels. Cela signifie que la Polynésie aura toujours le même type de touristes fortunés…

Mais nous n'allons pas nous en plaindre! C'est un créneau que nous pouvons avoir. C'est une destination qui leur plaît. Les gens parlent du low cost sans savoir! La Polynésie n'est pas un pays low cost! A faire venir des sacs à dos, qu'allons-nous leur proposer quand ils vont arriver ici? Le coût de la vie est ce qu'il est. On peut citer la république Dominicaine mais quel est le coût de la vie là-bas? Combien gagnent les gens ?

Vous voulez dire que la Polynésie française restera une destination inaccessible à une certaine partie de la population?

Après, c'est un choix de vie, ce n'est pas à moi de le dicter. Aujourd'hui, nous ne sommes pas une destination low cost. Après, les compagnies low cost, je veux bien, mais c'est quoi une compagnie low cost? C'est le même avion qu'ATN avec 50 sièges en plus et surtout, un siège social basé dans un pays qui n'est pas regardant sur les droits du travail. C'est ce qu'on veut? On ne veut plus de droit social? On veut de la précarité? Si on veut faire du low cost, la destination doit l'être. Nous ne pouvons pas nous disperser. Nous ne pouvons pas aller tous azimuts sur les marchés. Nous ne pouvons pas aller chercher toutes les niches.

Rédigé par Amelie David le Mardi 6 Septembre 2016 à 16:17 | Lu 15748 fois
           



Commentaires
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101.Posté par Jeff le 13/09/2016 19:55 | Alerter
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P101: Il n'y a rien ni personne qu'empêcheraient une compagnie low cost d'ouvrir demain une liaison régulière chez nous. Ni Norwegian, ni Easy Jet ni aucune de celles connues, même celles opérant pas loin dans la région, elles n'ont jamais montré un intérêt quelconque pour venir chez nous. Si elles faisaient la demande, ne t'en fait pas qu'elles seraient accueillies les bras ouverts ! Alors la question a se poser c'est pourquoi elles ne viennent pas ? Pourquoi toutes ces compagnies qui font du AKLLAX ou des SYDLAX, il y en a pourtant un paquet qui passe au dessus de notre espace aérien chaque semaine, aucune ne s'arrête chez nous. Pourquoi ? En deux mots : Demande et Rentabilité.

102.Posté par Jeff le 14/09/2016 16:55 | Alerter
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@Aubrac, On ne peut comparer deux opérations ayant des caractéristiques aussi différentes. On peut, oui, trouver des coûts siège/km similaires entre deux appareils de même type opérant x heures de vol, mais ensuite il faut additionner tout ce qui va autour pour faire voler ces avions, en particulier les coûts aux escales. A Nairobi le salaire moyen d’un professeur des écoles est de 120 euros, soit 14.280 Cfp/mois. Ensuite et pour répondre a P101, il faut aussi tenir compte du type de la clientèle qui voyage, (touristique, affaires, familiale), des capacités et potentiels de l'offre et de la demande et de la saisonnalité. Enfin des taux de rentabilité de l'opération.

103.Posté par Aubrac le 15/09/2016 08:40 | Alerter
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@Jeff. Effectivement, j'ai limité mes propos au cout du vol lui-même, mais il y a tous les couts d'escale, lesquels sont plutôt élevés à Tahiti Faaa'a. C'est sans doute une raison de la désaffection des aéronefs américains pour cette destination, car aucune compagnie US ne dessert Tahiti au départ de Los Angeles... C'est très étonnant.
Par contre, l'environnement économique que vous évoquez n'est sans doute pas aussi déterminant et des commentateurs ont déjà donné des exemples significatifs en la matière.
En tout cas, ce sujet a soulevé beaucoup de réactions, positives ou négatives, mais qui devraient être prises en compte par nos transporteurs locaux.

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