Tahiti Infos

Mercosur: Macron affiche la fermeté française, mais s'expose à un échec cinglant


Dimitar DILKOFF / AFP
Dimitar DILKOFF / AFP
Paris, France | AFP | lundi 15/12/2025 - Emmanuel Macron de retour en première ligne sur le sujet explosif du Mercosur: après avoir semblé envisager un feu vert à l'accord de libre-échange, il a durci à nouveau sa position mais reste exposé à la foudre politico-agricole en France en cas de camouflet européen.

Dimanche soir, Matignon puis l'Elysée ont demandé formellement de reporter à 2026 les décisions prévues cette semaine à Bruxelles sur le traité commercial entre l'Union européenne et le bloc latino-américain. 

"A ce stade, le compte n'y est pas pour protéger les agriculteurs français", a-t-on fait valoir dans l'entourage du chef de l'Etat. "Les exigences françaises n'ont pas été remplies."

L'exécutif plaide en coulisses le risque d'embrasement des campagnes au moment où la colère des agriculteurs ressurgit face aux abattages de bovins pour contrer la dermatose nodulaire contagieuse.

Malgré la demande française, la Commission européenne a confirmé lundi sa volonté de signer l'accord samedi au Brésil, ce qui implique d'avoir l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres.

Le président Macron pourrait jouer son va-tout à l'occasion d'un sommet européen jeudi et vendredi à Bruxelles, lors d'un bras de fer épique avec l'Allemagne, déterminée, elle, à voir le texte aboutir.

Un éventuel report est la dernière carte de la France.

Après avoir tenté, en vain, de bâtir une minorité de blocage d'Etats opposants à l'accord, Paris a tout misé sur des demandes complémentaires: "clause de sauvegarde" pour protéger les filières agricoles en cas de perturbation du marché, "mesures-miroirs" pour que les produits importés respectent les normes environnementales et sanitaires de l'UE et contrôles sanitaires renforcés.

La Commission a fait un pas avec une clause de sauvegarde et des propositions sur ces autres préoccupations.

- "Plutôt positif" -

Ce qui avait permis à Emmanuel Macron de commencer à infléchir sa position.

Début novembre, depuis le Brésil, il avait insisté sur les bienfaits de l'accord pour "notre filière viticole qui est heurtée par les tarifs américains" et pour "beaucoup de secteurs industriels" en quête de "diversification".

Il avait aussi salué le "paquet" de mesures "tout à fait acceptable" proposé par Bruxelles. Et avait expliqué que si la clause de sauvegarde était entérinée côté européen mais aussi latino-américain, l'accord deviendrait "peut-être acceptable". "Je suis plutôt positif mais je reste vigilant", avait-il lâché, après s'être entretenu avec les présidents brésilien et argentin.

Ses déclarations avaient toutefois mis le feu aux poudres en France, où les agriculteurs et la classe politique quasi-unanime ont dénoncé un revirement.

Le président était donc vite revenu sur la position des mois précédents: un "non très ferme de la France" à l'accord "en l'état".

Au sommet de l'Etat, on déplore un "jeu de poker menteur" où les filières favorables au Mercosur restent discrètes, car inaudibles.

"Pour l'instant, on ne bouge pas des trois conditions, on est obligés", soupire un conseiller de l'exécutif.

Les oppositions estiment que la fermeté affichée par la France ne suffit pas et ne manqueront pas de dénoncer sa perte d'influence en cas de revers.

"Se réveiller la semaine de la signature est au mieux une opération de communication, au pire se moquer du monde!", a ironisé sur X l'eurodéputée de La France insoumise Manon Aubry. "Cet accord de la honte, qui finira de ruiner nos agriculteurs, doit être fermement et définitivement refusé par la France", a abondé le président du Rassemblement national, Jordan Bardella.

Le patron des Républicains, Bruno Retailleau, a lui exhorté Emmanuel Macron à sortir de "l'ambiguïté".

"Même si l'accord a été amélioré, même si d'un point de vue de notre balance commerciale, il serait profitable", "dans le moment présent, il est impossible de le soutenir", admet une ministre.

S'il devait malgré tout être entériné par les Européens, "ce sera un échec" pour le chef de l'Etat, dit-elle. Et "ça va créer un malentendu absolu entre les Français et l'UE", à un moment où la défiance est déjà record, s'alarme-t-elle.

De quoi laisser présager un salon de l'agriculture bousculé pour le président en février, après les incidents de 2024.

D'autant qu'une autre négociation ardue se profile: celle du budget de l'UE et de la part réservée à la politique agricole commune (PAC) chère à la France.

Et là aussi, "c'est pas gagné", souffle-t-on au sommet de l'Etat. Or "la PAC, ce sera plus important que le Mercosur".

le Lundi 15 Décembre 2025 à 04:52 | Lu 202 fois