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Marama Tours, une affaire de famille


PAPEETE, le 06 septembre 2016 - L'entreprise Marama Tours est une entreprise familiale qui voit le jour en 1973. Depuis, la société est devenue le deuxième transporteur du fenua, avec la particularité de n'être dirigée que par les femmes de la famille Cowan.

Mata, Lya et Sherayah sont trois femmes de caractère. Elles travaillent toutes les trois chez Marama Tours, une entreprise locale de transport touristique et une agence de voyages. Elles ont une particularité : elles font partie de la même famille.

Mata Cowan, la grand-mère, la matriarche, a fondé l’entreprise en 1973. Elle gère le négoce depuis plus de trente ans d’une main sûre. Lya Cowan est l'une de ses filles. Elle rejoint l’entreprise en 2000 et a contribué à ce que l'affaire familiale continue d’exister. Sherayah Philipp, quant à elle, est la petite fille. Elle travaille chez Marama Tours depuis six ans et appartient à la troisième génération, celle qui sera amenée à reprendre l’entreprise pour perpétuer l’histoire et le travail familial. "C’est bien, il faut qu’ils travaillent avec nous, pour apprendre", insiste la grand-mère.

Chez les Cowan, le tourisme est une histoire de famille. Ses membres sont présents dans tous les secteurs, de Air Tahiti, au GIE (groupement d'intérêt économique) en passant par le ministère. Ils sont, évidemment, tous passés par Marama Tours, au moins le temps d’un été pour dépanner, mais aussi se faire de l’argent de poche. "Chez nous, on a tout fait, de l’accueil des touristes à la gestion des plannings de bus, en passant par l’émission de billets. Nous sommes des agents polyvalents. Il faut avoir la maîtrise de chaque poste", raconte Lya Cowan, la fille.

Marama Tours, le business familial, est une affaire de femmes. "Il y a des hommes de la famille dans l’entreprise, mais c’est vrai que les têtes dirigeantes sont toutes des femmes. Peut-être est-ce parce que c’est une femme qui a créé l’entreprise et donc naturellement elle nous la transmet à nous ? Elle nous a élevées à son image. Nous sommes toutes des femmes de caractère".

Quand on évoque les moments et personnages clefs de l’entreprise, Lya ne peut s’empêcher de parler avec beaucoup d’émotion de sa sœur, Tania. "C’était un pilier de l’entreprise, elle a tout fait. Elle gérait le planning. Elle avait du caractère et savait tenir le personnel masculin. Elle conduisait même les bus de 40 places. Elle a arrêté les études à 17 ans pour aider maman dans l’entreprise. C’est elle qui m’a tout appris. Grâce à elle, je suis rentrée dans le business familial. C’était la meilleure."

"Je n’ai pas fait d’études. Dans la famille, presque personne n’a le baccalauréat. Nous n’avons pas besoin d’un bagage pour réussir, mais il faut être soutenu. Aujourd’hui, nous avons beau être une entreprise familiale avec 23 salariés, nous sommes le deuxième transporteur après Tahiti Nui", raconte fièrement Mata, en couvant du regard sa fille et sa petite fille. Son rêve serait que la nouvelle génération reprenne l’entreprise en main. Elle fait tout pour cela. En 2010, elle demande à Sherayah de venir l’aider pour un remplacement, aujourd’hui sa petite fille est toujours dans l’entreprise. Elle procède de la même façon avec la fille de Lya : "Je ne voulais pas que ma fille vienne travailler chez nous. Je voulais garder une relation mère-fille et non pas devenir sa patronne. Maman a insisté. Depuis, elle est passée par quasiment tous les postes, c’est un agent polyvalent".

Depuis 2013, l’entreprise a décidé de renouveler la flotte, "ce n’est pas évident, cela demande beaucoup d’investissement, mais il était temps". L’entreprise rencontre aussi quelques difficultés, notamment dans le recrutement de chauffeurs, "Nous ne trouvons pas ce dont nous avons besoin. Il nous arrive d’avoir dans nos candidats des chauffeurs de chantier, mais un car ne se conduit pas comme une tractopelle. Dans nos recrutements, nous avons trois critères, la capacité de conduire les véhicules de transport en commun, le fait d’avoir une capacité professionnelle et enfin la maîtrise de l’anglais. En général il en manque toujours un ou deux."

Quand on évoque la question du futur de l’entreprise, tous les regards se posent sur la petite fille. "On aimerait que l’entreprise reste dans la famille. Que la nouvelle génération reprenne le flambeau, si elle le veut bien. Peut-être que la quatrième génération voudra aussi entrer dans l’affaire…" résume Lya. Sherayah écarquille les yeux, surprise, "Je ne me suis jamais posé la question. Je n’arrive pas à imaginer l’entreprise sans grand-mère, organisée comme elle est aujourd’hui. "

Hormis la succession, la question de l’avenir de Marama Tours se pose. Sherayah, avec la fougue de la jeunesse, lâche, "on va se battre pour gagner de nouvelles parts de marché, de nouveaux clients". De son côté, Lya est plus mesurée, "c’est un secteur agressif, nous avons réussi à rester une entreprise familiale, mais pour combien de temps ? Aujourd’hui, notre clientèle est le marché nord-américain. Le marché ne va pas s’agrandir".

La femme ne peut cacher son inquiétude face aux stratégies de développement touristique du gouvernement. "Je ne suis pas sûre que la Polynésie soit prête à accueillir le marché asiatique. Je pense qu’il faut demander à la population ce qu’elle veut". Elle conclut, “pour moi, l’avenir du tourisme et notre succès se trouvent plus dans la valorisation de nos trésors. Le tourisme exclusif, le tourisme vert, la préservation et la mise en valeur de notre environnement, à mon avis c’est ça notre avenir.” Tout cela sous le regard protecteur de Mata Cowan, qui écoute sans rien dire les avis de l’avenir.

Rédigé par Marie Caroline Carrère le Mardi 6 Septembre 2016 à 17:53 | Lu 10555 fois