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Mandat de dépôt pour un coup de pied fatal


Les faits se sont produits vers 4 heures dans la nuit du 1er au 2 mai derniers, avenue du Chef Vairaatoa à Papeete.
Les faits se sont produits vers 4 heures dans la nuit du 1er au 2 mai derniers, avenue du Chef Vairaatoa à Papeete.
PAPEETE, 28 mai 2015 – Le tribunal a prononcé le mandat de dépôt à l'encontre de Michel T. pour un acte violence volontaire ayant handicapé durablement sa victime.

Michel T., 32 ans, a été transféré à Nuutania où le tribunal l'a condamné à purger une peine de 3 ans dont 2 ferme à l'issue d'un procès en comparution immédiate, jeudi. Il a été reconnu coupable d'un acte de violence volontaire ayant entraîné, début mai, une Incapacité temporaire totale (ITT) de plus de 10 jours. Sa victime est probablement handicapée à vie.

"Il est venu s’énerver après moi. Il m’a balancé des insultes. Je me suis énervé. Je lui ai donné un coup de pied à la tête", se contente de dire le jeune trentenaire à la barre. Il vient d’être entendu près de 20 heures en garde à vue, où il a reconnu avoir porté le coup fatal. Le soir des faits, il était parti en laissant sa victime à terre. Ce sont les forces de police qui, à partir de témoignages, ont réussi à le localiser à Papeete, au domicile de ses parents, 27 jours après. Il était tout simplement à la maison, où, sans emploi, il consacre une partie de son temps à frapper dans un sac.

La victime est encore en observation, sous la menace d’une incapacité permanente liée à une paralysie partielle et affecté par de graves troubles de la mémoire. Début mai, ce "coup de pied à la tête" lui a causé une facture fronto-pariétale étendue de 20 cm, sur le côté droit de la boîte crânienne. Il a été reconnu victime d'une ITT de 91 jours. "Sa vie est brisée. Il venait de signer un CDI. Une belle vie : il était en train de construire quelque chose. Que va-t-il devenir maintenant ?" questionne Me Grattirola, son avocat. Il demande une provision de 1,5 million Fcfp pour le préjudice lié à l’incapacité permanente partielle de son client, et la nomination d’un expert pour évaluer la gravité de ses handicaps. "C’est une provision : on en sera très loin au décompte final", prophétise-t-il en laissant au tribunal le soin d’évaluer le quantum de la peine. Les médecins estiment que son client a une "très forte probabilité" d'être victime de séquelles définitives. Le tribunal lui a finalement accordé une provision de 1 million Fcfp en réparation des dommages corporels, mais renvoie l'affaire à une audience civile, le 19 août prochain.

"Une espèce de monstruosité"

Jeudi après-midi, Michel T., l’agresseur, était jugé en comparution immédiate. Pas très épais, bras croisés, la voix bougonne et l'air vaguement immature, les arguments que le jeune Polynésien présente à la barre, du haut de ses 1,80 m, sont d’une banalité ahurissante. Le tribunal les reçoit avec perplexité. "Parce qu’on vous insulte, vous donnez un coup qui provoque une fracture du crâne à quelqu’un que vous ne connaissez pas ?" interroge le président Fouquéré. Silence, derrière la barre.

Dans la nuit du 1er au 2 mai, vers 4 heures du matin, l’accrochage s’est produit à la sortie des boîtes, avenue du Chef Vairaatoa, non loin du front de mer de Papeete.

L’avocat commis d’office pour la défense de Michel T. a choisi de plaider l’absence d’envie de handicaper. Il décrit le coup de pied comme un "stimulus-réponse" et plaide : "il s’entraîne continuellement sur un punching ball. Le coup est parti : il ne pensait pas tuer ; pas même casser la tête". Il a demandé au tribunal de prendre en considération le casier judiciaire vierge du trentenaire et sa qualité de primo délinquant.

Pour Me Grattirola, son client est la victime d’une "bêtise scandaleuse, complètement irresponsable. Une bêtise insondable et inhumaine. Une espèce de monstruosité".

Le ministère public a requis 3 ans ferme avec mandat de dépôt, soit la peine maximum prévue pour le chef de prévention de violence volontaire ayant entraîné une ITT supérieure à 10 jours, compte tenu du caractère simplement "probable" de l’incapacité permanente. En reconnaissant le caractère inéluctable cette incapacité permanente, la peine maximale prévue aurait été de 10 ans d’incarcération.

Le tribunal a partiellement suivi ces réquisitions. Michel T. a été incarcéré jeudi après-midi à Nuutania. Il y passera les deux prochaines années, tandis que l'existence de sa victime a été irrémédiablement dévastée un soir de début mai 2015.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 28 Mai 2015 à 17:14 | Lu 4560 fois