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Les secrets de la vie sur Terre se cachent dans les étoiles


PAPEETE, le 9 mai 2014 - Les astrophysiciens Isabelle Grenier et André Brahic ont réussi à mobiliser les foules pour leur semaine de conférences à Tahiti. Les lycéens, écoliers et le grand public ont été des centaines à venir les écouter parler des étoiles, des planètes et de l’apparition de la vie. Et le clou de la semaine fut mardi 6 mai, quand plus de 300 esprits curieux ont rempli à craquer l’amphi A3 de l’université et ont avidement écouté les deux scientifiques pendant plus de trois heures de conférence. Le public est également attendu nombreux vendredi à 18h, pour la dernière conférence à l'Intercontinental de Moorea.

Invités par l’association te Mana o te Moana grâce à l’intermédiation de leur parrain, l’astronaute français Jean-Francois Clervoy, ces scientifiques ont vulgarisé pour la compréhension de tous les dernières découvertes astronomiques. Car la vision que l’on avait de l’univers il y a encore 15 ans est désormais totalement obsolète : l’arrivée des télescopes spatiaux permet de regarder le ciel à des longueurs d’ondes de haute énergie jamais observées auparavant, qui changent totalement les théories sur la création des galaxies et des étoiles. Les calculs des super-ordinateurs démontrent de leur côté que la formation des planètes de notre système solaire (et des autres !) a été très différente – et beaucoup plus violente – que les théoriciens ne l’avaient prédit.

Isabelle Grenier : vie et mort des étoiles

La première à captiver le public avec ses photos spectaculaires des phénomènes interstellaires fut Isabelle Grenier, professeur à l’Université Paris Diderot et associée à l’observatoire spatial Fermi de la NASA et de l’Agence Spatiale Européenne. Elle s’est attardée sur la naissance des étoiles et des galaxies, mais aussi sur leurs morts les plus spectaculaires : supernovas, hypernovas, trous noirs et collisions catastrophiques de galaxies.

Elle explique que les phénomènes les plus violents de l’univers ne se révèlent qu’avec de la lumière à très haute énergie (allant des ultra-violets aux rayons gammas), bloquée par notre atmosphère. D’où cette vision d’un ciel calme et immuable qui dominait la pensée du 20ème siècle. Mais la révolution des satellites a permis d’observer enfin ces phénomènes, qui font état d’un univers violent, en constant changement et où tous les objets interagissent les uns avec les autres.

Ainsi une supernova, c’est-à-dire la mort spectaculaire d’une étoile en une explosion cataclysmique libérant une énergie des milliards de fois supérieure à celle notre soleil, est un précurseur à la naissance de dizaines d’autres étoiles. La déflagration pousse les nuages de gaz alentour et leur permet de s’amasser en rubans assez denses pour initier la réaction thermonucléaire au cœur des soleils de l’univers. Les trous noirs super massifs au centre des galaxies, dévoreurs de dizaines d’astres chaque année, émettent un rayonnement massivement énergétique sur des milliers d’années lumières, favorisant la naissance de nouvelles galaxies.

Enfin, toutes les particules de haute énergie créées par ces événements démentiels « ensemencent » les nuages de gaz alentours – ceux qui formeront la prochaine génération d’étoiles – et y activent une chimie essentielle à l’apparition… de la vie.



André Brahic présente sa planète préférée, Saturne, soleil dans le dos. La flèche représente la Terre (qui, selon le scientifique, orientait l’océan Pacifique vers la sonde Cassini à ce moment précis)
André Brahic présente sa planète préférée, Saturne, soleil dans le dos. La flèche représente la Terre (qui, selon le scientifique, orientait l’océan Pacifique vers la sonde Cassini à ce moment précis)
André Brahic : Visite de planètes extra-terrestres

André Brahic est lui aussi professeur à l’Université Paris Diderot, travaille au Commissariat à l’Énergie Atomique (C.E.A.) et est tout simplement l’un des principaux initiateurs et collaborateurs de la mission Cassini, qui pour 4 milliards d’euros a envoyé une sonde sur Saturne.

Sa présentation toute en humour et en anecdotes a fait hurler la salle de rire et a allumé des étoiles dans les yeux des enfants présents. Très pédagogique, il a commencé par la base : l’origine grecque de la pensée rationnelle, les progrès techniques permis par la recherche fondamentale et l’intérêt d’explorer les planètes de notre système solaire malgré le coût important de ces missions.

Ainsi, l’étude de l’histoire de Mars et de Venus nous en apprend beaucoup pour les phénomènes de réchauffement climatique qui affectent notre propre Terre. L’observation des cyclones de Saturne a permis d’ajuster les modèles météorologiques et de mieux comprendre le climat terrestre. La découverte d’océans d’eau liquide sur plusieurs satellites de Jupiter et de Saturne nous permettra peut-être de découvrir si la vie est une chose commune ou rare dans l’univers…

Alors que la recherche fondamentale est essentielle, le scientifique note que les décideurs politiques ont facilement tendance à choisir les économies faciles sur ces gros postes de dépenses en temps de restrictions budgétaires, alors même que la science reste le principal outil pour générer de la croissance à long terme. « C’est comme se couper une jambe parce qu’on a mal au bras » explique, malicieux, l’astrophysicien qui a souvent rencontré les plus hautes instances de l’état.

Enfin, l’astrophysicien a fait le point sur les planètes extrasolaires. Plus de 2000 seront découvertes avant l’été, dont plusieurs assez semblables à la Terre pour potentiellement abriter de la vie. On pense désormais qu’il y a probablement plus de planètes dans l’univers qu’il n’y a d’étoiles. Sachant qu’il y a déjà des centaines de milliards de galaxies, contenant chacune des centaines de milliards d’étoiles… Le professeur prédit même que l’humanité enverra une sonde sur une planète similaire à la Terre avant la fin de ce millénaire. Peut-être même que c’est elle qui nous ramènera les premiers échantillons de vie extra-terrestre.

Découverte des ondes gravitationnelles primordiales

En mars 2014, la plus importante découverte astronomique de ce siècle a mis la communauté scientifique en émoi : un télescope installé en Antarctique a observé une onde gravitationnelle primordiale dans le fond diffus cosmologique (la lumière émise 300 000 ans après le Big Bang). On sait maintenant que ces ondes étaient présentes à la création de l’univers quelques instants (10-30 seconde) après le Big Bang. Selon Isabelle Grenier, cette observation permet d’étayer la théorie de l’inflation de l’univers (on ne sait pas pourquoi mais juste après la singularité qui le crée, l’univers a grossi à une vitesse considérable, bien supérieure à la vitesse de la lumière, avant de se calmer un brin) et pourrait même donner des pistes pour réunifier la relativité d’Einstein et la théorie quantique. Rien que ça.

André Brahic et Isabelle Grenier qui répondent aux questions
André Brahic et Isabelle Grenier qui répondent aux questions

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Vendredi 9 Mai 2014 à 15:50 | Lu 1758 fois