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Les nuits des morts-vivants, tupapa’u bienveillants et ‘aiaru


PAPEETE, le 31 octobre 2016. HALLOWEEN. Souvenez-vous du clip vidéo Thriller de Michael Jackson, lorsque les morts-vivants se lèvent tous ensemble et sortent de leur tombe. Et bien, c’est un peu ce qui se produit dans nos îles polynésiennes, mais à plus petite échelle. Tahiti Heritage qui en a débusqué quelques uns et vous conte leurs étranges aventures.

Les morts-vivants sont des êtres physiquement morts mais qui continuent à se manifester. Ces esprits errants, appelés chez nous tupapa’u, peuvent être bienveillant ou mauvais suivant la nature de la personne dont ils émanent. La plupart sont « gentils », ils errent sur leurs lieux de vie, leur maison ou leur truck habituel, en attendant de passer dans l’au-delà. D’autres tupapa’u particulièrement malveillant, appelés ‘aiaru, reviennent dans notre monde des vivants pour se venger des souffrances que leur entourage leur a fait subir lors de leur vie. La violence peut être très forte, proportionnelle aux souffrances endurées.

Que faire pour se protéger ? Pour neutraliser les ‘aiaru, on a recours au vieux rituel polynésien, d’exhumer le corps et de le brûler. Ceux qui l’ont usité disent qu’ils n’avaient pas de choix s’ils voulaient rester vivants. Mais la meilleure protection est encore d’éviter de faire du mal à son prochain, pour ne pas subir de vengeance post-mortem.

L’homme qui refusait de partir

Il y a bien une cinquantaine d’années, Manuarii attendait le truck du coté de Papeari pour se rendre au marché de Papeete. En ce temps, la route était en soupe de corail et truck roulait doucement et s’arrêtait tout le temps. Il n’y avait pas encore d’arrêt, aussi on étalait une feuille de bananier ou une palme de cocotier en travers de la route pour signaler au chauffeur notre présence. Manuarii s’assoit dans le truck à coté d’un vieux copain d’enfance, Ernest, un petit homme à la peau déjà bien tanné par le temps, qu’il n’avait pas vu depuis fort longtemps. On se raconte ses souvenirs d’enfance, et la conversation est si animée que les 3 heures du trajet passent très rapidement.

Arrivés au marché de Papeete, on se sépare pour faire chacun ses courses de son coté, on se congratule en se souhaitant « à la prochaine ». Le soir, rentré chez lui, heureux de cette belle journée, Manuarii raconte à sa femme qu’il a rencontré son vieux copain Ernest. En entendant ce nom, sa femme se crispe et son visage prend un air épouvanté. Elle dit alors à son mari : « Ce n’est pas possible, on l’a enterré la semaine dernière ! »

Les nuits des morts-vivants, tupapa’u bienveillants et ‘aiaru

Malheureux en amour, malchanceux au jeu

L’histoire se déroule dans les années 1980, à une époque ou l’Euromillion n’avait pas encore franchit le Pacifique et ou les tombolas organisées par les clubs sportifs avaient de francs succès. Un grand club sportif de Tahiti organise une tombola dotée d’un premier prix de 10 millions de francs. Une somme rondelette pour l’époque. Un grand supporter de l’équipe de foot du club, chauffeur de truck de la presque-île, achète un carnet de 10 billets en choisissant bien la série de numéros avec sa femme, assez superstitieuse. Le chauffeur a également une maîtresse dont la demeure est fort judicieusement située sur le trajet du truck, ce qui lui permet de s’arrêter quelques instants lorsqu’il n’a pas de passagers. Ce jour là, il est particulièrement satisfait des prestations de sa maîtresse qu’il lui offrit un billet de la fameuse tombola.

Quelques temps plus tard, à l’annonce des résultats, la femme, la vraie, se rend compte que le billet gagnant correspond aux numéros du carnet qu’elle a choisit. Heureuse, elle revêt sa plus belle tenue et le carnet de billet à la main, se rend au siège du club pour récupérer son lot. Elle s’aperçoit alors que les billets précédents sont bien là, les suivants également mais que le sixième billet, le gagnant, est manquant. Le choc est si fort que son cœur lâche. Triste fin, qui contredît le dicton bien connu « Chanceux au jeu, malheureux en amour »

Mais tout n’est pas fini, la malchanceuse reprend du service en venant chaque nuit hanter le village de Tautira, habituellement si calme. Des bruits de toutes sortes animaient les nuits.

Quelques habitants excédés par le tapage nocturne, décident alors de soulever la tombe, d’ouvrir le cercueil et d’enfoncer une branche d’arbre de fer dans le cœur, comme dans les bons films d’épouvante. Depuis le village a retrouvé son calme.

Les nuits des morts-vivants, tupapa’u bienveillants et ‘aiaru

La belle mère revancharde

Les rapports avec les belles-mères sont souvent tendus. Mais dans cette famille du quartier de Titioro à Papeete, ils étaient particulièrement houleux. Aussi, lorsque la belle mère marquisienne, une petite femme de caractère, décède de sa belle mort, la fille et le gendre pensaient enfin pouvoir convoler en toute tranquillité.

Mais la belle-mère, n’avait pas dit son dernier mot et chaque nuit elle venait perturber l’intimité du couple en déplaçant des meubles ou en fermant bruyamment des portes. La situation était invivable et n’en pouvant plus, le gendre et un ami se glisse de nuit dans le cimetière à coté du temple de Titioro. Ils commencent à ouvrir la sépulture, mais n’y arrivent pas. A chaque tentative, la pelle et la barre à mines qu’ils serraient fortement leur glissent des mains. Enfin en insistant, ils réussissent à ouvrir le cercueil et voient une petite femme « encore vivante », les yeux bien ouverts qui déclare d’une voix ferme à son gendre « Si tu avais été seul, je t’aurais mangé ! ». Le gendre pris la barre à mine et lui perça le cœur.

Depuis la maisonnée est calme.

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La bringue de l’au-delà à Nivee

Le 1er janvier, se déroule tous les ans le « Matahiti api », le traditionnel tour de l’île en truck. Cette année là, vers 1965, l’ambiance était particulièrement chaude dans le truck avec un orchestre plus ou moins improvisé composé d’une contrebasse locale fabriquée avec une poubelle et un balai, des ukulélé ou pour les plus démunis de deux petites cuillères pour battre le rythme. Chacun chantait à tut tête. La route de ceinture est très escarpée et étroite du coté de Nivee à Hitiaa o te ra. Au détour d’un virage le chauffeur aperçoit un énorme cochon, de deux quintaux au moins, qui se tient au milieu la route. Il donne un coup de volant à droite pour essayer de se faufiler entre l’animal et le bord de la route. Mais le passage est trop étroit, les roues s’engagent sur la pente, le truck vacille se retourne et tombe dans l’océan.

Depuis, on entend quelquefois de la musique de bringue ou des personnes pleurer lorsque l’on passe dans ce coin. Il y a 10 ans, un touriste américain a campé dans le coin. La nuit, il a entendu de la musique et s’est rapproché discrètement en se cachant derrière les branches de purau. Au bout de quelques minutes, il est allé à la rencontre des danseuses.

Soudain, les femmes sur un pas de danse se sont retournées, elles étaient toutes défigurées.

Henry (nom modifié), un chauffeur de taxi de Tahiti a observé à ce même endroit des phénomènes étranges. Il nous raconte…
« Une fois alors que j’étais avec mon papa, lui-même chauffeur de taxi à l’époque, nous partions de Vairao pour aller chercher des clients à Papeete. Je n’avais qu’une dizaine d’années et je l’accompagnais pour pas qu’il fasse la route tout seul. C’était l’époque du Floch et nous faisions souvent cette route pour aller chercher ou ramener les militaires. Les clients nous avaient demandés d’être à minuit et demi sur place.

Nous roulions tranquillement lorsque, arrivés dans le tournant de Nivee, la voiture a commencé à moins bien marcher, à toussoter. Puis plus rien elle s’est arrêtée nette. Je demande à mon papa s’il a mis de l’essence ce à quoi il répond positivement. Il décide alors d’attendre un moment et de se reposer. Il était à peine 10h du soir et nous avions donc largement le temps d’arriver à Papeete. Mon papa s’assoupit et moi j’étais assis à l’arrière de la voiture. Tout à coup j’ai vu un homme frapper à la fenêtre arrière de la voiture. Il était habillé en tenue de messe avec une belle cravate. Au fur et à mesure que je le regardais j’avais l’impression que son visage se rapprochait de plus en plus. J’ai réveillé mon papa et lorsqu’il s’est retourné il n’y avait plus personne.

Mon papa est alors sorti de la voiture et s’est mis à dire des gros mots et à crier tu ne me fais pas peur. En remontant dans le taxi il m’a juste dit « c’est ce con là qui était dans la voiture ». Il a redémarré et la voiture est repartie sans aucun problème.

Mais ce n’est pas tout…

Une autre fois quelques années bien plus tard à mon tour j’étais devenu chauffeur de taxi. Toujours au même endroit dans le virage en arrivant je vois une Viky (mobylette) couchait sur la route. Et de l’autre coté de la route j’aperçois un homme en caleçon avec le dos tout abîmé. Comme j’arrivais un peu vite je ne stoppe pas de suite mon véhicule. Je fais marche arrière pour venir au niveau de la personne que j’avais vu pour lui proposer de l’amener à l’hôpital et là arrivé au même endroit il n’y avait plus rien ni personne ».

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La vengeance dans la peau

Dans les années 1940, Maua’e, un homme d’une cinquantaine d’années, habitait à la presqu’ile de Tahiti, à Ahui non loin de Tautira. Sa vie était paisible, rythmée aux aller et retour entre Tautira et Papeete qu’il effectuait au volant de son truck. Et le soir il rejoignait sa femme et son fils dans leur belle maison jaune avec un étage et un grand jardin près de l’embouchure de la Vaitepiha.

Mais, Maua’e devient tuberculeux et sa vie s’écroule ! Il est placé a l’hôpital de Vaiami à Papeete, isolé avec d’autres tuberculeux dans un bâtiment situé du coté de la rue du Four, bien isolé pour ne pas transmettre cette maladie aux autres malades. A cette époque on n’avait peu de médicaments efficaces. La seule prescription était d’isoler le malade à Vaiami ou de l’envoyer aux Tuamotu.

Sa famille, femme et fils, frères et sœurs, cousins et autres, l’ont tous abandonné et ne sont jamais venus le voir, ni adresser le moindre message. Ils l’ont laissé périr doucement dans la solitude. Tous sauf un, le jeune Talo, 10 ans, qui se souvenait avoir passé d’agréables vacances dans cette grande maison jaune de Tautira, et qui avait appris par hasard que son vieil oncle était enfermé dans l’hôpital. Il allait régulièrement lui apporter des fruits, des cigarettes ou lui donner un billet de 500 francs pour agrémenter l’ordinaire.

Le vieux et l’enfant discutaient ensemble de tous les sujets, mais souvent le débat déviait sur sa famille qui l’avait abandonné. Un jour, n’en pouvant plus, il prononça ces mots terribles « ia pohe nae iau e haere iau e hauti i a vatou !» (Quand je serais mort, je me vengerais !).
Quelques semaines plus tard, il décédait et on l’enterrait dans la cour de sa maison jaune. L’histoire aurait du se terminer, mais en fait c’est maintenant qu’elle commença. Presque toutes les nuits, les habitants de la maison et ceux de famille étaient réveillés par des bruits de pas, de portes ou de fenêtres qui claquent. Ils sentaient une présence sans la voir.

Mais les désagréments nocturnes prenaient des proportions de plus en plus importantes. La présence était plus proche et ils ressentaient même son contact. Ils comprirent que c’était Maua’e, ou du moins une entité qui tenait sa parole en venant se venger. Un soir n’en pouvant plus, ils décidèrent de passer à l’acte. Armés de barre à mine et de pelle, ils ouvrirent le cercueil et le corps. Sa fille l’acheva d’un coup dans la nuque et suivant la recette que l’on utilise pour faire perdre le pouvoir à un ti’i, ils l’aspergent le corps d’essence et mirent le feu. Mais seule la jambe resta intact. Tout était fini, les manifestations se sont arrêtées.

Les nuits des morts-vivants, tupapa’u bienveillants et ‘aiaru

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Rédigé par TAHITI HERITAGE le Lundi 31 Octobre 2016 à 10:44 | Lu 1668 fois