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Les matahiapo de la communauté chinoise se livrent


PAPEETE, le 19 août 2016 - Un petit groupe de jeunes bénévoles chinois se rend depuis six mois auprès de ses aînés. Équipé d’une caméra, ils immortalisent les souvenirs pour constituer un fonds documentaire. À terme, le groupe espère monter un documentaire de 26 ou 52 minutes.

Georges Tobella, réalisateur et caméraman, Erwin Lee, caméraman, Leia Chang Soi, présentatrice et Neslon Liao le coordinateur du groupe ont pris la décision de constituer un fonds documentaire. Chacun de son côté s’était intéressé à la mémoire de la communauté, constatant qu’il n’y avait rien de véritablement constitué ou centralisé. "Nous étions allés au Service des archives, avions interrogé les associations et familles mais rien n’avait vraiment été fait", résumé Nelson Liao. "D’où le projet lancé il y a six mois".

Sur son temps libre, le groupe s’est rapproché de Si Ni tong et de Wen Fa pour établir une liste de personnalités à interroger. "Notre objectif, d’abord, est d’écouter et d’enregistrer les mémoires de ceux qui ont marqué la vie économique et socio-économique du siècle dernier. Nous avons retenu les personnes de plus de 85 ans, disponibles." Dans cette liste se trouve par exemple Charles Lan Sun, le fondateur de Simone prénatal, un grand magasin en centre-ville qui vendait des articles pour bébé ; Jules Wong, le fondateur d’Aranui ; Sunam, un photographe renommé ; Augustine Shan Sei Fan, couturière ; Marie Ah You…

Tontine et prête-nom


Les matahiapo ont raconté, devant la caméra, leurs aventures, anecdotes et petites histoires. Celles qui font la grande histoire de Tahiti et de leur communauté. "Ils ont joué le jeu et se sont livrés. Ils ont décrit leur vie professionnelle et personnelle. Ils nous ont parlé des grands noms qu’ils ont rencontré, comme Marlon Brandon, nous ont explicité le fonctionnement économique d’alors."

La communauté chinoise a longtemps fonctionné avec un système de tontine. Les plus aisés prêtant aux moins aisés, à taux zéro. Les citoyens prêtant leur nom à ceux qui n’avaient pas encore la citoyenneté. "Il n’était pas rare de voir une personne détenir la propriété d’un très grand nombre de terre. C’était en fait un prête-nom."

Pour construire le fonds documentaire, le groupe va procéder par étapes. "Nous abordons un thème par interview. Pour l’instant, nous nous intéressons à la période de naturalisation de la communauté chinoise, une période charnière des années 1950/1960. Nous cherchons à savoir en quoi cette naturalisation a facilité la vie des Chinois et en quoi elle l’a rendu plus difficile. Car ils étaient libres de voyager, ils ont pu se faire une place dans l’économie du Pays mais en contrepartie, ils ont dû franciser leur nom." D’autres thèmes seront être abordés par la suite : le kasan (célébration des ancêtres), la cuisine chinoise et son adaptation, la pharmacopée…

Un documentaire de 26' ou 52'

"Actuellement, nous donnons un coup de collier à l’opération car nous sommes pressés par le temps, nos aînés sont âgés et s’éteignent petit à petit." Le groupe se voit comme un moteur. Il espère être rejoint par d’autres bénévoles, à Tahiti mais aussi dans les îles. "Il y a une communauté chinoise aux Marquises, aux Tuamotu… Nous n’irons pas. Il faudrait que des personnes sur place se chargent de fixer la mémoire pour nous." Ensuite, lorsqu’ils auront suffisamment de matière et s’ils obtiennent des subventions, ils monteront un documentaire de 26 ou 52 minutes.



Rédigé par Delphine Barrais le Vendredi 19 Août 2016 à 11:03 | Lu 2672 fois