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Les chants diffèrent par leurs mélodies


Les chants diffèrent par leurs mélodies
PAPEETE, le 1er juillet 2018 - Chaque année au Heiva i Tahiti, les chants n'ont pas la côte auprès du public. Un problème qui a fait le buzz, l'an dernier. Aujourd'hui, le ministre et les membres du jury appellent à plus de respect du public, surtout que les chants ont aussi une histoire.

Des chants polynésiens sur des rythmes pas très à la mode, difficile pour les groupes de chant de se faire entendre. Cependant, depuis l'année dernière, le non-respect du public à l'égard des "pupu hīmene" fait grincer des dents. Certains n'osent même plus sortir pendant la prestation des groupes de chant.

Comment en sommes-nous arrivés là ? La faute sûrement à la "civilisation" ou plutôt "aux styles du monde" qui intéressent la plupart des Polynésiens, de nos jours.

Dans notre culture, on retrouve quatre types de chants : le tārava, le rū'au, le 'ūtē et les hīmene nota. Quatre répertoires différents qui se démarquent par rapport à leurs mélodies ou leurs styles.

LES CHANTS ENTRENT AU TIURAI AVANT LES DANSES

Le 'ori tahiti et les chants avaient été interdits, dans les années 1800 par les missionnaires, mais aussi par le roi Pōmare II, en 1819 et la reine Pōmare IV, en 1842.

Le 14 juillet 1881, la fête nationale française marquera le retour des festivités traditionnelles, ou du moins, l'entrée du concours de chants. Une fête qui a été baptisée "tiurai", et qui prendra le nom de Heiva, en 1985. La danse arrivera quelques années plus tard.

Aujourd'hui, cela fait 137 ans que les chants brillent lors du Heiva. Trois catégories ont été répertoriées pour ce grand concours culturel : les tārava, les 'ūtē et les rū'au.

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE LES TROIS TĀRAVA ?

Au Heiva i Tahiti, la catégorie tārava est décomposée en trois types bien distincts : le tārava tahiti, le tārava raromata'i et le tārava tuha'a pae.

Pour le concours, les groupes doivent obligatoirement faire ressortir 9 voix différentes, que l'on appelle les "'auri". "Le tārava raromata'i, est très mélodieux avec plusieurs variantes musicales. Le tārava tahiti est très ardu, très rythmé et nous avons différents tons à l'intérieur. Je prends l'exemple du "perepere", la voix aigüe, eh bien, pour le tārava tahiti, il est continu. Le perepere du tārava raromata'i est ondulé. Pour le tārava tuha'a pae, cela dépend de l'île. Je prends l'île de Rurutu qui a un tārava très rapide, limite tu ne comprends rien. Mais c'est magnifique par rapport au tārava de Rimatara qui est en peu plus lent, même celui de Raivavae d'ailleurs, et il est ardu comme le tārava tahiti", explique Mā Zinguerlet, jury en chant.

AUTRES CHANTS : LES 'ŪTĒ ET LES RŪ'AU

Deux autres types de chants traditionnels sont inscrits au Heiva i Tahiti, il s'agit du 'ūtē (paripari et 'āreare'a) et du rū'au. "Le 'ūtē paripari est un chant où tu fais l'éloge d'une terre, une montagne, une vallée, une pointe. C'est plus basé sur la terre. Le 'ūtē 'ārearea est chanté pour se moquer d'une personne ou d'un objet. Les 'ūtē sont des chants qui peuvent être parfois rythmés, un peu lent et parfois très moyen. La plupart des groupes qui viennent sur To'atā utilisent plutôt des rythmes très moyens", indique Mā Zinguerlet.

Les rū'au, cette fois-ci, ont une mélodie bien spécifique, lente et qui n'est pas très attirante. Certains disent même que les rū'au sont chantés durant les deuils. Cependant, notre expert en chant se dit chanceux de posséder un tel trésor. "Le rū'au ou le tārava c'est quelque chose que les étrangers n'ont pas encore acquis, comparé aux danses, aux ukulele, au tō'ere… Les étrangers sont des pros maintenant dans ces catégories, alors que pour les chants, nous les préservons encore. Je pense qu'il faut être fier qu'on puisse détenir ces trésors que les anciens nous ont laissés."

Pour les 'ūtē et les rū'au, les groupes doivent absolument faire ressortir 6 voix différentes, lors du Heiva i Tahiti. Chaque groupe a au moins 23 minutes pour exécuter sa prestation. "Le temps maximal est de 30 minutes, si tu ne présentes pas de 'ūtē 'ārearea", assure Mā Zinguerlet.

Et pour motiver les groupes de chant, un grand prix a été mis en place, cette année, il s'agit du prix "Tumu ra'i fenua". Cette distinction récompensera le groupe qui cumulera le plus grand nombre de points dans les différentes catégories (tārava, rū'au et 'ūtē). "Un prix de 300 000 francs sera attribué dans ce cadre", indique la Maison de la culture.

Tous les soirs, les paroles des groupes de chants seront projetées en tahitien sur les écrans géants à To'atā. D'ailleurs, Tahiti Infos, vous dressera le portrait de chaque groupe en chant ou en danse, la veille de leur passage. Afin, que vous puissiez vous faire une idée de leur thème.


LA PAROLE À

Mā Zinguerlet
Jury en chant

"Nous constatons à chaque fois le non-respect du public"


Mā a démarré dans les chants traditionnels à l'âge de 13 ans, grâce à ses arrière-grands-parents de Raiatea. Un univers qu'elle ne quittera jamais puisque parmi sa famille, on retrouve de grands noms du milieu, comme la charmante Dayna Tavaearii. Pour cette nouvelle édition, Mā a, de nouveau, été appelée à faire partie des membres du jury en chant. Un honneur pour elle. Cependant regrette-t-elle, "nous constatons à chaque fois le non-respect du public, pendant la prestation des groupes de chant. Quand ils commencent à entrer sur To'atā, eh bien, on voit les personnes se lever pour sortir. Ils ne respectent pas le travail de ces groupes, et c'est malheureux, alors que le travail d'un groupe de chant, c'est vrai est moins difficile que celui d'un groupe de danse, mais il y a quand même un travail qui a été fourni. Ce sont des heures de répétition, d'écriture, de composition et d'apprentissage. Ce n'est pas sympa pour ces personnes, et je voudrais que cela cesse. Maintenant, j'attends le meilleur des groupes de chant. Nous sommes allés à leur rencontre, nous avons vu des très bons groupes, comme des groupes qui devaient encore travailler. Quand les groupes se présentent à To'atā, chacun est au courant de la façon de noter. Ils ont les fiches de notation, donc, ils n'ont pas le droit à l'erreur quand ils iront sur scène."


Mike Teissier
Professeur de chants traditionnels

"Avec l'arrivée des missionnaires, on a commencé à mettre la liturgie dans les tārava"


"Les trois tārava sont classés dans la famille des chants pré-européens. Donc, c'était des chants qui étaient déjà chantés par nos ancêtres, avant le contact avec les européens. Il y a les tārava, les pāta'uta'u, les 'ūtē. Et avec l'arrivée des missionnaires, on a commencé à mettre la liturgie dans les tārava. On a continué à chantonner les tārava, mais avec un autre message.
Après, on a les chants qui ont vu le jour suite au contact avec les missionnaires. On va parler des hīmene rū'au, qui sont, ni plus ni moins, une '"tahitianisation" des cantiques. On est parti des cantiques qu'on a tahitianisé en rajoutant même des sonorités polynésiennes, à l'intérieur. Quand on compare les cantiques des années 1700-1800 et ceux d'aujourd'hui, ce n'est pas la même chose. Mais ça prend son origine là. Par la suite, on retrouve les hīmene nota… Tout ce qui est mis sur partition.
"



le Dimanche 1 Juillet 2018 à 19:26 | Lu 1180 fois