Tahiti Infos

Les aventures de Tifo, épisode 2 : le drame du nid penché


Madame Tifo reste fidèle à son monarque malgré ses faibles talents d'architecte
Madame Tifo reste fidèle à son monarque malgré ses faibles talents d'architecte
PAPEETE, le 6 novembre 2014 - Tifo, le monarque parrainé par Tahiti Infos, est de retour pour de nouvelles aventures ! Il semblait avoir trouvé l'amour avec une oiselle de la moitié de son âge, s'était construit un nid pour fonder une famille et semblait même couver. Mais les plans les mieux conçus des oiseaux et des hommes souvent ne se réalisent pas…

L'épisode précédent peut être lu en ligne ici. Pour ce deuxième opus, voici le récit des dernières aventures de Tifo par Caroline Blanvillain, vétérinaire de l'association SOP-Manu :


Tifo (et oui il est tout noir maintenant) s'envole de son nid penché. Va-t-il l'abandonner ?
Tifo (et oui il est tout noir maintenant) s'envole de son nid penché. Va-t-il l'abandonner ?
Notre jeune monarque nous a fait un tour cette semaine. Fin octobre, la sentence était tombée : le nid de Tifo était abandonné, plus personne n’y venait. Échec dû au jeune âge des deux partenaires, pensions-nous. Mais nous pensions trop vite… Après une visite express, un deuxième diagnostic était posé : le nid de Tifo est penché et a donc échoué à cause du vent. Oeuf ou pas œuf ? En vérité on ne sait jamais vraiment si les monarques mâles couvent vraiment ou s'ils font semblant pour se faire "bien voir". Sa position penchée dans l’arbre indique un sérieux risque d’omelette, d’où l’abandon du nid. Du moins semble-t-il.

L'invasion des fourmis tueuses

Mais entre-temps, les bénévoles de Manu ont sorti le vieux fusil à plomb du placard et ont chassé avec succès les bulbuls du territoire de Tifo. Les gars s'étaient battus pour décider qui pourra tirer (des séquelles de leur éducation de garçon sans doute) avec un beau résultat : le gagnant du jeu "c’est moi qui tire le mieux" était couvert… de boutons, rappelant furieusement ses réactions allergiques à la petite fourmi de feu (PFF) ! Après que le danger bulbul pour Tifo a été éloigné, un ennemi bien plus redoutable entrait en scène.

Il faut que vous sachiez que nous faisons notre possible en ce moment pour éradiquer la colonie de petite fourmi de feu du PK 18.2, qui menace la vallée de Papehue, donc nous avons désormais l’habitude de cette infernale bestiole introduite. Outre ses morsures qui brûlent désagréablement et longtemps, elle se révèle être une super prédatrice d’insectes… Et de jeunes oisillons au nid, qu’elle engloutit en moins de 10 minutes. Comme elle fait ses colonies dans les arbres, c’est la créature infernale la plus horrible que l’on puisse imaginer pour achever l’extinction des Monarques de Tahiti. D’où notre volonté de lutter contre cette peste à l’entrée des vallées à monarques.

Dépêchée de toute urgence sur place ce mardi, l’équipe de Manu a pu constater qu’il y avait bien non pas une, mais deux colonies de petites fourmis de feu installées à moins de 200 mètres du territoire de Tifo ! Dès mercredi, le premier traitement express du bon docteur Cas Vanderwoude (spécialiste de Hawaii ayant moult fois éradiqué des colonies de PFF là-bas), était appliqué afin de tuer dans l’œuf les volontés expansionnistes de ces créatures de l'enfer aviaire.

Situées à moins de 50 mètres de la déchetterie, ces deux colonies sont sans doute les cadeaux involontaires mais irresponsables de pollueurs du dimanche préférant abandonner leurs déchets verts contaminés autour de la déchetterie, en dehors des heures d’ouvertures officielles. Au mépris de la survie du monarque et de toute la biodiversité de la vallée.

Pendant ce temps dans les vallées, la saison de reproduction bat son plein

Dans les vallées, les 12 autres nids de monarques ont tenu leurs promesses, à l’exemple de Poea et Manuarii, les deux amoureux fidèles de la "Cascade", sept d’entre eux ont produit des jeunes qui ont pris leur indépendance. Sept jeunes monarques qui doivent désormais survivre à la période la plus dangereuse de leur existence : l’envol !

Les cinq autres nids ont eu des fortunes diverses : trois d’entre eux sont déjà abandonnés, un autre héberge un précieux poussin qui devrait s’envoler prochainement et le dernier est en attente, sans doute, que la femelle de ce territoire se décide à pondre.

Il va maintenant falloir surveiller la situation pour avoir des réponses aux questions en suspens : Tifo va-t-il réussir à garder son nid penché ? Madame Tifo va-t-elle supporter ce logement précaire ? Vont-ils tenter l'omelette ? Nous le saurons lors du prochain épisode de notre "monarquonovelas" dont nous ignorons totalement le scénario.


PS : La SOP souhaite remercier la DIREN, l’Etat français, les fonds Te Me Um, Jensen et Nature et découverte, les 250 donateurs de BirdLife International, les entreprises EDT, OPT et Vini et les 10 parrains dont Tahiti Infos qui permettent que ce sauvetage perdure cette année encore, car derrière ces histoires d’amour et de guerre, c’est l’avenir d’un des vingt oiseaux les plus menacés de la planète qui se joue.

L'envol de tous les dangers

Le départ du nid est un moment critique pour les jeunes monarques, lâchés dans le vaste monde et sans la protection acharnée de leurs parents. Très vulnérables aux oiseaux introduits, certains sont tués dans les 15 jours qui suivent leurs envols par les compétiteurs (les bulbuls) ou les prédateurs (les merles des Moluques ou les busards de Gould). Aussi, nous attendons toujours avant de crier victoire dans cette lutte pour la survie du Monarque. Seuls les jeunes ayant été vus plus d’un mois après l’envol sont comptabilisés dans les jeunes produits effectivement cette année-là.

Le record de 2013 reste à battre : 12 jeunes ont survécu à l’envol en 2013, un record absolu ! En attendant nos sept petits ressemblent à des petites boules grises d’où s’échappent des mèches de duvet gris et surtout d’impressionnants cris (ki-ki-ki-ki-ki-ki-ki-ki, ki-ki-ki-ki-ki-ki-ki-ki...) censés couvrir le bruit de la rivière, mais qui désormais ameutent de dangereux prédateurs ou compétiteurs. La SOP-Manu va bien sûr s’attacher à suivre leur devenir.

Manu :
40 52 11 00 ou 87 22 27 99
www.manu.pf

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 6 Novembre 2014 à 18:05 | Lu 2464 fois