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"Les anémones blanchissent, les poissons-clowns pâtissent", alarme le Criobe


La teinte dorée des anémones est due à des microalgues présentes dans leurs tentacules.  © Suzanne C. Mills
La teinte dorée des anémones est due à des microalgues présentes dans leurs tentacules. © Suzanne C. Mills
PAPEETE, le 10 octobre 2017 - Pendant 14 mois, des chercheurs du Centre de recherches insulaires et observatoire de l'environnement ont étudié l'impact du blanchiment des anémones de mer sur les poissons-clowns. Leurs résultats, publiés dans la revue Nature Communications du 10 octobre, sont sans appel.

Les anémones de mer subissent elles aussi de plein fouet le blanchiment. Comme pour les coraux, ce phénomène est une des conséquences du réchauffement climatique. Pour ces animaux qui vivent en symbiose avec une algue microscopique, qui leur donne leur couleur, et en association avec certaines espèces de poissons, les conséquences peuvent être importantes. Les poissons-clowns, par exemple, se servent des anémones pour se protéger de leurs prédateurs et y pondre leurs œufs chaque mois. Les anémones sont aussi protégées par les poissons-clowns qu'elles abritent.

D'octobre 2015 à décembre 2016, tous les deux jours, chercheurs et étudiants du Criobe ont étudié 13 couples de poissons-clowns et leurs anémones hôtes dans les récifs coralliens de l'île de Moorea.

"Ce suivi s'est déroulé avant, pendant et après l'évènement El Niño qui, au cours de l'année 2016, a provoqué un réchauffement de l'océan Pacifique et un blanchissement des coraux à l'échelle mondiale. La moitié des anémones suivies dans cette étude ont blanchi elles aussi en perdant leurs microalgues", indique la publication du Criobe.

Les scientifiques ont remarqué une chute importante du nombre d'œufs viables chez les espèces qui vivent dans les anémones blanchies. "Des prélèvements de sang sur les couples de poissons-clowns ont permis de constater une forte hausse des taux de cortisol, l'hormone du stress, et une baisse importante des concentrations en hormones sexuelles (les équivalents de la testostérone et de l'œstradiol). Ainsi, le blanchiment des anémones provoque un stress qui diminue les taux d'hormones sexuelles et donc la fécondité des poissons. Ces liens, déjà établis dans des expériences de laboratoire, sont confirmés pour la première fois dans des conditions naturelles chez des poissons", continue le communiqué du Criobe.

Près de quatre mois après la fin de l'épisode de réchauffement, les chercheurs ont noté que l'état de santé des anémones et des poissons s'est amélioré. Ce constat interroge néanmoins : "Mais en aurait-il été de même avec un réchauffement plus intense, ou plus long ? Et face à un nouvel épisode, les poissons-clowns qui ont subi un premier stress seront-ils mieux acclimatés, ou au contraire fragilisés ?" Afin d'éclaircir ces questions, l'équipe du Criobe a décidé de continuer à suivre chaque individu lors du prochain épisode El Niño.

Les poissons-clowns ne sont pas la seule espèce concernée par le blanchissement des anémones. Selon les chiffres du Criobe, 12 % des espèces de poissons côtiers du fenua dépendent des anémones ou des coraux pour se nourrir ou se protéger des prédateurs.

Les chercheurs tirent la sonnette d'alarme : "En cas de blanchiment prolongé, comme celui de la Grande barrière de corail australienne en 2016 et 2017, c'est le renouvellement de toutes ces populations qui pourrait être affecté, et avec lui la stabilité des écosystèmes."

Rédigé par AD avec communiqué le Mardi 10 Octobre 2017 à 15:10 | Lu 1671 fois