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Législative 2017 - Moetai Brotherson : "Je veux mettre ma détermination et mon esprit d’ouverture au service de mon Peuple"


Moetai Brotherson se présente sur la 3e circonscription polynésienne, où il portera les couleurs du parti souverainiste Tavini Huiraatira aux élections législatives le 3 juin prochain. Sa suppléante est Isabelle Tetauira.

Qu’est-ce qui motive votre engagement pour ces législatives ?
Issu du privé, je suis ingénieur informaticien de formation. J’ai travaillé en France, aux USA, en Allemagne, au Japon ainsi qu’au fenua, en tant que salarié ou consultant à mon compte. Cela m’a donné une ouverture d’esprit, et la conviction que notre peuple n’a rien à envier aux autres et que nous pouvons bâtir ensemble une nation polynésienne, à la fois plus juste, plus respectueuse de son environnement, et ancrée dans son bassin naturel qu’est le grand Pacifique. Mais l’indépendance ça se prépare, et il faut dès aujourd’hui travailler avec la France pour assurer une transition sans heurts. Il ne s’agit pas de couper tout lien avec la France, mais au contraire, de bâtir des ponts avec toutes les nations du monde, car plus qu’une indépendance, ce sont des interdépendances qui se profilent. Il faut dès aujourd’hui veiller à ce que le périmètre actuel de notre "autonomie" soit préservé, et étendu, et chercher également tous les moyens pour améliorer la situation quotidienne des Polynésiens. Je veux mettre mon expérience à l’international, mon expérience d’élu communal, ma détermination et mon esprit d’ouverture au service de mon Peuple. Pour travailler à construire, avec toutes les institutions actuelles.

Quel est le point clé du programme que vous défendez, pour votre circonscription ?
S’il est vrai qu’on est élu dans une circonscription, on devient en revanche député de toute la Polynésie. Globalement, et avant toute autre action, il faut ramener la confiance du Peuple en ses élus. Nos jeunes sont dégoûtés, et ils ont raison ! Ma première proposition de loi visera donc à rendre inéligible à vie tout homme politique condamné pour des malversations ou des abus de pouvoir liés à sa fonction. Si on ne met pas en place ce préalable, cette fondation propre, tout le reste sera bâti de travers.
Arrêtons toutefois la démagogie. Le député ne s’occupe pas de tout. Il a son périmètre. Le prix du pain, l’éducation, l’eau potable … ce sont des compétences du gouvernement ou des communes.
En revanche, la refonte totale de la Loi Morin, la protection de l’emploi local, la reconnaissance de nos langues polynésiennes en langues officielles, la réforme du CGCT (Code général des collectivités territoriales, NDLR) qui plombe les communes, ou la possibilité de gérer nous-même l’octroi des visas pour améliorer la venue des touristes, ce sont des dossiers que le député peut, et doit porter.


Concrètement, comment défendrez-vous les dossiers polynésiens à l’Assemblée nationale ?
Le premier élément est bien sûr d’y être présent et actif. Trop de nos prédécesseurs ont brillé par leur absence ou leur inaction. Certaines régressions pour la Polynésie ont résulté directement de ces absences. Pour ma part je tiendrai les Polynésiens informés régulièrement de mon action à travers mon site internet et les réseaux sociaux.
Il convient ensuite idéalement d’intégrer l’une des huit commissions permanentes. Pour ma part j’essayerai d’intégrer la commission des Lois ou celle des Finances. Etre également actif dans tous les lieux de réflexion propres à l’Assemblée nationale, mais pas seulement.
Etre élu député ne fait pas de nous des surhommes à la science infuse. J’établirai un dialogue permanent avec l’Assemblée de Polynésie, le gouvernement local, les communes, mais aussi de manière participative avec les Polynésiens eux-mêmes, au fenua, en métropole, ou à l’étranger. C’est ensemble que nous devons réfléchir. Une fois cette réflexion menée, et un consensus dégagé, le député portera la partie qui lui revient.
Et pour mener à bien mon mandat j’aurai besoin de collaborateurs motivés et compétents. Je définirai des fiches de postes qui seront publiées afin que tous les jeunes Polynésiens désireux de m’assister puissent faire acte de candidature.
Enfin, il faut penser son action de député dans un temps fini. On n’est pas élu à vie ! Je m’engage à ne pas briguer plus de deux mandats de députés successifs. Dès le début de mon second mandat, j’identifierai les jeunes Polynésiens motivés, courageux et talentueux qui pourront me remplacer. Je les prendrai à mes côtés pour les former de sorte qu’ils soient déjà prêts à la fin de mon second mandat.


Quel groupe parlementaire rejoindrez-vous, si vous êtes élu ?
"Vae victis" semble être le credo de la plupart des candidats aux législatives. Ils ne savent fonctionner que rattachés à la majorité présidentielle, tant en Polynésie qu’à Paris. Ce sont de vieux réflexes claniques hérités d’une culture politique obsolète qui ignore la richesse du pluralisme.
Pour ma part, la formation d’un groupe parlementaire d’ultra-marins, ou de députés partageant nos valeurs me semble intéressant. Il suffit de quinze députés pour constituer un groupe, cela n’a donc rien d’une utopie. Un autre groupe, avec qui je partage nombre d’idées, est celui des Insoumis avec qui je partage les idéaux d’une meilleure répartition des richesses et d’une véritable transition énergétique, à la fois synonyme d’emplois et de mieux-être planétaire.
Le préalable demeurant que ces groupes reconnaissent le Peuple Polynésien et la mise en place d’une démarche d’auto-détermination sous l’égide des Nations unies telle que résultant de notre réinscription le 17 mai 2013. Dans une majorité parlementaire qui ne sera certainement pas monolithique, même un élu seul peut peser.

Rédigé par Propos recueillis par JPV le Mardi 30 Mai 2017 à 11:00 | Lu 11578 fois