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Le rationnement d’électricité est levé à Makemo


17 000 litres de gasoil ont été livrés ce mardi matin à Makemo à la SEM Te Mau Ito Api.
17 000 litres de gasoil ont été livrés ce mardi matin à Makemo à la SEM Te Mau Ito Api.
PAPEETE, 3 mai 2016 - Le rationnement de la fourniture électrique mis en place le 22 avril dernier à Makemo a été levé mardi, suite à la livraison de 17 000 litres de gasoil à la société Te Mau Ito Api.

La société d'économie mixte est en mesure depuis mardi matin de mettre un terme aux mesures de rationnement de la fourniture d’énergie électrique sur le réseau de Pouheva, le chef-lieu de la commune de Makemo. Depuis vendredi 22 avril, les 200 foyers raccordés étaient privés d’électricité de minuit à 5 heures chaque jour, faute de carburant en quantité suffisante pour alimenter le groupe électrogène de l’île jusqu'au prochain passage de caboteur, initialement prévu le 12 mai.

Une livraison de 17 000 litres de mazout a été réalisée mardi en début de matinée par le caboteur Maris-Stella III. Il s’agit "en partie le solde de la commande pas totalement livrée la dernière fois", explique Jean-Louis Chailly. C’est d’ailleurs ce "problème logistique", que le directeur général de la société anonyme d’économie mixte Te Mau Ito Api décrit comme un "épiphénomène", qui est à l’origine des "circonstances particulières" par lesquelles la société des éoliennes de Makemo s’est trouvée dans l’obligation de procéder à des "restrictions", des "coupures programmées pour gêner le moins possible les usagers" de l’île.

Sur place, à l’annonce des coupures fin avril, on avait parlé de problèmes financiers qui auraient contraint la SEM à renoncer au tiers de sa commande de carburant. Une version démentie par la société aujourd’hui : "Nous avons des tensions de trésorerie ; mais cela n’impacte pas les fournitures de carburant. Nous avons des arrangements avec la société Total et elle sait que l’on s’y tient".

L’affaire avait pourtant causé un vif émoi sur place alors que la société annonçait des coupures programmées jusqu’au 12 mai. Un usager avait contacté la rédaction de Tahiti Infos pour dénoncer la situation, en spéculant sur ses conséquences: "A l'infirmerie, les vaccins vont être perdus faute de leur conservation dans de bonnes conditions ; les malades sous assistance respiratoire sont privés de traitement la nuit ; dans les magasins et les foyers, la rupture de la chaîne du froid des surgelés pose une question sanitaire ; la surtension due au retour de l’électricité peut endommager l’appareillage électroménager des foyers : qui paiera les réparations, en cas de problème ? La population de Makemo proteste contre cette mesure, car on craint que ce soit le début d'une longue série de restrictions".

Pour l’instant, ces menaces de black-out s’estompent à Makemo où 8000 litres supplémentaires de gasoil sont encore attendus pour lundi 9 mai à bord du Maris-Stella IV, lors de son prochain passage à quai. "La SEM continue à faire son job", rassure Jean-Louis Chailly. "On a eu un souci mais il est réglé".

Problème de péréquation

Car à plus long terme, la rentabilité de Te Mau Ito Api demeure obérée par un déficit structurel d’à peu près 1,6 million de francs par mois. Cette entreprise dont le capital est réparti entre le Pays (66 %) et deux sociétés détenues par l’homme d’affaires Dominique Auroy, se vantait en 2006 d'être à la tête d'un projet pilote généralisable dans tout le Pacifique : produire de l'énergie à partir d’un mixte entre l’éolien et le thermique. A Makemo, l’électricité ainsi obtenue devait servir à alimenter à prix réglementé les 200 foyers raccordables du chef-lieu de l’île. Mais depuis 2009, rien ne marche comme prévu : en panne les six éoliennes n’ont jamais été remises en service et l’électricité est depuis exclusivement d’origine thermique.

Une fragilité de sa structure financière que la société met sur le compte d’un système de péréquation comptable à l’usage exclusif de la société EDT Engie : "Le problème auquel se heurte la SEM depuis son origine est que le coût de production de l’électricité sur Makemo est de l’ordre de 80 Fcfp le kWh alors que le tarif moyen de vente est de l’ordre de 40 Fcfp le kWh", expose Jean-Louis Chailly. "Chaque année, la SEM perd 20 millions. Nous avons écrit à EDT pour bénéficier des mêmes dispositions qu’ils appliquent sur les autres îles. La réponse a été négative. Ce problème se pose en Polynésie dans les 18 communes polynésiennes qui ne sont pas sous concession EDT. Nous sommes devant une situation anormale et inéquitable : le Pays impose le même prix du kWh dans les îles qu’à Tahiti ; EDT se fait sa propre péréquation d’équilibre entre l’île de Tahiti et les autres îles ; une subvention d’équilibre devrait être apportée aux autres îles dont Makemo ; elle n’a jamais été mise en place".

Ce mécanisme comptable permet selon lui à EDT Engie de profiter d'une partie des recettes que l'électricien réalise sur la zone urbaine de Papeete (dite Tahiti Nord), très peuplée et industrialisée, et dont 2,5 milliards Fcfp sont mis à disposition chaque année pour compenser le manque de performance rentable, voire les déficits enregistrés sur d'autres zones démographiquement moins importantes.

Fin janvier, un projet de loi du Pays a été présenté en Conseil des ministres pour permettre à tous les fournisseurs d’énergie de profiter de ce bas de laine offert par le secteur Tahiti nord et actuellement à la seule disposition de l’EDT. Une perspective que la SEM Te Mau Ito Api considère aujourd’hui comme sa planche de salut. Le Pays avait annoncé fin janvier son souhait de dissoudre cette SEM ; mais une proposition de privatisation est actuellement faite par l’actionnariat privé de l’entreprise.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 3 Mai 2016 à 14:46 | Lu 938 fois