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Le puffin de Rapa, ce grand voyageur menacé par les rats


Tahiti, le 21 décembre 2020 - En danger d'extinction, le puffin de Rapa fait l'objet d'une étude afin de connaître ses déplacements et les menaces qui pèsent sur l'espèce en mer. Sur les dix puffins balisés de capteurs GPS par la SOP Manu et ses partenaires, seul un a pu être récupéré et confié au Museum d'histoire naturelle. Résultat : l'oiseau marin voyage de la Nouvelle-Zélande, jusqu'au Chili.

Espèce polynésienne la moins connue des scientifiques, le puffin de Rapa ne compte plus que 200 individus contre quelques milliers dans les années 1980, selon les rares chiffres existants dans la littérature. Une diminution suffisamment inquiétante pour justifier une étude. "La disparition de ces colonies particulières d’oiseaux marins constituerait une perte importante pour le patrimoine culturel polynésien et porterait, sans aucun doute, un grave préjudice pour notre environnement" prévient la Société d'ornithologie de Polynésie (SOP) Manu.

Il faut dire que le seul site de reproduction de l'animal se trouve sur l'île la plus au Sud des Australes, et donc la plus isolée du fenua. Un éloignement qui présente pourtant "un site idéal pour la sauvegarde de ces espèces", d'où la présence sur l'île et sur ses nombreux motu inhabités, d'une avifaune riche de onze espèces, principalement composée de pétrels, de puffins et d’océanites.
 
Rares et difficiles à observer

Cependant trois espèces nicheuses menacées par les rats sont en danger d’extinction : le puffin de Rapa – répondant localement au nom de kakikaki - l’océanite à ventre blanc et l’océanite à gorge blanche, aussi nommées koru’e. Rares et difficiles à observer, ces espèces présentent un intérêt scientifique certain. Notamment parce qu'elles pourraient être endémiques. Elles n'existeraient donc que là-bas. "Ce qui est exceptionnel chez les oiseaux de mer !" commente l'association.

En 2019, Jean-Claude Thibault, ornithologue spécialiste des oiseaux du fenua et la SOP Manu ont mené une mission de suivi des oiseaux marins et de gestion des menaces sur les motu de Rapa, avec l'aide de l'association Raumatariki sur place. "Il fallait former plusieurs locaux pour assurer ce suivi, indique Tehani Withers, chargée de programme à la SOP Manu. Nous avons aussi posé dix capteurs GPS sur les Kakikaki, pour connaître leurs déplacements hors de leurs saisons de reproduction."
 
Des balises inférieures à 2,5 grammes
 
Absents de leurs sites de reproduction de décembre à février, les kakikaki voyagent. Reste à savoir où. C'est tout l'objet de l'étude : déterminer les zones marines qu'ils visitent durant ces quelques mois et connaître les menaces en mer. "On sait que beaucoup d'oiseaux sont victimes de long-liner" précise Thomas, coordonnateur des programmes de la SOP Manu. Des GPS miniaturisés d'un poids inférieur à 2,5 grammes ont donc été posés sur dix oiseaux. Capables d'enregistrer la température de l'eau de mer, les petits engins ne peuvent pas transmettre les données en temps réel. D'où leur légèreté. Ils peuvent par contre conserver les données pendant deux ans. Ce qui implique de capturer à nouveau les oiseaux balisés.

C'est là que cela se complique. Déjà parce que la mission cette année est forcément programmée pendant la saison de reproduction : entre mars et novembre, soit en plein hiver. "Là-bas, les températures tombent à 7-10 °C !" rappelle Tehani Withers. "C'était une tâche très difficile, car très peu d’oiseaux se reproduisaient, et il a fallu capturer ceux qui visitaient l’îlot la nuit pour se reposer. Et ils ne se reposent pas longtemps ! Le travail a dû se faire entre minuit et 4 h du matin." Résultat : un seul GPS sur dix a été récupéré pour l’instant.
 
Une récolte certes maigre, mais suffisante pour avoir une idée des trajectoires et des capacités de déplacement de ces petits oiseaux. Envoyée à un spécialiste du Muséum National d’Histoire naturelle, la "précieuse balise" a démontré que le kakikaki voyage loin, très loin. "Plusieurs localisations ont été enregistrées du côté de la Nouvelle-Zélande, mais aussi du Chili !" souligne l'association. Soit à 7 000 kilomètres de son île natale.
 

Projet de dératisation sur trois motu périphériques

Essentielle pour la biodiversité de Rapa, la restauration de trois motu périphériques (Tauturau, Karapoo rahi et Rapa iti) est vivement souhaitée par l’association locale Raumatariki Rapa et la SOP Manu. L’éradication sur ces trois motu des rats, redoutables prédateurs pour les petits oiseaux marins, permettrait de protéger durablement les koru’e et le kakikaki. "Les avancées technologiques permettent désormais des épandages de raticide à l’aide de drones, avec des risques proches de zéro, tant pour l’environnement marin que pour l’homme" précise l'association.

« Il y a encore énormément de travail à faire à Rapa et sur ses motu, mais les projets de restauration avancent peu à peu, grâce à la communauté locale, très investie dans la protection de son île » commente Tehani Withers, chargée de projet saluant le travail de Raumatariki. Intermédiaire entre la SOP Manu et la population locale, l'association lui fournit des guides pour le travail sur le terrain. En retour, Manu lui propose un support technique pour la formation des référents locaux concernant les oiseaux et les espèces envahissantes, ou pour l’obtention de financements.
 
 

Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 21 Décembre 2020 à 18:35 | Lu 46905 fois