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Le populiste Duterte remporte la présidentielle aux Philippines


Manille, Philippines | AFP | lundi 09/05/2016 - Le candidat populiste Rodrigo Duterte a remporté lundi l'élection présidentielle philippine, selon un organisme de contrôle du scrutin, après une campagne outrancière au cours de laquelle il a promis de tuer des milliers de criminels.

Maire de la grande ville de Davao (sud), Rodrigo Duterte a séduit des millions de Philippins avec un langage cru et des propositions expéditives sur deux des fléaux de la société philippine: la criminalité et la pauvreté.

Il disposait, tôt mardi matin en heure locale, de 5,84 millions de voix d'avance sur son rival le plus proche alors que moins de 12% des bulletins restaient à dépouiller, selon le PPCRV, organisme de contrôle des élections de l'Eglise catholique, accrédité par le gouvernement pour compiler les résultats.

"C'est avec humilité, une extrême humilité, que j'accepte ceci, ce mandat du peuple", a déclaré M. Duterte à Davao.

"Ce que je peux vous promettre, c'est que je vais faire tout ce que je pourrais, non seulement le jour mais même pendant mon sommeil", a-t-il ajouté.

Selon les résultats rendus publics par le PPCRV, Rodrigo Duterte a bénéficié de 38,6% des votes, suivi de Mar Roxas, le candidat adoubé par le président sortant, avec 23,12%, et du sénateur Grace Poe avec 21,76%. Ce dernier a d'ores et déjà félicité le vainqueur.

En vertu du système électoral philippin, le candidat arrivé en tête, même sans majorité absolue, est élu président.

Trois décennies après la révolution qui avait chassé Ferdinand Marcos, les détracteurs de Rodrigo Duterte ont mis en garde contre le risque d'une nouvelle phase de dictature et de turbulences.

Mais à l'heure où la forte croissance de l'économie de l'archipel ne se traduit par aucune amélioration notoire du niveau de vie du plus grand nombre, Rodrigo Duterte semble avoir tapé juste en dénonçant les échecs des élites.

Plusieurs scrutins locaux et nationaux se sont tenus lundi en même temps que la présidentielle, avec plus de 18.000 mandats électifs à pourvoir, au terme d'une séquence politique émaillée de violences.

Quinze personnes ont péri durant la campagne, selon la police. Dix autres ont été tuées lundi.

- 'Oubliez les droits de l'homme!' -

Rodrigo Duterte, lui, a promis de tuer des dizaines de milliers de criminels, ou encore de se passer d'un Congrès qui n'obéirait pas. Il s'en est également pris aux élites.

Dans un pays dont 80% des habitants sont des catholiques fervents, il a qualifié le pape de "fils de pute" pour avoir provoqué des embouteillages lors d'une visite dans l'archipel.

"J'ai besoin de votre aide pour empêcher le retour de la terreur dans notre pays", avait déclaré samedi à Manille le président sortant Benigno Aquino, dont la mère fut une figure de proue de la révolution de 1986.

De l'autre côté de la capitale, le maire de Davao détaillait alors devant des dizaines de milliers de partisans conquis son plan pour éradiquer en six mois la criminalité.

"Oubliez les lois sur les droits de l'homme!", avait lancé celui qui est accusé d'avoir organisé à Davao des escadrons de la mort qui auraient tué plus de mille personnes.

Depuis la présidentielle de 2010, les Philippines ont connu une croissance annuelle de 6% et les efforts de M. Aquino contre la corruption ont été salués à l'étranger. Mais un quart des 100 millions d'habitants vivent toujours en dessous du seuil de pauvreté.

Depuis 30 ans, l'archipel est largement dirigé par des clans familiaux soutenus par de puissants hommes d'affaires, un système qui a contribué à enraciner les écarts de richesse.

Mar Roxas, arrivé deuxième, est lui-même membre d'un de ces clans, puisque son grand-père fut président après la Seconde Guerre mondiale.

Rodrigo Duterte a également promis pendant la campagne de s'en prendre à l'élite.

En marge du scrutin principal, la bataille pour la vice-présidence était également très surveillée car elle pourrait échoir au fils du défunt dictateur, Ferdinand Marcos Junior, crédité d'une légère avance.

La superstar des scrutins était néanmoins sans conteste l'octuple champion du monde de boxe, Manny Pacquiao, candidat au Sénat.

Rédigé par () le Lundi 9 Mai 2016 à 16:01 | Lu 1174 fois